Le
Salvador fait partie des pays ignorés par la sphère touristique, et pourtant, il mérite mieux que les rares articles ou commentaires-bord de plage qu'on lui consacre ici et là. Il faut aussi tordre le cou aux idées reçues sur l'insécurité qui régnerait sur place et ferait de ce pays le plus dangereux au monde ou presque. On y circule facilement et sans risque; les barrages de police sont inexistants (contrairement au
Guatemala ou au
Nicaragua) sauf près des frontières, la police est aimable et souriante. Bien sur, si l'on traîne dans les quartiers des mara - les gangs notoirement connus de
San Salvador - on cherche les problèmes... et on les trouve.
Ce pays est l'un des rares pays en
Amérique centrale ayant appris et testé la démocratie sans heurts ni violences. Au grand soulagement des Salvadoriens qui ont souffert de la dictature militaire d'abord, puis d'une guerre civile sanglante de 1970 à 1982. Ceci dit, le pays souffre depuis des décennies des joutes politiques stériles des partis installés (droite et gauche) et d'une corruption endémique.
En ce qui concerne les populations maya - 100000 personnes actuellement - elles ont aussi payé un lourd tribut dans les années 30 d'abord, puis sous la dictature puis pendant la révolution. On a longtemps considéré les maya comme une sous-race, ils ont été tués ou déplacés, un vrai génocide dont on a peu parlé. C'est un passé douloureux pour tous. Grâce à l' apprentissage des différentes langues maya par les jeunes dans les écoles (elles étaient interdites auparavant), on assiste à un renouveau de la culture maya à travers les danses, la peinture et l' artisanat etqui témoigne fièrement d'une identité retrouvée.
Nous avons rejoint le
Salvador à partir de la
Polynésie Française où nous résidons via
Los Angeles, deux vols en continuation dont le second de nuit. Arrivée au petit matin à l' aéroport de
San Salvador, refait à neuf et de belle taille pour un si petit pays. Formalités simples, sourires à l'appui; les touristes sont reçus avec déférence et chaleur ; c'est assez rare pour qu'on le mentionne !
Nous sommes accueillis par Rémy qui dirige une petite entreprise colorée de tourisme réceptif destiné aux francophones. Il va nous rendre le séjour agréable et passionnant et nous servir de guide et de chauffeur, un peu comme un ami, ce qu'il est devenu pour nous. Il va aussi nous faire partager ses coups de coeur. Il aime le
Salvador et il le connait professionnellement. Il faut le recommander chaudement, aussi bien pour un séjour au
Salvador seulement que pour un séjour groupé (deux ou trois pays sur 2 ou 3 semaines, en incluant donc
Salvador et
Guatemala ou
Salvador et
Honduras ou
Salvador et
Nicaragua ou les trois pays ensemble).
1er jour :
Nous rejoignons notre hôtel pour une prise de contact avec Rémy, une douche et un petit-déjeuner avant de partir en balade. Rémy a prévu de nous conduire d'abord dans le Parc national El Boqueron proche de la capitale qui comprend en particulier le volcan
Salvador. Curiosité naturelle : au fond du large cratère, on peut voir un mini-cratère. Paysage majestueux et beaux points de vue, y compris sur la capitale.
Retour vers la capitale avec un arrêt au Museo Militar remarquable par son exposition de voitures militaires blindées anciennes de marque française Panhard et aussi ses plans en relief du
Salvador, énormes et à même le sol. On a sous les yeux le circuit qui va suivre.
Il est temps, après cet arrêt assez rapide, de rejoindre le centre ville et de déjeuner dans une pupuseria. C'est dans ce genre d'établissement que l'on mange des pupusas, à toute heure de la journée, des galettes fourrées de fromage frais, légumes et / ou viande.
San Salvador est une ville étonnante, d'environ 2 millions d'habitants. Elle est actuellement - et depuis peu- dirigée par un jeune maire dynamique de 35 ans, Nayib Bukelé, d'origine libanaise par son père et musulman modéré, ce qui est quand même une prouesse dans un pays catholique et assez conservateur !
