Après plus d'une heure d'attente sur le coup de midi, en plein soleil. La frontière coté Bulgare étant fermée pour une raison semble-t-il inexplicable, nous voilà en
Serbie dans une espèce de zone industrielle en construction. C'est moi le copilote et, comme déjà je ne savais pas où nous étions en
Bulgarie, à ce propos, d'ailleurs, si vous voulez voyager en
Bulgarie, évitez la carte IGN, certaines routes indiquées en rouge ne sont en fait des pistes ornées de nids de poule tellement énormes qu'on dirait plutôt des nids de cigogne, d'autres routes indiquées sur la carte n'existant pas, tandis que de très bonnes routes ne sont pas tracées, des villages et même des villes oubliées. Bref, on à l'impression qu'ils ont vaguement dessiné des traits et les ont coloriés en fonction des crayons de couleurs qui restaient au fond de leur trousse !
Donc, j'étais paumée, une fois de plus. Nous nous garons pour regarder ça de plus près, mon intention étant de rejoindre
Nis puis Beograd par l'autoroute, lorsqu'une petite voiture genre Lada chargée comme une abeille de matériaux de construction jusque sur le toit, s'arrête à notre hauteur. Un jeune homme en descend, et nous demande en anglais où nous voulons aller. Justement, il va lui aussi dans cette direction, et nous propose de le suivre, il nous mettra sur la bonne route. Et nous voilà partis en cahotant derrière lui sur la route en travaux, lorsque, sur un pont, il perd son pot d'échappement sur la route tandis que sa voiture se met à fumer de partout. Mon mari se précipite avec l'extincteur du camion, mais en fait, c'est son radiateur qui crache furieusement sa vapeur, tandis que le pot gît lamentablement par terre.
Oublié l'anglais ! Le jeune homme est furieux, il gesticule, fait sortir une femme d'un certain âge de sa voiture, nous explique on ne sait pas quoi à un régime de mitraillette en nous montrant un circuit sur la carte, puis, en désespoir de cause, fait monter la dame dans le camping car. Nous comprenons qu'il s'agit de sa mère, et qu'il veut qu'on la ramène chez elle.
C'est une grande femme, costaud, très brune, avec des mains qui ont travaillé, souriante mais gênée, endimanchée pour aller à la ville, qui s'installe, étonnée par notre camion qu'elle examine de toutes part. Elle nous explique quelque chose, en parlant de plus en plus fort devant notre évidente incompréhension et nous démarrons. Au premier carrefour, mon mari ralentit pour attendre ses indications : " naprabo", ça, je comprends, ça veut dire à droite, mais comme elle fait en même temps signe en face, nous nos engageons sur une petite route en lacets, bordée de forêts qui ressemblent un peu à nos Cévennes. Devant son air satisfait, nous pensons que c'est bien par là qu'elle voulait aller et nous montons pour arriver sur un joli plateau très vert avec ça et la des fermes blanches toutes fleuries, des près clôturés de barrières de bois, des vaches, de la volaille, on se croirait dans un tableau naïf. Puis nous quittons le plateau pour entrer dans une forêt de résineux, très sombre, avec au bord du torrent des charbonniers qui font du charbon de bois, certaines buttes fumantes. Au bout d'une heure de route, nous commençons à nous inquiéter,
je me demande en riant si ce jeune n'a pas profité de l'occasion pour se débarrasser de sa vielle maman, qui elle, tranquille continue de nous expliquer mille choses que nous ne comprenons pas. Au sortir de la forêt, nous dominons une gorge sauvage et splendide. Comme nous n'avons pas encore mangé nous décidons de nous arrêter là pour nous restaurer en profitant du paysage. En nous voyant nous arrêter, notre invitée s'inquiète un peu, mais comme je lui dis "tchaï" terme qui semble universel pour le thé, elle hoche la tête en souriant et s'installe plus confortablement, en me regardant ébahie sortir la bouilloire pour faire chauffer l'eau, du pain du fromage, des biscuits, les mugs. Nous mangeons avec appétit avec ce paysage magnifique sous les yeux et lorsque je me lève pour ranger la table, elle insiste pour faire la vaisselle, l'air ravie de son aventure et nous repartons. De "naprabo" en "naprabo" quelle que soit la direction désignée, après être descendu au fond de la gorge, nous abordons une vallée, puis à mi pente, une autre gorge encore plus profond et impressionnante que la première. Il se fait déjà tard dans l'après-midi lorsque, au débouché d'un tournant, miracle, le
Danube, immense, majestueux, fabuleux, s'étend là devant nous. Devant nos oh! et nos ah ! émerveillés, nous ne savions pas, nous ou nous allions, nous, notre hôte ne peut pas s'empêcher de rire, aussi ravie que nous par la surprise. Nous passons un pont sur l'affluent qui a creusé la dernière gorge que nous venons de longer et nous arrivons dans un joli petit village sur la place duquel, la dame nous demande de la poser. Après nous avoir chaleureusement remerciés, elle descend, se dirige vers un homme qui semblait l'attendre, revient vers nous, nous explique avec un grand sourire on ne sait toujours pas quoi, puis, ils repartent. Nous, nous arrêterons pour la nuit à la sortie du village puis le lendemain, nous descendrons le
Danube jusqu'à
Belgrade. Une route magnifique que nous aurions ratée sans cette rencontre.