Comment immigrer en RussieSuite à une question en message privé, je me permets d’écrire ce papier pour tous ceux qui souhaitent immigrer de manière définitive en
Russie et qui ne sont pas ressortissants d’un pays de la Communauté des Etats indépendants. Il peut présenter des imprécisions voire de vieilles informations plus valables actuellement mais les grandes lignes sont là.
Message reçu :Je me permets ce message pour te poser des questions, cela fait deux ans que je passe mes vacances en
Russie je viens de rentrer, ce pays me plaît vraiment, bientôt en retraite j’aimerais y vivre, j’ai pris des renseignements à l’ambassade, j’ai compris qu’il fallait que je reste trois ans sans sortir du pays et renoncer à la nationalité française, cela n’est pas un problème pour moi, j’ai des amis proches là-bas prêts à s’occuper de moi, je veux savoir quel genre de questions ont te pose à l’ambassade et aussi savoir si il est possible d’y travailler (...), bien j’espère ne pas te déranger, (ps) je ne cherche pas à me marier, juste y vivre avec mes amis (...), eux n’ont pu me répondre sur ces questions, et avant de prendre rendez-vous avec l’ambassade j’aurais voulu l’avis de Français sur la question, je te souhaite une bonne soirée
Contexte général :Depuis le milieu des années 2000, l’immigration en
Russie est de plus en plus difficile et cela année après année.
Depuis novembre 2007, la
Russie appliquant un principe de réciprocité avec l’Union européenne, le visa business ne donne plus le droit de travailler et de séjourner indéfiniment en
Russie. Il autorise son détenteur à se trouver en territoire russe 90 jours sur une période de 180. Ce qui en fait un visa tourisme amélioré et qui est généralement utilisé comme tel.
Comment venir en Russie : trouver un travailLa meilleure façon pour venir en
Russie est de trouver un employeur de droit russe qui accepte de faire les démarches pour vous de manière à obtenir un visa de travail valable un an renouvelable indéfiniment par votre employeur.
Pour cela, il vous faudra démarcher des employeurs et faire quelques allers-retours ou rester dans le pays pendant les trois mois de votre visa business.
Pour avoir embauché un Français en novembre 2015, cette personne n’a été que pleinement disponible à
Moscou qu’en mars 2016. Il faut donc compter entre trois et quatre mois de papiers pour le faire venir.
Comment rester en Russie : le titre de séjourUne fois en
Russie, vous pouvez demander un titre de séjour (RVP pour Разрешение на Временное Проживание) auprès de l’antenne du Service fédéral des migrations (FMS) qui s’occupe de votre quartier (pour
Moscou, tous les FMS de quartiers ont été regroupés à Novoslobodskaya à l’automne 2015, pour les autres villes je ne sais pas). Si vous ne passez pas par la case visa de travail, il vous faudra faire des allers-retours car dans tous les cas les autorités ont six mois pour donner une réponse à votre demande de RVP.
Cette démarche est juste un enfer sur Terre. Il vous faudra monter un dossier avec des analyses médicales (tests sanguins SIDA, hépatites C, etc, révélateur sur votre bras pour la tuberculose et radio des poumons...) dans différents dispensaires, remplir un questionnaire interminable, copies de vos diplômes, actes de mariages, naissances, tous les papiers de votre vie traduits et certifiés en russe voire apostillés pour certains. Il vous faudra aussi présenter votre casier judiciaire ainsi que donner vos empruntes digitales et depuis janvier 2015 passer un test de langue, histoire et droit russes (à bien potasser parce que le droit russe ce n’est pas si évident).
Pour obtenir un RVP, la
Russie a mis en place un système de quota. Pour
Moscou (ville de 12 millions d’habitants), ce quota était de 1000 en 2011 et est maintenant de 300 par mois alors qu’il y aurait autour de 10 000 demandes par mois. Les personnes mariées à un ou une ressortissant(e) russe sont hors quota.
