Khaldoun · 5 septembre 2007 à 17:05 16 messages · 7 participants · 6 194 affichages | | | 5 septembre 2007 à 17:05 · Modifié le 26 sep. 2007 à 11:15 Message 1 de 16 · 6 127 affichages · Partager Mon premier est:
Le permis tibétain: mythe, réalité ou...arnaque?
Au départ étaient, sur le Net, les sites officiels qui terrorisent : le permis tibétain est obligatoire, sous peine d’emprisonnement, d’acquittement d’une amende corsée et d’une expulsion automatique. Bigre ! En arrivant à Xining, la ville chinoise où l’aventure tibétaine commence sur les rails, je prends sagement le chemin d’un bureau intitulé sans complexe " Bureau du Permis Tibétain" et curieusement situé dans une chambre d’hôtel d’un chic établissement de la ville. Une jeune femme maigre, lunetteuse et revêche me reçoit, me confirme le châtiment qui m’est promis si je franchis les frontières du Tibet sans autorisation et me fait remplir une fiche, avant de me réclamer 500 yuans, l’équivalent de 50 euros, une coquette somme pour le chinois ordinaire. En contrepartie, j’ai quatre jours à patienter pour obtenir le précieux sésame.
Je passe les quatre jours sur les hauteurs de la splendide ville montagnarde de Xiahe, un sérénissime Moines-Bouddhistes-Land, et je redescends à Xining pour chercher mon papier. La même maigrichonne me tend mon permis officiel pour voyager au Tibet, que je parcours des yeux. Mais certains détails m’intriguent au plus haut point. Je la rappelle.
Primo, qui a signé et qui a tamponné le document ? La réponse fuse : une agence de voyages. Ah ! Et l’Etat chinois alors ? Le gouvernement, les autorités, la flicaille en gros, ça ne tamponne ni ne paraphe ni ne valide rien ? Ben non ! Sans sourciller mais le ton se faisant plus doux (plus aguicheur ?), la demoiselle m’explique que l’agence de voyages qui l’emploie rend un service aux routards en leur fournissant ce papier qui est accepté par la police du Tibet. Un papier valable 4 jours seulement ??? Réponse : au-delà, il faut solliciter sur place une autorisation supplémentaire. Elle me tend alors le plus naturellement du monde la carte de visite de ses collègues de Lhassa.
Deuxio, il est inscrit en bas du document, en anglais et de façon on ne peut plus explicite, « No fee and no commission ». Comme je n’ai pas Alzheimer, je signale à ma pédagogue que j’ai versé au préalable une petite brochette de billets de 100 yuans. Cette dernière se lance alors dans un inimaginable discours, un charivari verbal interminable, vaseux, inintelligible, mêlant allègrement le mandarin et l’anglais. Dieux immortels! Quel incroyable charabia ! A un moment, je me surprends à ne plus l’entendre du tout. Je plane, observant ses mimiques de guenon et le mouvement de ses lèvres qui ont l’épaisseur d’un sachet en plastique.
Tertio, qui est donc ce coéquipier que je me découvre? Sur le second volet de "mon permis", j’apprends que je voyage avec un japonais. Voyagerais-je avec un compagnon à l’insu de mon plein gré ? Suis-je le héros ignorant d’un épisode de la série " Mon ami le fantôme" ? En lui posant la question, j’éclate de rire. Un japonais ! Me v’là bien ! Est-ce au moins un gros bras chargé de la protection du VIP que je suis ? Je la préviens, l’index tendu: c’est la seule réponse que j’accepte ! Au lieu de quoi, elle m’explique sans rire que les routards en solo ne sont pas admis au Tibet. Il faut faire partie d’un groupe. Me voilà donc casé, intégré à une multitude.
Trêve de plaisanteries ! Je pose brusquement le permis sur le bureau et exige sur le champ le remboursement des frais. Chose surprenante, l’employée me les restitue immédiatement, sans ajouter un mot, le temps d’ouvrir un tiroir, et dans leur intégralité. Mon terrifiant regard a opéré. En battant le pavé à la sortie de l’hôtel, je me lance dans quelques réflexions. Les menaces webiennes de l’Ambassade Chinoise me reviennent. Qui, de sensé, souscrirait à un petit séjour dans les geôles chinoises ? Que faire ? Je suis dans un cas de figure inédit. J’ai la certitude qu’il y a grugeage derrière ce pseudo-permis mensonger, raturé et rédigé de façon scolaire. En même temps, il constituerait la preuve de ma bonne foi à un éventuel contrôle à Lhassa. Je reprends donc le chemin du Bureau et le récupère en marmonnant dans ma barbe (imaginaire).
