Ah merde... C'est parti chez toi? J'espère que tu n'as pas eu trop de dégâts. Tiens-nous au courant.
Ben voilà, je viens t'en dire plus. Le week-end a été un peu anxieux. Que faire, que décider si la panne se prolonge à l’indienne et que je manque d’eau ?
J’étais en train d’arroser le jardin quand l’eau a manqué. Je suis allé appuyer sur l’interrupteur activant la pompe. L’eau a recommencé à couler et je ne m’en suis plus occupé. Je suis remonté chez moi où j’ai vaqué à diverses tâches.
Ici, l’on sait que le tank est plein quand le trop plein déborde en Niagara. Ce qui fait un gaspillage d’eau incroyable. Mais personne ici n’utilise ni un remplissage automatique ni un arrêt automatique.
Comme je suis distrait, que certains bruits ou musiques peuvent masquer celui de l’eau qui déborde, très souvent je compte entre 12 et 15 minutes (le temps moyen de remplissage) et je coupe l’interrupteur avant que la cascade se produise.
Ce fut le cas samedi soir.
J’étais en train d’étendre mon linge à sécher sur ma terrasse arrière quand une mauvaise odeur de fumée a attiré mon attention.
- Allez, encore un qui fait brûler sa réserve de plastique, me suis-je pensé.
J’ai vu la fumée arrivant d’en bas, la même, épaisse, âcre, et noire de pneus qui brûlent. Et deux jambes dans un jean’s planté devant la porte ouverte des voisins qui donne sur leur cour arrière contigüe à celle de ma maison. Et les deux jambes sont restées dans la maison et ont refermé la porte. Pas pu voir le propriétaire des jambes. D’habitude ce sont des jambes poilues, qui émergent soit d’un longhi retroussé, celles du fiston juste pubère, qui vient juste de muer, au comportement étrange, à cheval entre l’enfant gentil et souriant qu’il était et le petit mec qui se la joue "je suis un homme maintenant", soit des jambes tout aussi poilues de sa mère ou sa tante, mais qui dépassent d’un sari relevé ou de la robe d’intérieur que portent les kéralaises chez elles.
En tous cas ça m’a surpris, car d’habitude mère, tante, ou fils lève la tête, font un signe avec la main et repartent à leurs occupations. Là, rien ! J’ai pensé à ce mari dont mon propriétaire dit tant de mal ou à un homme « de passage ». Comme me l’a signifié, toujours lui, mon propriétaire... Il est en mauvais termes avec TOUS les voisins sauf deux.
En tous cas, j’ai bougonné dans ma barbe :
- Merde, alors, il allume un feu de plastique qui empoisonne tout le quartier et lui il rentre bien tranquille chez lui en fermant la porte. Mon linge que je viens d’étendre va puer le plastique brûlé. Et je suis rentré chez moi en maugréant sur ces foutues conditions d’élimination des déchets ici à
Kannur.
Mais l’odeur est devenue insupportable, j’ai commencé à tousser et suis ressorti voir ce qu’il trafiquait.
Et alors là j’ai vu une énorme et épaisse fumée noire qui arrivait d’en bas mais qui semblait ramper sur le mur de ma maison. Je me suis penché et j’ai distingué qu’elle sortait de l’appartement du dessous. Je suis vite descendu voir ce qui se passait. Une grille de haut en bas comme celle que j’ai décrite chez moi ferme cet accès à la maison. J’ai aperçu des mauvaises flammes jaunes qui se détachaient d’un magma de quelque chose de noir qui pendouillait lamentablement le long du mur depuis un objet non identifiable complètement carbonisé et qui brûlait aussi.
Je me suis juste demandé :
- C’est quoi ce truc qui brûle et qui fait une telle fumée noire asphyxiante ?
J’ai cru que c’était une saloperie quelconque qui s’était enflammée. J’ai pensé à une lampe à ghee accrochée au mur, sur un support en bois comme les hindous en allument souvent le soir...
- Tiens me suis-je dit encore, je n’avais pas remarqué qu’ils étaient arrivés. - Ils étaient à
Kochi depuis une semaine -
Et tout connement, je suis remonté chez moi.
Pas rassuré du tout, je suis redescendu voir ce qui se passait car la fumée noire semblait redoubler et commençait à entrer chez moi.En quelques minutes je ne distinguais plus rien à à l’intérieur - en bas - tant cette épaisse fumée noire avait envahi tout l’espace à l’intérieur. Et cette fois je n’ai pas hésité j’ai téléphoné au propriétaire :
- Viens vite tout de suite, je crois qu’il y a un début d’incendie chez toi.
La suite vous la connaissez. L’électricité s’est coupée... et le proprio est arrivé.
Comme nous étions un peu en froid depuis mon retour, je l’ai laissé se débrouiller.
C’est lui qui m’a appelé un moment après.
- Viens voir les dégâts !
