Je vous parlais de mon ananas dont raffolent tous les amis indiens que je connais et qui y ont goûté.
Je n’ôte jamais le centre que les gens enlèvent - en
France - Il est très souvent particulièrement goûteux. Je coupe des tranches épaisses que je dépose sur une plaque que j’ai bien enduite de ghee, ou alors dans une poêle. Quand elles commencent à dorer j’arrête le feu. L’avantage de la plaque c’est que le jus sucré caramélise, tandis que dans la poêle, ça ne se produit pas. Je dispose mes tranches dans un plat à gratin par exemple. je saupoudre de cannelle. Je verse un filet de miel sur l’ensemble et un autre filet de rhum quand j’en ai - maintenant j’en ai toujours -. Puis je fais chauffer mon lait de coco sans le porter totalement à ébullition afin qu’il épaississe. Puis je verse sur les tranches d’ananas. Quand c’est refroidi je mets le plat au frigo minimum une heure. Plus on laisse longtemps et mieux c’est réussi car le lait de coco forme une crème onctueuse épaisse, de la consistance d’un yaourt.
C’est un délice ! C’est très facile à préparer.
Pourquoi je vous raconte ça ? Pour faire suite à ce que j’avais dit l’an dernier sur la monotonie et le train-train culinaire dont on ne sort jamais ici, alors qu’il existe dans ce pays toutes sortes de fruits, de légumes et épices fabuleuses - si précieuses pour la santé (dont le piment)- qui permettent de créer des recettes fabuleuses. Ils s’en pourlèchent, mais à part Praveen et sa tante personne ne cherche à apprendre et à innover. Sur un détail aussi infime on peut comprendre le fonctionnement du Kerali moyen. Je fais comme ça parce que ma mère faisait comme ça parce que sa grand-mère faisait comme ça et ainsi de suite on remonte dans la nuit des temps. C’est beau, c’est bien la tradition. J’aime les sarees et les dhotis et longhis et il m’arrive d’en porter dans certaines circonstances. Mais par moments ce traditionalisme qui colle à la peau du Kerali moyen s’approche trop de l’archaïsme et de l’obscurantisme. Particulièrement dès qu’on aborde les sujets sur la santé.
Ce matin, un de mes bons potes, mon troisième mousquetaire m’envoie un message :
- Je ne peux pas venir mon cousin est mort ce matin. C’est triste. Il avait à peine 50 ans.
- Oh là-là ! Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Il a été admis à l’hôpital hier.
Si j’étais méchant j’aurais répondu : Ah bon ? C’est l’hôpital qui l’a tué ? J’ai préféré préciser :
- Oui, bien sûr, mais pourquoi a-t-il été admis à l’hôpital ?
- Il avait des problèmes respiratoires. Il pesait plus de 100 kilos.
- Il a dû faire un infarctus
- C’est quoi un infarctus ?
Mon pote est ingénieur, quand même... Je n’en dis pas plus sinon Brahim va encore me tomber dessus...
- Une crise cardiaque si tu préfères.
- Pourquoi tu dis ça ? Quel rapport avec son poids ?
J’ai vraiment pas eu envie d’expliquer pourquoi. De toutes façon, j’ai l’habitude, il ne m’aurait pas cru.
Tous, absolument tous, qu’il s’agisse de mes meilleurs amis ou de simples connaissances, ou des voisins, ou de mon propriétaire, ils ne me croient jamais quand je donne un explication au sujet de quelque chose qui ne va pas...
- Mais on ne t’a pas dit de quoi il est mort ?
- Non, et je n’ai pas demandé à la famille...
En
France, c’est la première question que posent les gens : mais de quoi il est morts ?
Cet été pendant mon séjour en
France, je reçois un What’s App plus qu’alarmé... paniqué !
- J’ai attrapé une MST. J’ai une blessure sur mon penis. - Il a pas dit penis, il a dit lingam. C’est ce qu’on dit chez le docteur, sinon ils disent bite comme chez nous... Pourtant je n’ai eu de rapports avec personne, je t’assure.
- On croirait que tu as honte ? T’as pas besoin de te justifier. Va voir un médecin...
- Non, surtout pas, j’ai trop honte. Et il ne me croira pas que j’ai couché avec personne. Je fais ça seulement avec la main, de temps en temps...
Ben oui, ici, au
Kérala, c’est une honte, un « péché », une tare, de coucher avec quelqu’un tant qu’on n’est pas marié. A 30 ans, 35 ans ils sont encore puceaux... Et la honte est si prégnante qu’on n’ose même pas prononcer le mot de masturbation.
- Bon, tu as peut-être chopé une bactérie...
- J’ai une hygiène rigoureuse. Je suis très propre de partout.
- Mais quand tu fais « ça » avec la main, tu te laves les mains avant ?
- Ben non, il faut ?
Je crois avoir affaire à un enfant de 8 ans.
- Avec tout ce qui traîne en
Inde, tout ce qu’on touche, l’argent en particulier, on a les mains remplies de bactéries... C’est quoi ton truc sur le pénis ?
J’ai eu un peu peur que ce soit un chancre syphilitique, je savais pas comment le lui dire.
- Bon, écoute, tu veux pas aller voir un médecin, tu me demandes à moi qui suis à plus de 8000 kms et je suis pas médecin...
- Oui, mais avec toi j’ai pas de problème d’en parler. Tu es Français. Chez vous c’est pas honteux d’en parler. Tu vas pas me juger. En
Inde on est jugé, même par le médecin. Il y a des médecins qui refusent de soigner certaines maladies...
- Explique moi à quoi elle ressemble ta « wound ».
- C’est rouge ça fait comme une tache et il y a des petites bulles dessus.