Durant les 25 heures de trajet entre Xining et Lhassa, dans un train bondé mais neuf, propre et confortable, aucun contrôleur ne montre le bout de sa casquette. Des employés font bien de temps en temps une apparition, qui pour effectuer un brin de nettoyage dans le wagon, qui pour sermonner un voyageur indélicat. Mais sans plus. A l’arrivée à Lhassa, quelques agents de police sont en faction ici et là, observant et bavardant mais nullement préoccupés par les quelques occidentaux en mouvement vers la sortie de la gare.
Les deux premiers jours à Lhassa, ma certitude est acquise : les pandores se soucient comme de leur dernière chaussette de contrôler les étrangers. Dans une Lhassa vidée de son ancestrale spiritualité et livrée à un mercantilisme effréné (la densité d’échoppes et de magasins au m2 donne le tournis), les visiteurs sont accueillis dans la liesse et il n’est pas question de les détourner de leur vocation consumériste par de vulgaires tracas administratifs. Voulant en avoir le cœur net, je repère, situé à une poignée de mètres du Potala, le Bureau du Tourisme Tibétain, m’y engouffre et demande audience à un responsable. C’est une Dame de Fer version chinoise qui me reçoit. L’anglais impeccable, le verbe poli, le regard scrutateur, le sourire mesuré, elle m’écoute, s’empare du fameux "permis" que je finis par lui tendre, le parcourt et fronce les sourcils aussitôt. Ça sent le roussi, pronostique-je. Elle décroche son combiné et convoque illico l’attaché de l’agence à Lhassa. Ce dernier débarque en trombe et manque de s’étrangler en apprenant de quoi il retourne. Face à des questions et des remarques formulées précisément et sur un ton péremptoire, notre voyagiste se fait blême, perd son latin, bredouillant une succession de mots inintelligibles et offrant l’image rêvée au cinéma d’un truand démasqué. Je le vois soudain reprendre contenance et me faire un geste de repli. La "Procureur" me fait signe de le suivre pour régler le problème. Je m’exécute, non sans quelques réticences intérieures. Et avec raison ! Sitôt dehors, l’homme donne libre cours à sa colère, pestant et vociférant dans un langage auquel je ne comprends goutte évidemment. Descendus du taxi, que je lui laisse le soin de régler, nous faisons notre entrée dans une agence de voyages située au fond d’une cour circulaire entourée par les fenêtres d’un hôtel. Ce type, si j’ai bien compris, accueille des grappes de touristes occidentaux en tout-inclus auxquels, en plus des classiques de Lhassa et de ses environs, il refourgue au prix fort un chiffon intitulé " Permis tibétain". Jolie combine ! C’est de l’argent gagné à ne rien faire ! Et j’ai eu l’outrecuidance d’en dévoiler les ressorts au Bureau du Tourisme tibétain.
Je passe sur la rage du voyagiste (à vous vacciner contre les Agences de voyages !), ses trépignements et ses hurlements au téléphone à sa collègue de Xining, ses tentatives d’intimidation (en pure perte) et ses vaines concertations avec ses conseillers pour imaginer un prétexte valable pour ne pas rembourser.
Morale de l’histoire : le permis tibétain est aujourd’hui une arnaque, une juteuse affaire pour les agences de voyages qui jouent sur la peur et l’ignorance des voyageurs. J’ai circulé plusieurs semaines au Tibet, y compris dans des coins reculés et à toutes heures de la nuit, où j’étais seul et identifiable de loin. Je ne compte pas les estafettes de police en patrouille que j’ai croisées. Je n’ai pas été une seule fois inquiété.
Khaldoun | | À: Khaldoun · 6 septembre 2007 à 14:37 Message 2 de 16 · 6 063 affichages · Partager Salut
Merci pour ton super récit, à faire figurer au panthéon des Arnac
C'est vrais que les chinois quand ils ont tord et qu'ils se font engueulé par les autorité, ils deviennent mauvais !!! j'en est fait l'expérience aussi...