En mars dernier, pour avoir regardé la liste des gens ayant obtenu un RVP en quota, à la louche, 90% des personnes obtenant un RVP à
Moscou étaient des Ukrainiens, les autres sont des Russes ethniques d’
Asie centrale et du
Caucase (exemples : Sergey Vladimirovitch Ivanov citoyen ouzbek ou Olga Andreevna Nekrasova citoyenne azerbaïdjanaise), sachant que les ressortissants de pays de l’Union économique eurasiatique empruntent d’autres voies en fonction des accords de leur pays avec la
Russie. Moins d’une dizaine étaient des non-russes ethniques : un Serbe ou Croate, un Finlandais, deux ou trois ouest-européens, deux ou trois du groupe de Visegrad, un asiatique et un reste du monde.
Une fois le dossier monté, il vous faudra le déposer au FMS. Pour ma part, j’ai mis un an à le déposer. Il y avait une file d’attente de entre 300 et 500 personnes et mon FMS ne prenait que cinq ou six dossiers par jours. Tout est fait pour que vous ne puissiez pas déposer votre dossier. Coupure d’Internet pour les salariés du FMS (donc pas de rendez-vous aujourd’hui), coupure de chauffage alors qu’il fait -15°C dehors, bureau ouvert normalement entre trois et quatre heures par jours mais qui ouvre avec une demi-heure ou une heure de retard. Vous venez, on vous refuse votre dossier parce que sur le questionnaire entre deux activités professionnelles vous n’avez pas écrit votre mois de chômage, puis la fois d’après on vous le refuse parce que vous avez écrit votre inactivité pendant un mois alors qu’il aurait fallu laisser un blanc. On vous refuse vos papiers parce que vous avez des noms différents en cyrillique sur vos visas russes (délivrés par le ministère des Affaires étrangères), votre carte migratoire (ministère du Développement économique) et votre enregistrement au FMS (ministère de l’Intérieur). Vous devez donc téléphoner à tous les bureaux pour les faire modifier (démarche de plusieurs semaines).
Tous les tests (médicaux, langue, histoire, droit, casier judiciaire...) ne sont valables que trois mois ce qui fait que si vous passer plus de trois mois à faire la queue, il vous faut refaire ces derniers entre temps (j’ai refait deux fois les tests sanguins personnellement donc payer à chaque fois en plus). Il n’y a pas de numéro pour savoir qui est après qui donc une liste circule sur papier libre. Généralement, il ne vous faut que pointer le matin et le soir sauf quand vous êtes dans les 50 premiers alors on vous demandera de rester non-stop au FMS (j’ai dû dormir devant mon FMS une trentaine de nuits dans ma voiture, devant certains FMS, il y avait même un hôtel spécial pour les gens du FMS). Plusieurs listes en concurrence peuvent exister, ce qui fait que vous pouvez être 60eme sur l’une et 210eme sur une autre, donc là c’est la guerre. Bref, il faut jouer des coudes. Plusieurs bagarres violentes ont déjà eu lieu.
Normalement, depuis, cette période est plus simple car certains FMS prennent des rendez-vous et vous pouvez payer pour déposer votre dossier (40 000 roubles). De plus, chose exceptionnelle, certains FMS vous mettent la liste des documents à fournir sur VKontakte et ce tiennent même à cette liste. Mon FMS était réputé pour être l’un des pires de
Moscou mais soyez prêt à vivre ce genre de choses.
Une fois votre dossier déposé, comme tous les documents ont déjà été contrôlés, dans 99,99% des cas votre dossier est accepté, pour les gens mariés. Pour les personnes dans le quota, c’est la roulette russe (sans mauvais jeu de mot).
Personnellement, entre mon mariage et l’obtention de mon RVP, il s’est écoulé un an et demi.
Une fois le RVP tamponné sur votre passeport, vous serez autorisé à rester trois ans en
Russie, à travailler dans le sujet fédéral où vous résidez et à être rattaché au service de santé public russe.