- J’ai l’impression que c’est un herpès... génital.
Il faut expliquer ce qu’est un herpès génital... et comment ça peut s’attraper.
- Mais je t’assure que j’ai pas eu de rapports...
- Ça ne veut rien dire, tu le portes peut-être depuis des années : le virus peut être « endormi » dans ton sang, quelque part et sous l’effet d’un stress, de fatigue l’herpès peut sortir. Bon fais une photo de près et envoie moi ça.
Selon la photo c’est bel et bien un herpès, c’est évident.
- C’est absolument pas grave, mais il faut traiter.
Et ça recommence la comédie de la honte, de la MST et tout le bataclan au sujet du médecin...
- Je mets de la crème « himalaya... »
- Ça ne sert à rien ta crème. Je te dis de consulter...
Et c’est reparti pour un tour : la honte, l’humiliation, le « j’ai rien fait », etc...
- Bon alors va dans une pharmacie et achète un tube d’aciclovir, c’est le nom de la molécule / 1 application 5 fois par jour pendant 5 jours... Et ça disparaîtra.
- C’est en train de passer, on verra plus tard...
Quelques jours de rémission, puis :
- Oh c’est revenu, ça recommence... Tu es sûr que je peux mettre cette crème ? Ça va passer ? C’est pas grave ?
Alors j’ai répondu :
- Fuck, leave it, fais comme tu veux et arrête avec ça.
Quelques jours après je reçois une photo : un tube d’aciclovir. Une semaine plus tard tout était rentré dans l’ordre.
Je précise quand même :
- Ça peut ne jamais revenir, mais si ça revient, c’est récurrent, le virus ne disparaît jamais. Il « dort »...
J’ai découvert une boutique bio à 10 minutes en bus de chez moi. Moi cet engouement pour le bio en
France ça me fait bien rire. Les prix élevés de ces produits ne sont pas forcément une garantie...
Depuis deux ans que j’habite ici, j’ai remarqué qu’on peut trouver des vrais produits bio venant de petits jardins privés. Des gens qui n’ont pas assez d’argent pour acheter des produits chimique donc on utilise le fumier et autres merdes fertilisantes...
Moi j’utilise de l’urine pour mes plantes et elles sont superbes ! Mon citronnier est en train de « repartir »...
A la boutique bio :
- Tu as acheté beaucoup d’oeufs tu aimes les omelettes ?
- J’aime les omelettes mais c’est pas que pour faire des omelettes.
- Ah bon on peut faire autre chose que des omelettes avec des oeufs ?
Depuis que je suis revenu, le portail - un truc massif très prétentieux, très m’as-tu vu - grince horriblement. C’est épouvantable un bruit qui s’entend à l’autre bout de la rue. Un matin je vois mon proprio qui s’y affaire avec un pinceau, un bocal... et ça grince toujours autant. C’est même de pire en pire !
Je me moque auprès de Johny :
- Il a voulu lubrifier le portail, il a utilisé du diesel !!! Ça n’a rien fait. Il fallait une huile spéciale...
- Ah bon ? Moi aussi j’ai ce problème chez moi. Le portail fait un bruit terrible. J’ai lubrifié mais ça n’a servi à rien non plus. Le lendemain ça a recommencé.
- Tu as mis quoi comme huile ?
- De l’huile de noix de coco.
- Mais, Johny, elle a dû sécher en quelques heures ! Pas étonnant.
Hier je dis à Praveen :
- Il y a des corbeaux partout en
Inde dans les villes, dans les villages... Il n’y en avait pas du tout ici. Et cette année il en est arrivé plein de partout...
- C’est normal, c’est pour toi qu’ils sont là, parce que tu es blanc et eux sont noirs alors ils sont contents d’avoir un ami blanc.
Deux heures plus tard, alors qu’il faisait une remarque sur une star de Bollywood.
- Toi, avec tes cheveux, tes yeux et ta bouche, tu n’as rien à lui envier. Tu es très beau. Toi aussi tu pourrais faire du cinéma.
- Mais non moi je suis pas beau. Je pourrai jamais être beau, because I’m dark !!!
Il est à peine chocolat au lait avec beaucoup de lait, mais...
Johny c’est le contraire.
Il ne veut pas admettre, comme tous les Kéralais qui me connaissent, qu’on me prend souvent pour un Indien
- Tu ne ressembles pas à un Indien du tout.
- Ici, peut-être, dans le sud. Mais très souvent dans le nord on m’a pris pour un Indien. Plusieurs fois, même, on m’a fait le prix indien dans les musées et édifices à visiter sans que je demande rien. Rappelle toi, au palais royal à
Leh. Tu as demandé DEUX billets tarif indien. le mec m’a regardé et il a pas bronché il a donné les deux billets.
- Ah oui, mais au
Kérala...
- En
Inde je peux passer pour un Indien mais tu ne passeras jamais pour un Européen en
France...
- Tu trouves que je suis noir ?
- Tu n’es pas noir, tu es chocolat au lait.
- Ah, tu trouves ? Tout le monde me dit que je suis blanc...
Depuis quelques temps, je reçois de curieux MP. De profils différents mais aussi incongrus et bizarres les uns que les autres... Et quand on y regarde de plus près on reconnaît un même style d’écriture...
Récemment un monsieur habitant soi-disant
San Francisco (tiens donc !!!), se disant très intéressé par mes carnets, me demandait si je pourrais les lui envoyer sous format pdf pour qu’il puisse les lire plus facilement :
Bonjour,
J'ai commence a lire vos posts mais j'aimerai bien en fait les lire sur mon Kindle.
Si par hasard vous les auriez sur votre ordi au format Word, je suis preneur.