Il a été élu avec enthousiasme sur un programme anti-corruption tous azimuts (deux anciens présidents de la République sont poursuivis pour corruption active et enrichissement personnel illicite), également sur un programme de rénovation urbaine appliqué avec beaucoup d'allant et de persévérance. M. Bukélé a dit ce qu'il ferait en tant que maire et tient ses promesses !
Des palissades en grand nombre donc à
San Salvador, des tranchées, des places qui vont être dallées, arborées, fleuries, les fils électriques que l'on enterre (il y en a...) les bâtiments que l'on rénove ou va rénover.
La ville (et sa région) a beaucoup souffert des tremblements de terre et 75% des bâtiments anciens ont été détruits. Il reste donc un assortiment de styles architecturaux qui fera de l'effet quand les rénovations seront terminées et que l'on aura du champ et de la perspective.
Personnellement, nous avons aimé déambuler dans SS en effervescence, même si ce n' est pas une ville superbe et inoubliable.
Visites successives du Théâtre National (superbes intérieurs), de la Cathédrale (deux chapelles d'époque et surtout le tombeau de Mgr Romero, défenseur des droits de l'homme et mort en martyr / assassiné en plein office pendant la Guerre Civile), l' église El Rosario, un bâtiment datant des années 60, en béton armé, remarquable pour son intérieur lumineux, ses vitraux et un chemin de croix métallique modernes, la Plaza Barrios et la Plaza Libertad.
A signaler que les entrées dans les musées sont gratuites pour les seniors de plus de 60 ans au
Salvador ! Même chose pour les sites archéologiques qui sont pourtant en travaux de rénovation, de fouilles et d'excavation (ce qui a un prix). La culture semble être un bien précieux que l'on veut faire partager au plus grand nombre, y compris les moins aisés.
On est loin du marketing touristique que pratique allègrement le
Costa Rica, en racketant les touristes étrangers, ' gringos ' et assimilés dès que c'est possible, en particulier sur les sites de randonnée emblématiques comme le
Parc Manuel Antonio par exemple.
La ' Pura Vida ' dont se gargarisent les Costaricains existe réellement au
Salvador, pas au
Costa Rica où elle se vit comme posture et imposture.
Retour à l'hôtel en fin d'après-midi (Villa del Angel) qui est bien situé, dans un quartier tranquille et proche d'un superbe centre commercial. Au rez-de-chaussée une hacienda entièrement restaurée et dont les étages sont dédiées au commerce, au dernier étage du bâtiment des restaurants divers, dont des restaurants de viande excellents (boeuf, porc et poulet uniquement). Prix vraiment très sages, comment partout d'ailleurs, en dollars US. (A ce propos, nous sommes venus avec de l'argent liquide en dollars, petits coupures et avons tout payé y compris les hôtels cash, ce qui permet de ne pas sortir la carte de crédit).
2ème jour :
Départ pour le Parc national des Volcans qui abrite 3 géants, l' Izalco, le
Santa Ana et le
Cerro Verde. Nous avons décidé de faire l' ascension du
Santa Ana (4 heures AR, difficulté moyenne, température très supportable avec un peu de fraîcheur au sommet). Nous démarrons à une vingtaine avec deux jeunes étudiants qui nous chaperonnent et deux membres de la police touristique. Le
Santa Ana est le plus élevé des 3 volcans : 2381 m. Nous avons la chance de profiter d'une belle journée, claire et ensoleillée, même si la brume nous rejoint à mi-pente pour se disperser au bout d'une demi-heure. Au sommet, des points de vue remarquables sur tout cet ensemble montagneux majestueux, une vue imprenable sur le
lac de Coatepeque, et puis, le clou du spectacle, au fond du cratère, un lac de soufre liquide à 70° avec fumerolles de couleur vert émeraude et qui étincèle sous le soleil.
Spectacle unique et rare qui vaut bien quelques essoufflements dans la montée ! Notre premier coup de coeur dans ce voyage. C'est une photo du fond du cratère du San Ana trouvée dans un rare reportage écrit sur ce petit pays oublié des touristes qui nous a convaincus de tenter un voyage hors des sentiers battus au
Salvador.