Philo | | À: Khaldoun · 6 septembre 2007 à 19:03 Message 3 de 16 · 6 038 affichages · Partager Merci pour ton récit. C'est vrai que c'est surréaliste ces histoires de permis. Avec deux potes, on avait tenté en 2004 d'aller au Tibet via Kashi, et là c'était carrément la totale, agence de voyage, permis + 4x4, guide etc, malgré que la route soit censée est interdite. À la finale, ils ont jamais pu nous donner aucun tarif et on est resté sur notre faim. La prochaine fois ce sera via Xining en ce cas! | | À: Khaldoun · 7 septembre 2007 à 12:15 Message 4 de 16 · 6 004 affichages · Partager marant ton recit effectivement!
je pars pour le tibet ce 15septembre... donc d'apres toi il n'est pas necessaire d'avoir ce permit...
je sais plu moi!!! il est vrai que plusieurs membres disent qu'il n'est pas necessaire de l'avoir et que de toutes facons si l'on se fait controler on ne risque pas grand chose... j'hesite... | | À: Pekoune · 8 septembre 2007 à 14:12 · Modifié le 8 sep. 2007 à 20:02 Message 5 de 16 · 5 946 affichages · Partager Si des étrangers étaient sanctionnés pour cause d’entrée au Tibet sans "permis", cela se saurait, tu ne crois pas ? Sur ce forum d’ailleurs, tu ne trouveras aucun témoignage d’un voyageur interpellé, taxé, enfermé, expulsé etc. Curieux, non ?
Alors libre à toi de participer (à tes dépens) à cette filouterie. Avec ce soi-disant permis, tu risques de te sentir un peu bête à Lhassa... J'en ai rencontré dans ce cas.
Et comme dit Matlo, les agences, en plus de te menacer du cachot si tu ne leur achètes pas le papier, te mettent la pression maximum pour te vendre des balades coûteuses et à la chinoise (on arrive, on prend photos et on repart), alors que les transports en commun font l’affaire en toute simplicité.
Khaldoun | | À: Khaldoun · 13 septembre 2007 à 5:50 Message 6 de 16 · 5 853 affichages · Partager Ton récit commence par "mon premier est".
A quand la suite? | | À: Yangguizi · 17 septembre 2007 à 12:25 · Modifié le 16 déc. 2007 à 23:06 Message 7 de 16 · 5 796 affichages · Partager Quel impatient !
Ta prise de bec avec un moine de Xiahe que tu nous avais racontée à une époque m’avait bien fait rire et elle m’est restée en mémoire. Alors... Mon deuxième est:
Les Moines Bouddhistes, que faut-il en penser ?
S’il est une catégorie d’humains que l’on peut observer à loisir au Tibet, c’est bien celle des Moines Bouddhistes. Le moins qu'on puisse dire, c'est que l’image commune d’ascètes discrets, modestes, humbles, entièrement dévoués à l’étude et à la méditation est quelque peu ternie lorsqu’on parcourt le Tibet en prenant son temps.
Mon premier contact visuel avec les Lamas se situe dans un restaurant huppé de la ville de Xining. Alors que je m’apprête à goûter à une fondue chinoise dont le matériel et les ingrédients ont été éparpillés aux quatre coins de ma table, je constate avec ravissement que mes voisins sont une demi-douzaine de Moines de fort joyeuse humeur, faisant face à un copieux assortiment de viandes et de légumes, et occupés à broyer et à malaxer bruyamment, tout en émettant, de satisfaction, des rots sonores à intervalles réguliers. Ne serait leur accoutrement, on jurerait qu’il s’agit là d’une réunion de malfrats faisant bonne chère et échangeant des histoires salaces. L’un d’entre eux, plus âgé, semble d’ailleurs tenir le rôle de parrain, suscitant à chacune de ses interventions un silence, suivi quelques instants plus tard d’une explosion de rires. A un moment, une sonnerie retentit, et c’est cette éminence que je vois se saisir d’un téléphone portable dernier cri et se diriger vers la sortie. Ce même vénérable personnage me dissuadera à son retour par un regard foudroyant de les prendre en photo, lui et ses potes.
