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Madame, bonjour !
Le
kamalengoni (
kamalenkòni, en bamana) est associé principalement à la musique de
Wasulu, style musical popularisé depuis les années 80 (Oumou Sangaré y a pris grande part) et interprétée au sud (-est) du Mali (principalement au cercle de Yanfolila, ville située à 250 kms environ de Bamako et peuplée en majorité de Peul. Ces derniers sont sédentarisés et ont perdu l’usage du fulfulde, leur propre langue, depuis longtemps à la suite de leur contact avec des peuples Mande de cette localité mais gardent cependant une forte identité peul. Les populations du
Wasulu ont élaboré une forte tradition musicale essentiellement basée sur certains éléments qui sont : la harpe arquée,
nkòni, celle des jeunes et/ou des chasseurs, le tambour à une peau,
jenbe, qui sert à jouer la célèbre musique agraire
sogoninkun, "masque d’antilope (= danse du
Wasulu)", la qualité vocale des chanteuses, titrées
kònò, "oiseau", au
Wasulu, et la facilité de la composition musicale. Tous ces différents éléments sont représentatifs de la tradition musicale du pays
Wasulu où ils forment un tout) ainsi qu’au nord-est de la Guinée. Comme déjà mentionné dans un message qui précède, il s’accorde sur un système pentatonique (cinq niveaux de son différents sur une octave), contrairement à la musique des griots Maninka (
maninkajeliw) dont l’échelle est heptatonique (sept niveaux de son différents sur une octave).
Donc, ça dépend si vous avez un kamalengoni à 8 ou à 12 cordes (
juru, en bamana), il faut que vous étendiez l’échelle pentatonique (sur la base des notes B – D – E – F# – A). Voici les quelques configurations pentatoniques (les notes b, d et e sont une octave plus hautes que B, D et E)...
8 cordes :
B - D - E - F# - A - b - d - e
12 cordes :
B - D - E - F# - A - b - d - e[ - f# - a - b - d]
ou
[D - E - F# - A - ]B - D - E - F# - A - b - d – e
ou
[F# - A - ]B - D - E - F# - A - b - d - e[ - f# - a]
etc.
Madame, vous prétendez que le kamalengoni ("harpe des jeunes hommes") est "originaire du vieil empire mandingue". Wow ! Qui vous a raconté cette légende fantastique ?! Sauf votre respect, c’est absurde ! Le kamalengoni est un instrument assez jeune, dérivé du
donsongoni (
donsonkòni, en bamana, "harpe des chasseurs" ;
donso (kè) veut dire "chasseur"), et créé dans les années 40/50 du 20e siècle.
Si vous vous intéressez à la riche et unique musique Mande, je recommande vivement de vous procurer l’ouvrage ci-après...
Charry, Eric 2000 : Mande Music. Traditional and Modern Music of the Maninka and Mandinka of Western Africa. 531 pages, 78 halftones, 30 line drawings, 36 musical examples, 8 maps 6 x 9. Chicago Studies in Ethnomusicology. 30 $. ISBN: 978-0226101620.
www.amazon.com/...252235360&sr=8-1
Un ouvrage pas bon marché mais indispensable pour tous ceux et celles qui s’intéressent à et se penchent sur l’aire culturelle Mande (linguistes, ethnologues, ethnomusicologues, sociologues, musiciens, historiens, qui que ce soit), à de multiples cartes, photos, illustrations, transcriptions musicales ainsi qu’une exhaustive bibliographie, discographie et vidéographie... Ce sont, je suppose, surtout les chapitres no.2 (
Hunter’s Music), 3 (
Jeliya) et 5 (
The Guitar and the Modern Era) qui devraient présenter de l’intérêt pour vous.
Je vous assure qu’il n’existe rien de mieux sur ce sujet !
Malgré le fait que vous avez un kamalengoni à 8 cordes, je vous renvoie à un accordage d’un donsongoni à 6 cordes, enregistré par l'ethnomusicologue
Gilbert Rouget en Guinée (1953). Ses annotations ont été publiées sur une
re-release de ses enregistrements anciens (sur CD) en 1999 (Chant du Monde). Possiblement, elles sont utiles à vous...
A la fin, permettez-moi les quelques remarques relatives aux termes utilisés en partie par vous et autres de ce domaine. Il règne une assez grande confusion terminologique quant à la dénomination des peuples, des zones géographiques et des langues, et je me propose de donner les quelques mots-clés qui reviennent souvent dans les études Mande, de les définir afin d’éviter des malentendus...
