Les rives du Bosphore
Hier est désormais rangé dans la série "Petites galères de voyage". Leçon à tirer de cette fâcheuse parenthèse : ranger dorénavant tous les documents importants dans une pochette dissimulée sous le T-shirt et ne garder que quelques papiers sans valeur dans la sacoche visible...
Prévoir, dans le sac de voyage laissé à l'hôtel, photocopies des passeports, cartes diverses, etc... fort utiles pour prouver son identité et simplifier les démarches. Ceci sera une affaire classée dans les jours qui suivront le retour en
France, expérience utile pour d'autres voyages...
L'immense palais Dolmabahçe a été construit entre 1843 et 1856 selon le bon plaisir du sultan Abdülmecid : c'est une folie délirante en marbre, de style baroque mélangeant orient et occident, qui s'étale sur la rive européenne du
Bosphore.
Une longue queue s'est formée devant les grilles. Les visites sont règlementées afin de ne laisser entrer les curieux qu'en groupes limités toutes les 20 minutes. Une heure plus tard et délestés de 10$, nous pénétrons enfin dans le hall gigantesque du palais, dont l'opulence et le luxe sont le reflet de la toute puissance ottomane au 19ème siècle.
Sous des plafonds d'une hauteur impressionnante, c'est un ruissellement de cristaux de
Bohême, miroirs de
Venise, vases de Sèvres et tapis de soie, ainsi qu'un étonnant escalier avec balustrade en cristal taillé. Salle du trône et nombreux salons de réception dont les hautes fenêtres de vitres à facettes donnent sur le
Bosphore.
C'est dans une des chambres de ce palais que Kemal Atatürk est mort, le 10 novembre 1938 : toutes les pendules ont été arrêtées à 9 h 05, date du décès du "Père de la
Turquie"...
Ce palais fait irrésistiblement penser au château de Versailles : à l'image de Louis XIV, le padishah s'est offert ce prodigieux monument dont la construction a coûté une fortune puisée dans les caisses de son pays au bord de la ruine...
Dominant l'ancien quartier gênois, la
Tour de Galata fut érigée vers l'an 500. Une certaine animation règne dans ces rues en forte pente qui conduisent vers l'édifice dont on aperçoit le toit pointu au détour d'une ruelle. Nombreux commerçants et artisans se sont installés ici depuis des générations. Voici un hamal portant sur son dos une épaisse plaque de contre-plaqué de 2 mètres de long. Il marche plié en deux et maintient son fardeau de ses deux bras écartés, tordant le cou pour se diriger au milieu des passants indifférents.
On peut accèder au sommet de la tour par un ascenseur qui dépose les visiteurs au dernier niveau d'où l'on grimpe à pied un escalier en colimaçon pour émerger enfin sur l'étroit chemin de ronde. Une vue superbe s'offre au regard : les collines d'
Istanbul, la
Corne d'or, le
Bosphore, la rive asiatique.
Pour regagner les rives de la
Corne d'or, on traverse des îlots d'habitations misérables qui descendent jusqu'au bord du fleuve. Odeur de poissons grillés, que des pêcheurs vous tendent, enveloppés dans du papier-journal. Clapotis de l'eau visqueuse qui lèche les pavés des quais où sont amarrées quelques barques.
En cette fin d'après-midi, la ville s'enveloppe dans les vapeurs bleutées dégagées par les nombreux poëles à charbon allumés un peu partout à l'heure des repas.
A la porte de l'hôtel, chaque matin, des vendeurs de contrefaçons proposent des T-shirts H., des montres R. et des chaussettes B. à prix cassés... C'est très délicat de leur expliquer que nous risquons de futurs démêlés avec les douanes françaises, extrêmement chatouilleuses à l'égard de ces articles interdits dans notre pays. Néanmoins, on leur achète deux ou trois choses qu'on passera (en fraude et en douce) sans dommage à l'arrivée : le crime n'est pas bien grand et ces jeunes turcs n'auront pas perdu leur temps.
Nous partons en tramway jusqu'au terminus, station Sirkeci : c'est là que se trouve le point d'embarquement pour
Usküdar, sur la rive asiatique. Des vapurs sillonnent le
Bosphore d'une rive à l'autre toutes les 20 minutes. Ce sont de gros bateaux qui accostent chargés d'un flot impressionnant de travailleurs matinaux venus des quartiers asiatiques qui se dirigent rapidement vers leurs occupations, certains sont tellement pressés qu'ils sautent à quai avant l'amarrage.
La traversée coûte 3500 livres turques et ne dure que 15 minutes. Au milieu du
Bosphore se dresse la
Tour de Léandre, autrefois lieu de défense et de péage grâce à une chaîne tendue de part et d'autre du canal.
Une rapide perspective sur l'immense palais Dolmabahçe et les anciens palais, et nous voici en Asie. Un taxi nous emmène vers le Beylerbeyi Sarayï, palais du sultan Abdül Aziz, édifié au pied du pont suspendu de Bogaziçi.
Seuls visiteurs dès l'ouverture des portes, nous pénétrons dans une longue galerie souterraine aux parois et à la voûte tapissés de briques, passage pour les carosses et les cavaliers d'une époque disparue. Quelques objets sont exposés dans les niches creusées dans les murs. Au bout de ce tunnel une porte vitrée de carreaux colorés donne sur un vaste jardin de massifs fleuris et arbres taillés. Des kiosques sont édifiés au milieu des allées soigneusement tracées "à la française".
Hélas, la civilisation et le modernisme sont venus gâcher la douceur de l'endroit, l'immense pont routier domine le site avec le bruit d'une circulation automobile incessante.
Moins imposant que Dolmabahçe, ce joli palais rococo fut construit en 1865 par le sultan Abdül Aziz qui en fit sa résidence d'été. Là encore, la profusion de marbre, bois précieux, lustres de cristal, colonnes ouvragées, velours et tapis, démontre les goûts dispendieux de ces souverains. On sait que l'Impératrice Eugénie fut l'invitée très choyée du sultan, follement épris de l'épouse de Napoléon III...
Avant de reprendre le bateau, nous visitons deux mosquées, Mihrimah Camii et Yeni Valide Camii, créations de l'architecte Sinan. Silence, sérénité.
Sur les quais, quelques pêcheurs remontent leurs paniers de coquillages. Un cormoran plonge à la recherche de son déjeuner.
Il fait très beau. On se promène le long du
Bosphore en savourant la douceur de l'air, avant de retrouver l'intense activité de l'autre côté du fleuve.
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