Tout autre topo quelques jours plus tard : dans le bus qui m’emmène à Xiahe, un jeune Moine s’installe à côté de moi ! Tacitement, nous signons un pacte de silence et de respect absolu pour les 6 heures de trajet à venir. Le temps passant et la faim venant, alors que tous les passagers ont entamé leurs sachets de victuailles, mon voisin est le seul à s’abstenir de manger. Malaise... D’autant plus que, contrairement à ses collègues fêtards du restaurant de Xining, celui-ci ne donne pas franchement les signes d’une santé rayonnante. Maigre, immobile, les traits tirés, le teint pâle, le visage émacié, le regard fixe, il dégage la pénible impression de quelqu'un pour qui la souffrance est chose ordinaire. Lorsque je lui tend sans mot dire un morceau de banane, il y jette un regard interrogateur, s’en empare l'air absent et l’engloutit en une fournée. Lorsqu’une vendeuse monte dans le bus avec un plateau de pâtisseries, il tend le bras, se saisit prestement d’un gâteau et y plante voracement ses dents, le visage toujours inexpressif et en oubliant de payer. La vendeuse l’ignore superbement.
Xiahe est la ville des Lamas ! Située en altitude, d'une superficie restreinte et cernée par les montagnes, c’est pourtant la plus forte concentration de monastères de toute la Chine. Ils sont près de 3000 Moines de tous âges à y couler des jours paisibles. Dans l’artère commerciale de Xiahe, le bordeaux (ou couleur lie-de-vin) est la couleur vestimentaire dominante à toutes heures de la journée. En soirée, lorsque les touristes d’une journée ont déguerpi, on y assiste à un festival de Lamas en promenade, s’offrant des moments de franche rigolade chez un artisan, au café ou au restaurant. Je dois reconnaître que, contrairement à notre ami Yangguizi, je n’ai pas vécu la moindre contrariété à leur proximité. Dit crûment, ce sont des gens qui vous fichent une paix royale et qui se montrent à votre égard d’une aimable indifférence à toute épreuve.
Au cœur du Tibet, à Lhassa, Xighazé et Gyanzé, les Moines font la démonstration de leur "modernité". Ils se montrent aussi âpres à la récolte de l’argent que les plus arrivistes des laïcs. Dans un monastère donné, chaque Moine a son carré privatif. L’argent qui y est déposé en offrande (devant des Bouddhas généralement) lui revient. Il facture par ailleurs chacune de ses consultations. De pauvres hères ne manquent pas en effet de le solliciter pour obtenir réconfort et conseils en tous genres. Il n’est pas rare en visitant un monastère de passer devant un Moine assis en tailleur et savamment occupé à compter de grosses liasses de billets. Le Moine, homme d’affaires ? L’idée n’est pas saugrenue. D’autant plus que le sonnant n'est pas ce qui manque dans ces édifices célèbres et surpeuplés. Il suffit de se baisser pour en avoir pleins les mains. J’en ai fait l’expérience à Lhassa, dans le fameux Jokhang. Au milieu d'une cohue phénoménale, j’ai ramassé une poignée de billets de banque et les ai fourrés dans ma poche. J’ai poursuivi cahin-caha ma promenade en songeant distraitement à les remettre dehors à quelques-unes parmi les nombreuses mendiantes de la capitale, et je suis revenu en fin de compte les relâcher à leur place initiale.
A l’occasion, les jeunes Moines font la chasse aux resquilleurs. A Xighazé, au Monastère de Tashi-Lhunpo, la meneuse d’un groupe de touristes chinois a l’idée de faire des économies en achetant un billet en moins. Franchissant crânement l’entrée de l’édifice, talonnée comme son ombre par un troupeau impressionnant, glapissant dans son haut-parleur, elle est interceptée par de jeunes Moines virulents qui lui arrachent les tickets des mains, les comptent et exposent au grand jour la supercherie. S’ensuit alors une vive altercation, des insultes pleuvent. La guide furieuse est forcée de rejoindre la file d’attente à l’entrée, sous les acclamations et les rires moqueurs d’une dizaine de jeunes Moines déchaînés. Spectacle burlesque et ahurissant !