MALI
Il s’agit d’un terme purement géopolitique. Selon le contexte, il désigne
l’actuelle République du Mali, ancienne colonie française devenue indépendante en 1960, ou
l’empire Manden à son apogée (14e siècle), dont le premier roi fut
Sunjata (Keita), héros chanté et "gloire du Mali" (selon la légende). Relativement à l’empire Manden resp. à l’empire du Mali, la dénomination "empire de Sunjata" est acceptée également (mais pas du tout "empire mandingue"). Dans nos jours, le Mali est sans doute la! perle du continent africain.
MANDE
Ce terme est un néologisme qui se justifie par le fait qu’il sert à designer de manière univoque une construction scientifique et analytique ; il a essentiellement deux acceptations. D’un côté, Mande désigne
une des six branches linguistiques (sous-familles) du phylum Niger-Congo (les cinq autres sont l’ouest-atlantique, le gur, le kwa, le benue-congo et l’adamawa-oubangi). D’un autre côté, le terme a une signification culturelle et géopolitique ; c’est l’ensemble de la zone sahélienne et de la savane dont
l’unité culturelle porte le sceau des empires hégémoniques (Ghana, Manden, Songhaï, royaume bambara de Ségou).
Dans quelques rares cas, Mande est employé pour nommer les hommes qui sont issus de l’aire culturelle du même nom.
MANDEN
Sous cette forme orthographique – avec un /n/ final – doit être comprise une dénomination géographique désignant le noyau régional dont est partie la conquête d’une grande partie de l’Afrique de l’Ouest sahélienne par les troupes de
Sunjata. Le Manden couvre
la zone comprise entre Bamako (Mali) et Kouroussa (Guinée) et qui se situe de part et d’autre du fleuve Niger localement appelé
Joliba (Kangaba, Kela, Kourouba, Sibi au Mali, et Siguiri en Guinée).
MANDING et
MANDINGUE
Comme Mande, Manding est également un néologisme des linguistes. Il sert à désigner
un sous-ensemble des langues Mande (de la branche ouest) qui ont une grande parenté sur le plan de l’intercompréhension. Cet ensemble de variantes dit Manding s’étend sur neuf pays ouest-africains, à savoir le Sénégal, la Gambie, la Guinée-Bissau, la Guinée, la Libéria, le Sierra Leone, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et surtout le Mali.
Très souvent, et à tort, ce terme est identifié au terme Bamana ; les deux ne sont en aucun cas identiques, au contraire, Bamana est la variante la plus parlée et la plus connue de l’ensemble Manding (à côté du Maninka, Mandinka et Jula), qui fait office de langue nationale planifiée au Mali (planification de statut et de corpus). Il est basé essentiellement à la variante (officielle) de Bamako (Bamana standard). La majorité des textes littéraires sont conçus en Maninka, Xasonka ou dans la variente du Bamana de Ségou, qui diffère nettement du Bamana standard (de Bamako).
En français, un bon nombre d’auteurs emploient Mandingue dans une acception similaire à l’usage du Manding. On ne parle en aucun cas de "Mandingues" pour appeler un peuple, une unité ethnique (qu’ils ne sont pas), mais de "les Bambara, les Jula (Dioula), les Xasonka (Khassonké), les Koro, les Maninka, les Mandinka, les Mauka, les Mèèka, etc.".
MANENKA, MANDENKA, MANINKA et
MANDINKA
Le terme Mandenka est un mot dérivé, se décomposant en Manden (nom de lieu) et le suffixe –ka, signifiant "habitant de...". Par conséquent, les formes Manenka, Mandenka et Maninka désignent les "gens du Manden". En Gambie, en Guinée-Bissau et au Sénégal oriental, une quatrième forme sert à nommer la population dont l’origine situe dans le Manden originel : les Mandinka.
A part leur fonction comme
ethnonymes, les quatre formes servent aux
linguonymes à la fois, c.à.d. qui sont pour chaque la langue des "gens du Manden".
MALINKÉ et
MANDINGO
Surtout dans les ouvrages francophones sur le Mande est souvent utilisé le terme Malinké, désignant
une multitude de peuples et leur langues, à savoir les variantes Manding (Kogaya, Koro, Mandenka, Mandinka, Nyoxolonkan, Maninka, Manyia, Wasulunka, Worodugu). Par conséquent, le terme est peu spécifique, donc sans toute importance ethnologique et linguistique. Son équivalent anglophone, Mandingo, est peu spécifique également.
On fait bien de négliger l’emploi de ces deux termes.
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Madame, j’espère bien que vous réussissez à accorder votre instrument et que vous avancez dans l’apprentissage. Restez fidèle à la culture Mande !
Bon dimanche, hgb
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Hery.