Evidemment tous ses voisins-copains avaient rappliqué. Mais pas les autres qui devaient être bien embêtés de pas pouvoir se mêler aux autres et venir voir ce qui se passait et mettre leur grain de sel. Ça devait y aller les suppositions et les commentaires dans les chaumières alentour...
Le « truc » qui brûlait avait fini par s’éteindre mais il régnait à l’intérieur une chaleur de fournaise, tous les meubles et le sol étaient recouverts de cette « suie » venant de la fumée. Le plafond était tout brûlé et cloqué de partout dans la pièce - une arrière-cuisine - où s’était déclaré l’incendie. Car nous avons tous compris qu’il s’agissait bien d'un départ d’incendie et sans mon intervention tout était prêt à s’enflammer à cause de la chaleur intense de cette fumée. J’ai lu, depuis, sur internet que ces fumées peuvent atteindre des températures de 600° à 700° et s’embraser d’un seul coup surtout s’il y a un appel d’air ou si elles rencontrent des matériaux inflammables comme des rideaux, des tentures, des fauteuils, etc...
L’électricien appelé d’urgence est arrivé une heure après et a pu rétablir l’électricité en condamnant toute la partie alimentant la pompe. Car c’était ça. C’était tout le circuit, (le boîtier ?), les fils, qui s’étaient enflammés. Je ne suis pas Indien donc je n’ai jamais fouiné partout, donc je n’ai pas vu le système électrique qui alimentait la pompe. Mais je suppose qu'il n’était pas aux normes, que les fils électrique devaient pendouiller n’importe comment sans sécurité. C’est comme ça que mon système de raccordement électrique de ma clim a été bâclé.
- Temporary, sir, we will secure later...
Mais ça n’a jamais été fait parce que mon radin de proprio n’a pas voulu toucher à l’installation électrique existante et la modifier.
Une fois la première émotion passée, ce fut la suspicion. Des fois que ce serait ma faute...
- Tu avais allumé la clim en même temps ? Tu avais peut-être allumé ton four ? C’est peut-être la machine à laver ? Tu as dit que tu venais de faire une lessive...
J’ai beau expliquer que c’est sans rapport, que c’est uniquement le circuit du moteur de la pompe qui est en cause et que d’ailleurs tout le reste ne fonctionnait pas quand j’ai enclenché la pompe et que la lessive était finie depuis deux heures...
- Mais non, probablement quelque chose a bouché la pompe ou je ne sais quoi, elle a continué à tourner mais sans pomper, puisque le réservoir est quasiment vide, ça a chauffé... etc...
Bien sûr, comme d’hab, il ne me croit pas.
Les voisins ne cessaient de répéter que j’avais évité le pire, mais ça il ne l’entendait pas.
En tous cas il ne m’a pas remercié.
Et chacun est rentré chez soi.
Comme je l’ai dit, dimanche anxieux sans eau ni pour me laver, ni pour faire la vaisselle, ni pour les WC
et ça c’était le pire.
Au moins j’ai pu partager ce qui arrive à tous ces gens quand leur puits est à sec et qu’il faut implorer la mansuétude des voisins, pas toujours très coopérant quoiqu’on en dise...
En tous cas, personne ne m’a proposé d’aller me doucher chez eux ou d’aller chercher un ou deux seaux d’eau...
- Il fallait demander... Ils auraient accepté très volontiers. M’a assuré Johny.
- C'était à eux de proposer, pas à moi de demander.
Seul Praveen, absent tout le week-end, et rentré ce matin m’a aussitôt téléphoné :
- Je suis obligé de rester au bureau ce matin, je peux pas venir te chercher, mais prends un bus. Tu iras te doucher chez moi. Si tu pues, ajoute-t-il en se marrant, tu auras plus de place dans le bus...
Mais finalement tout s’est précipité dans le bon sens. Dès 09h l’électricien était là. Il a sorti la pompe du puits. J’ai cru m’étouffer de rire. Un modèle de pompe de la guerre 14 qu’ils avaient dû récupérer je ne sais où et bricoler par radinerie. On croit rêver ! Dans une maison toute neuve qui vient juste d’être achevée. Elle était recouverte d’une couche de rouille d’au moins 2 centimètres. L’électricien a dit qu’elle avait cramé. Il en a installé une toute neuve. En inox cette fois. Et à midi le tank était plein.
Le proprio tout jovial et ragaillardi - l’électricien avait dû faire son rapport sur la vétusté de la pompe et aussi sur l’installation non conforme, car maintenant tout est bien sécurisé dans un boitier avec disjoncteur - Du coup non seulement il m’a remercié d’avoir donné l’alerte très vite, mais même il s’est excusé pour « l’inconvenience » et le « trouble ».
Grâce à cette grille providentielle une partie de cette fumée brûlante a pu s’évacuer. Avec une porte en bois, c’était l’incendie à coup sûr.
En tous cas, le proprio (je dis toujours le proprio mais c'est son gendre, le vrai réside à
Kochi) a fait vraiment le maximum pour que tout soit réparé le plus vite possible. Samedi il m'avait annoncé : tu risques de rester sans eau pendant quelques jours...