Les Moines et l’hygiène, vaste sujet ! A Lhassa, je rends visite à un routard qui loge dans un dortoir d’une vingtaine de lits particulièrement malodorant. Gêné aux entournures, il m’explique que les mauvaises odeurs proviennent exclusivement d’un trio de Moines qui ne se lavent jamais. Il a observé, me confie-t-il, que les Lamas ignorent la douche, et ce sont leurs pieds qui empestent en premier lieu le dortoir. Il a l’intention, me dit-il en plaisantant à moitié, de leur apprendre à se laver, nom de Dieu ! Bizarre... Mes narines ne m'avaient rien signalé au contact de mes voisins du restaurant et du bus. Je puis attester seulement que dans les monastères, les w-c sont "naturels" et les douches effectivement inexistantes. Alors, les Moines font-ils toilette ou pas ? Question ouverte...
Voilà pour les Moines Bouddhistes. Pas franchement homogènes, ces gars. On en trouve de toutes les factures: des riches et des pauvres, des timides et des farceurs, des humbles et des effrontés, des prieurs (en apparence) et des sécheurs. Ils ont l’instinct grégaire et se déplacent en bandes, ce qui ne laisse pas de surprendre. " Moine" signifie en effet " solitaire" en grec. Sont-ils croyants ? Qui le saurait ? Derrière l'abnégation apparente, peut-être le gîte et le couvert d’abord... Quelles sont au juste la teneur et la qualité de leur enseignement ? Des Moines cultivés, se peut-ce ? Hum... Exemple parmi d’autres, un Lama parlant anglais au Tibet est chose rarissime. L’impression qui domine chez eux est plutôt celle d’une indigence intellectuelle crasse. Les piliers de leur existence semblent tenir sur quelques mots : désoeuvrement et récitations abrutissantes tous azimuts. Personne, et surtout pas les visiteurs qui leur sourient béatement, ne les envie.
Khaldoun | | À: Khaldoun · 20 septembre 2007 à 8:13 Message 8 de 16 · 5 718 affichages · Partager Je crois toujours que "mon ami le moine" grâce à qui j'ai pu te faire rire était un faux moine. En Chine, il y a bien de fausses rolex, de fausses BMW, de faux hôtels de luxe, de faux musulmans, donc il doit bien y avoir aussi de faux moines tibétains.
Ta remarque sur les moines tibétains ne parlant pas anglais m'étonne. Etre cultivé n'implique pas de parler anglais, et vice-versa. Je pourrais citer de nombreux exemples dans mon entourage, dans les deux sens. Des chinois instruits et bien éduqués ne sachant parler anglais, ça se trouve facilement. Des chinois parlant bien anglais mais totalement ignorants de leur histoire ou de pans entiers de ce que nous appelons "la culture", ça se trouve encore plus facilement. Il faut garder à l'esprit que pour les tibétains, la langue étrangère à apprendre en priorité est... le chinois. Les autres viennent après.
Et pour en revenir à Xiahe, que nous avons fréquentée toi et moi, peut-être es-tu allé dans un de ces nombreux restaurants tibétains qu'affectionnent les visiteurs étrangers. Celui auquel je pense en écrivant ces lignes était tenu par une espèce de cow-boy tibétain dont j'ai oublié le nom depuis longtemps. Cet homme très gentil et accueillant parlait un anglais correct, on pouvait communiquer avec lui dans cette langue. En revanche il ne savait pas parler chinois! C'est à ce jour le seul chinois (au sens de la nationalité chinoise) que j'ai rencontré qui savait parler une langue étrangère mais pas le chinois. | | À: Yangguizi · 20 septembre 2007 à 15:26 · Modifié le 20 sep. 2007 à 23:25 Message 9 de 16 · 5 690 affichages · Partager J’ai bien précisé que les facilités linguistiques étaient un critère d’appréciation parmi d’autres. Parler plusieurs langues participe à la culture d’un individu, tu ne crois pas ? Toutes choses égales par ailleurs, un polyglotte n’est-il pas plus riche culturellement (donc plus cultivé) qu’un "monoglotte" ? Derrière " parler une langue étrangère", n' y a-t-il pas un savoir? Officiellement, les jeunes Moines consacrent beaucoup de temps à l’étude. Pourquoi n’apprennent-ils pas l’anglais, histoire de mieux communiquer et de mieux informer ? A Xiahe, j’ai croisé en soirée une Anglaise rouge d’excitation qui attendait fébrilement "son" Moine qu’elle avait invité à dîner. Great ! Sachant que ce dernier parlait l’anglais comme moi le papou, j’ai dans l’idée que le dîner a dû être long...