Un peu après 15 heures, départ pour Ataco via la
Ruta de las Flores. Cette route est largement fleurie en saison humide, un peu moins lors de notre passage mais nous admirons tout de même, en cette belle journée de saison sèche, de beaux massifs d'hibiscus rouges tout le long de cette voie tranquille qui traverse de petits villages. C'est une région maya, le village de Nahuizalco est typique. Beaucoup d'artisans spécialisés dans le travail de l' osier, un petit marché animé. On arrive rapidement à Ataco, belle bourgade avec place centrale typique, rues pavées, maisons aux façades peintes et peinture murales un peu partout. Un art de rue typiquement maya et que l'on va retrouver dans d'autres villages de la région.
Nous logeons à la Casa Degraziela Boutique Hotel, sur la place centrale, une belle maison ancienne de style hispanique. Belle étape, personnel adorable, prix très raisonnable.
3ème jour :
Balade aux aurores dans la ville qui s'éveille doucement. Ambiance sereine et magnifiques peintures murales à tous les coins de rue. Les gens sont charmants, souriants et d'une exquise politesse. on nous fait des signes discrets de bienvenue. On se sent vraiment à l'aise.
Départ pour voir Los Ausoles de Ahuachapan, des mares de boue volcanique qui clapotent et laissent fuser des jets de vapeur d'eau bouillants au milieu des odeurs de soufre. Des lavandières utilisent les vasques d'eau chaude pour faire leur lessive au soleil du matin.
Continuation vers le premier des sites maya que nous visiterons, celui de
Tazumal. Aucun touriste à l'horizon, belle matinée ensoleillée, des oiseaux qui chantent et de beaux vestiges que l'on nettoie de l' emplâtre de ciment gris qui les recouvrait depuis bien avant la période précédant la guerre civile (le but était de les protéger des éléments naturels et de la guerre).
On reprend la voiture pour rejoindre rapidement
Santa Ana, seconde ville du pays et dotée d'un beau centre historique préservé. La Plaza de
la Libertad est bordée de trois monuments emblématiques : une cathédrale de style néo-gothique, construite en brique et à façade de stuc, un théâtre de style Renaissance vraiment remarquable aux intérieurs richement décorés et un hôtel de ville de style colonial.
Santa Ana était à l'origine la capitale du pays. Une bourgeoisie paysanne enrichie par la culture du café avait migré de la région de
Suchitoto vers
Santa Ana et avait en particulier tenu à construire le fameux théâtre où étaient données des représentations d' art lyrique et de théâtre classique. Cette bourgeoisie a fini par migrer de nouveau vers SS qui est devenue la vraie capitale, avec aussi son théâtre, aussi prestigieux que celui de SA.
Retour en fin d'après-midi à Ataco pour une soirée paisible et un plat de viandes grillées dans un restaurant de la place centrale. La nourriture est bonne mais peu variée : pupusas ou viandes grillées avec les éternels haricots rouges.
4ème jour :
Départ pour le site maya de
San Andres. Aucun touriste une fois de plus, beaucoup de sérénité et très beau temps chaud. Ces sites sont vraiment impressionnants et on prend le temps de s'imprégner d'une atmosphère de mystère et de majesté. A chaque fois, un petit musée modeste dans ses proportions donnent les explications que l'on recherche et présente quelques beaux objets.
San Andres est notre second coup de coeur dans ce voyage.
Nous continuons vers le site maya de
Joya de Ceren, proche de
San Juan de Opico et de la
Route des Fleurs, inscrit au patrimoine de l'Unesco. C'est le Pompéi centro- américain, une cité maya découverte par hasard car enfouie sous cinq mètres d'épaisseur de cendres volcaniques suite à une éruption du volcan Lomo Caldera il y a plus de 1600 ans. On peut y voir des ensembles d'habitations et cérémoniels, des restes de culture du manioc, aucun squelette ni aucune momie car la population avait eu le temps de fuir avant la catastrophe.