Tous les ans, vous devez justifier de 9 ou 10 mois de présence en
Russie (je ne sais plus exactement parce que de toute façon c’est quatre semaines de vacances par an en
Russie) et d’un revenu (papier ndfl-2). Donc vous devez toucher un salaire légal d’une entreprise de droit russe (sachant que 90% des salaires sont défiscalisés en
Russie, bonne chance pour trouver un travail qui convient).
Un ami canadien a vécu six ou sept ans en
Russie avec un contrat de travail français pour justifier de ses revenus, normalement ce n’est pas possible mais lui il l’a fait, je ne sais toutefois pas comment. Je crois surtout que les autorités russes ne voulaient pas faire de vagues avec son employeur de l’époque, en l’occurrence l’ambassade de
France.
Pour les retraités, je n’ai aucune idée de si il est possible de faire validé vos revenus avec une retraite étrangère versée sur un compte étranger. Dans tous les cas, rien ne vous empêche d’être prof de français entre 10 et 15 heures par semaine ce qui permettra de gagner le salaire minimum russe (17 000 roubles) et donc d’être dans la légalité sans toutefois pouvoir en vivre.
Comment vivre votre vie en Russie : le permis de résidenceAprès un an de RVP, vous êtes éligible au permis de résidence (VNJ pour Вид На Жительство) qui est valable cinq ans et qui doit être justifié tous les ans, comme pour le RVP. Il fait de vous un quasi citoyen russe sans droit de vote et service militaire, vous êtes donc l’équivalent d’un Biélorusse en
Russie.
Pour obtenir le VNJ, il vous faut remonter tout un dossier mais la tâche est simplifiée par la coopération des fonctionnaires russes. Le test de langue, histoire et droit est plus difficile. Dans un passé pas si lointain le VNJ vous faisait résident russe (d’où son nom en français : permis de résidence) mais depuis un petit moment maintenant le RVP vous fait aussi résident avec un tampon d’enregistrement dans votre appartement sur votre passeport. Le VNJ n’est plus un simple tampon mais se présente sous la forme d’un passeport, presque comme un passeport russe.
Comment devenir Russe :Au bout d’un certain temps vous aurez le droit de demander la citoyenneté russe. Légalement, cette période est de trois ou quatre ans (je ne sais plus exactement) après votre mariage, dans la pratique cela n’a que peu d’importance parce que vous mettrez généralement de sept à huit ans pour avoir un passeport russe. Remonter un dossier, bla bla bla, tests de langue, droit et histoire encore plus difficiles, bla bla bla mais bon quand vous serez à ce point-là vous n’aurez plus besoin des conseils d’un petit mec sur un forum internet.
Comme toutes les étapes précédentes, mais d’autant plus pour la citoyenneté, vous pouvez recevoir un refus en bonne et due forme sans aucune explication pour le justifier. Les autorités vérifient un certain nombre de points surtout liés à votre allégeance à votre possible nouvelle patrie. Un ami a très récemment demandé (et obtenu) la citoyenneté et le FMS lui avait sorti un dossier de plusieurs centaines de pages sur sa vie. Les Russes observent avec beaucoup d’attention les problèmes migratoires en Europe et font donc tout leur possible pour que la situation ne dégénère pas dans le pays des ours.
Dans tous les cas, avoir deux citoyennetés n’est normalement pas possible par naturalisation en
Russie. Il vous sera donc demandé de renoncer à votre précédente citoyenneté. Dans la pratique, cela est plus compliqué. Par exemple, la
France, puissance d’équilibre et historiquement indépendante, ne coopère pas avec les autres Etats en ce qui concerne ses ressortissants (en droit français, vous êtes Français ou étranger, vous ne pouvez être franco-quelque chose). De plus, la
France et la
Russie, respectant le droit international, ne doivent pas faire d’apatrides. De ce fait, il est possible de demander à l’ambassade de
France de perdre votre citoyenneté française, de lancer la procédure, de donner le papier de renoncement au FMS puis de clore la procédure judiciaire française une fois votre citoyenneté russe acquise pour avoir deux passeports, ce que ne peuvent pas faire un certains nombres de citoyens d’autres pays.