Je n’ai pas eu l’honneur de faire la connaissance à Xiahe du Tibétain que tu cites. Dommage. Il faut dire que j’ai été là-bas, une fois n’est pas coutume, d’une fidélité absolue à mon hôtel (flambant neuf, pour chinois aisés) qui proposait une cuisine délicieuse, servie par un personnel tout sourire. J’y étais le seul pensionnaire non chinois et plutôt gâté.
Khaldoun | | À: Philobate · 30 novembre 2007 à 10:35 Message 10 de 16 · 5 512 affichages · Partager Merci Philobate, et bravo pour ton aventure chinoise à toi, que je suivais attentivement à l'époque.
Mon troisième est:
La Chine, Jean-Louis Borloo et moi
J’étais dans ma cuisine en train de râper des carottes et j’ai allumé la radio. L’interviewé était l’illusionniste Jean-Louis Borloo et il se trouvait englué dans un de ses fumeux et interminables numéros sur la situation de la France. Les pensées ailleurs, je ne faisais pas vraiment attention à ses habituels tours de passe-passe verbaux. Mais tout à coup, je dresse l’oreille : Jean-Louis, de sa voix timbrée, nasillarde que nous lui connaissons, se fait démographe. Il affirme en substance que la France connaîtra une croissance économique exceptionnelle dans les prochaines années grâce à son dynamisme démographique. Sur le ton de l’extase, Jean-Louis se félicite de la vigueur biblique retrouvée des français (qui seront bientôt au nombre de 70 millions, rêve-t-il tout haut) et nous assure qu’elle permettra à la France d’être plus riche et plus prospère.
Quelques mois plus tard, je suis littéralement soufflé en entrant dans le hall de la gare de Xi’an. Il est immense et il étouffe, il croule sous le poids du peuple ! Waouh ! Quel monde !!! Au jugé, les guichets sont au nombre de 25 ! Et chacun affiche une file d’attente d’une quarantaine d’âmes. A cette minute où, le sac vissé au dos, je fais mon entrée dans la gare de Xi’an, ce sont donc près d’un millier de pékins qui sont stationnés. Ajoutez à cela un tonnerre de voix confuses, un brouhaha infernal, un vacarme assourdissant dont on ne saurait localiser l’origine avec précision. Seuls les vendeurs de billets au marché noir semblent revendiquer clairement leur participation au concours des décibels. La gare de Xi’an est un vibrant symbole de l’explosion démographique chinoise. En près d’un demi-siècle, ce pays est passé de 450 millions à 1, 5 milliards d’habitants. Au routard, les gares chinoises sont les premières à témoigner et à fournir une image vivante, une illustration concrète de cette démence. A Xi’an ou Urumqi, prendre position devant le guichetier nécessite au bas mot un délai d’attente de 2 heures. De quoi lire de bout en bout un roman de Zweig. Je l’ai expérimenté. Entre deux progressions, les gens se tiennent droits et immobiles comme des statues. Seul leur regard erre, affectant la gravité et l’indifférence, mais cherchant à se fixer sur un point permettant de contourner l’ennui. Le moindre vendeur ambulant fait sensation. J’avais maintes fois lu que les chinois étaient patients et endurants. Dans les gares, c’est absolument vrai. Aucun mouvement de lassitude, aucun geste d’énervement, aucune velléité de révolte n’est perceptible. Même les resquilleurs leur arrachent tout au plus un haussement d’épaules méprisant. La guichetière, elle, une fois enfin à portée de voix, vous annone un " méïo" sans relief pendant une bonne dizaine de minutes. En clair, tout ce que vous lui demandez est complet. Pour partir aujourd’hui, demain et après-demain, c’est trop tard. C’est au petit bonheur. En fonction de votre destination, ça ne se débride qu’à partir du 4ème, 5ème ou 21ème jour. C’est l’autre effet peuple en Chine, surtout en été. Les trains sont complets. Il faut être versé dans le zen et la philosophie, apprendre à anticiper, relativiser, être flexible, jongler avec le temps, accepter de partir toujours plus tard. Pour un Xining- Lhassa, tout est complet avant 3 semaines. Pour un Dunhuang- Urumqi, une poignée de sièges sont à saisir à partir du cinquième jour. Pour les couchettes, autant demander la lune. Une fois dans le train, calé dans un compartiment rempli à ras bord, on réalise (ce n’est que la troisième fois depuis le début) à quel point c’est génial d’être nombreux. Promiscuité, atmosphère saturée de carbone, odeurs de fast-food, gamins braillards, toilettes nauséabondes, ronfleurs sans complexes...