Nous repartons ensuite visiter des villages maya typiques sur la
Route des Fleurs : Juayoa, Apaneca, Salcoatitan. Ambiance vraiment particulière, les marchés sont encore animés, les gens ont vraiment le physique maya, les peintures murales sont nombreuses et font presque toutes référence, non pas au présent mais au passé que l'on veut faire revivre par cet art de rue très original. Du coup, les villages sont très colorés, animés et différents malgré tout les uns des autres.
En fin d'après-midi, on reprend la route pour
Suchitoto, petite ville raffinée et assez touristique, mais pas encore dans le mauvais sens du terme. Un bijou méconnu en
Amérique centrale et notre troisième coup de coeur lors de ce séjour.
Suchitoto reste un must, tout comme l' ascension du volcan
Santa Ana. On prend un plaisir réel à y flâner à toute heure. Le soir, sur la place de l' église de Santa Lucia, les gens affluent pour se brancher sur Internet. Cadeau du maire aux habitants. La vie est tranquille. Il fait très beau.
5ème jour : Après le petit déjeuner, départ pour le Lac de Suchitlan, proche de
Suchitoto puis promenade en plancha pendant plus d'une heure sur cet immense plan d'eau artificiel mais devenu paradis d'un faune aquatique variée : cormorans par milliers, pélicans, hérons blancs et gris, des rapaces aussi du genre condor en plus petit. Très beau temps encore, de belles photos prises sur le vif.
Continuation après le déjeuner vers Cihuatan, dernier site maya visité au
Salvador.
Comme à chaque fois, personne en vue, une belle lumière, et des sites que dégage de leur gangue de ciment une équipe d'ouvriers dirigés par un archéologue américain passionné et chaleureux qui travaille sur le site depuis 30 ans. Nous avons la chance de pouvoir discuter avec lui pendant 20 mn.
La pyramide n' est dégagée qu'à moitié, sera restaurée à moitié seulement. Le but n' est pas de tout sortir de terre (impossible et trop coûteux aussi) mais de montrer de façon esthétique et pédagogique comment fonctionnait cette cité antique maya. Les ouvriers travaillent actuellement sur le jeu de paume, lui rendant sa ligne incurvée. Un nouvel amalgame sera utilisé pour maintenir les pierres ensemble solidement. Au musée du site se trouve un exemplaire de la goulotte par laquelle on faisait passer la balle.
Puis retour tranquille vers SS, c'est notre dernière journée au
Salvador avant de reprendre l' avion demain matin.
Rémy veut nous faire voir un dernier village au sud de
San Salvador, Panchimalco. Ce village est habité par des populations indigènes descendant des Pipil, Maya et Nahuati. Son église toute blanche et simplissime est l'une des plus anciennes du pays, datant de 1725. C'est un endroit connu pour ses festivités et carnavals, et qui incarne le renouveau social et artistique du pays. Des cours sont organisés pour les jeunes du village, cours de danse, de musique, de peinture; ceux-ci laissent libre cours à leur imagination dans des peintures murales de grande qualité artistique.
Franchement, il ne faut pas quitter le
Salvador sans passer un long moment à Panchimalco.
Retour à l'hôtel en fin de journée et fin du séjour qui aura duré cinq jours complets.
Pour des raisons techniques (de vols) nous n' avons pas pu rester quelques jours de plus. Nous avons en particulier décidé de ne pas aller côté mer. Selon Rémy, deux ou trois endroits valent une visite, mais ce ne sont pas les couleurs et l'exotisme des Caraïbes. Loin de là ! Les plages sont de sable gris, la mer est agitée et les rouleaux empêchent la baignade. Ailleurs, c'est la mangrove et quelques villages de pêcheurs. Bien sur, on trouvera des résidences pour touristes, mais il vaut mieux rechercher les îles de la côte caraïbe pour soleil et farniente (par exemple les
Corn islands au
Nicaragua).
Ainsi se termine ce récit de voyage au
Salvador.
J' espère qu'il convaincra beaucoup de lecteurs de choisir ce pays vraiment attachant, riche et varié comme prochaine destination.
Voyageusement
Moana
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