Les gares ne sont qu’une illustration parmi d’autres. Les conséquences désastreuses de la folie chinoise sont visibles partout ! Le béton roi, la circulation automobile qui explose (et qui n’en est qu’à ses début !), le tourisme intérieur qui explose lui aussi (pas de jaloux), la métamorphose des hutongs de Pékin, passés du statut de chics et spacieuses maisons individuelles à celui de taudis collectifs abritant une famille par carré de murs, les déchets ménagers et les eaux usées qui condamnent les fleuves (le spectacle du Fleuve Jaune ravagé par les immondices est un crève-cœur) etc etc.
Jean-Louis Borloo aime-t-il la France et les français ? Leur veut-il du bien ? Une France toujours plus nombreuse, plus peuplée est-elle souhaitable ? A son époque, Colbert exempta d’impôt (la fameuse taille) les méritants, ceux qui se mariaient de bonne heure, et en dispensa à vie ceux qui avaient dix enfants. Il s’agissait alors, pour la gloire de Louis XIV, de multiplier les futurs conscrits pour partir à l’abordage de contrées lointaines ou de mettre hors d’état de nuire les héréditaires ennemis voisins. Qu’avons-nous aujourd’hui à conquérir ? Sur quelles plaines allons-nous déferler ? C’est d’un anti-Colbert dont nous aurions besoin. Rétablir l’impôt et le rendre progressif au prorata des enfants. Voilà qui serait plus concret, plus salutaire, plus efficace que mille Grenelle de l’Environnement.
Que souhaiter à Jean-Louis Borloo ? Un voyage en Chine pardi ! En routard et avec Béatrice ! A Xi’an, pendant qu’elle surveille les bagages, lui court chercher les billets. Allez hop, dans la file, Jean-Louis ! On en reparlera avec toi de la souhaitablecroissance démographique française, de cette géniale perspective d’une France à 70, 80, 100 millions d’habitants (Qui dit mieux ?). On en rêve tous, de cette France-là !
Khaldoun | | À: Khaldoun · 30 novembre 2007 à 12:11 Message 11 de 16 · 5 344 affichages · Partager Que souhaiter à Jean-Louis Borloo ? Un voyage en Chine pardi !
Tiens, c'est marrant. L'autre jour j'étais à Pékin, et sur qui je tombe en sortant de l'ascenseur? Sur Jean Louis pardi! Mais il était absorbé par ses discussions et ne m'a adressé qu'un infinitésimal coup d'oeil.
D'autres plus chanceux que moi sont tombés sur Rachida, parait-il éclatante lors de ce séjour chinois. | | À: Khaldoun · 4 décembre 2007 à 13:15 Message 12 de 16 · 5 266 affichages · Partager Vos remarques sont assez surprenantes quant à la culture et l'argent.
Pour être cultivé comme vous le prétendez et donc parler anglais (passons sur ce... détail) encore faudrait-il avoir accès à un semblant d'éducation. On a oublié de vous parler de la situation des tibétains en Chine ?
J'ai visité récemment le Ladakh, une région proche et ethniquement similaire mais qui ne souffre pas de l'invasion chinoise. Là-bas l'anglais n'est pas une marque de culture mais un luxe ! Les professeurs n'ont pas envie d'aller dans ces régions plutot hostiles d'un point de vue climat, les écoles ont du mal à recruter. Mais quand ils le peuvent, les enfants apprennent l'anglais, l'ourdou, l'hindi et leur dialect local (ladakhi, zanskari). 4 langues, 4 écritures. Je vous parle de cet exemple parce que vous avez l'air de présenter ce fait (ils ne parlent pas anglais) comme une volonté de leur part de rester refermé sur eux-même. Alors si dans les conditions du Ladakh, politiquement relativement stable, c'est deja pas évident, remettez un peu les tibétains dans leur contexte, massacre, oppression, interdiction de pratiquer leur langue et leur culture librement... vous allez vite nuancer vos observations.
Les moines consacrent du temps à l'étude, oui. Et comme leur "métier" l'indique, ils étudient dans des monastères et non dans des universités internationales. Ils étudient avant tout les textes bouddhistes.
Pour l'argent, ne croyez pas que tout va dans leur poche... les chinois avaient complètement détruit ces monastères. Depuis peu ils les reconstruisent, non dans un but de réparation envers ce peuple qu'ils ont massacré mais justement parce que ca rapporte ! Les touristes affluent (chinois essentiellement), c'est disneyland. Ils refont les monastères et louent le matériel aux moines. Parce que, pensez-donc, ce matériel (volé) appartient au Peuple, à la graaande communauté.
Votre récit est intéressant. Je tenais juste à faire ces petites remarques. L'image du moine tibétain sage, érudit et pacifiste, c'est un cliché, on est d'accord là-dessus. Ils sont humains, comme nous. | | À: FlyingB · 10 décembre 2007 à 19:40 · Modifié le 11 déc. 2007 à 12:33 Message 13 de 16 · 5 200 affichages · Partager Merci pour vos remarques.
Je n'ignore pas l'histoire des tibétains. Je constate simplement qu’ils ne parlent pas l’anglais, alors que, précisément, leur passé douloureux devrait les inciter à améliorer leurs facultés d'expression et d'information. La cause tibétaine a de nombreux sympathisants partout dans le monde. Il devrait bien se trouver des volontaires pour leur enseigner les langues et leur fournir un appui didactique et pédagogique.
D’après vous, les chinois font ou feraient barrage à de telles velléités. Rien n’est moins sûr aujourd’hui. La police chinoise enverrait-elle en prison un moine qui apprend l’anglais ? Lui confisquerait-elle les livres et les cassettes qu’il s’est procuré (certains en ont amplement les moyens) pour se former ?
Il faut se dire une chose, qui vaut pour tout le monde : apprendre une langue étrangère est une question de volonté et d'effort.
Khaldoun
Nb: Yangguizi, même pas un salut discret entre collègues avec Jean-Louis ? | | À: Khaldoun · 14 janvier 2008 à 13:52 Message 14 de 16 · 4 984 affichages · Partager Bonjour,
as-tu eu besoin de montrer le pseudo permis pour le Tibet pour pouvoir acheter ton billet de train a Xining ? | | À: Faka · 15 janvier 2008 à 0:16 Message 15 de 16 · 4 963 affichages · Partager Nullement ! La guichetière ne demande que le passeport, histoire de bien visualiser ton nom indiqué en chinois sur ton visa. Ce qui peut arriver à Xining, c’est une évidente mauvaise volonté de sa part, genre " Je ne comprends rien", " Tout est complet", ou encore et surtout " Il vous faut passer par une agence". J’ai contourné la difficulté en faisant acheter mon billet par une sympathique Taïwanaise, qui m’a obtenu (file d’attente exclue) un Xining- Lhassa en une quinzaine de minutes.
Pour info, Pekoune, ( plus haut) qui était pleine d’appréhension au départ, m’a recontacté en privé à plusieurs reprises. Elle a voyagé au Tibet en se passant parfaitement de ce pseudo permis. Aucun souci ! Elle est même passée tranquillement du Tibet au Népal !
Khaldoun | | À: Khaldoun · 15 janvier 2008 à 8:34 Message 16 de 16 · 4 954 affichages · Partager Merci pour la precision. En fait je ne m inquietes pas pour ce permis que je ne demanderai pas de toute facon. Mais comme j arriverai du Laos puis du Yunnan en fevrier je pense qu il n est pas envisageable d atteindre le Tibet par la route du sud (je vais quand meme essayer), donc la seule option reste le train. Et il aurait ete dommage de faire la longue route jusqu a Xining pour m entendre dire a la gare qu il me faut le fameux permis... | Carnets similaires sur la Chine: Heure du site: 10:18 (21/09/2024) Tous les droits réservés © 2024 MyAtlas Group | 602 visiteurs en ligne depuis une heure! |