Une solution proposé dans le film est non pas de produire du sucre blanc qui a un coût de production énorme à cause de la chimie nécessaire à le blanchir, mais plutôt de produire du sucre brun à petite échelle en s'affranchissant aussi des intermédiaires qui se "sucre" au passage. Les profits réalisés semblent corrects et permettent aux employés de toucher un salaire qui leur permet de vivre normalement, notament envoyer les enfants à l'école. Ce qui n'est pas le cas dans le système classique (féodal) de la récolte de la canne. Dans ce dernier, les ouvriers travaillent de 6 à 8 mois par an et ne touchent bien sûr rien le reste du temps. Les revenus générés pendant cette période ne leur permettent pas de subvenir à leurs besoins toute l'année, on leur propose donc des avances à récupérer sur la récolte suivante.
Le sucre brun (washed sugar) est déja produit en quantité aux
Philippines. Il est disponible dans tous les magasins et est probablement plus consommé que le sucre blanc car moins cher.
Une solution pour les paysans est le système de coopérative: les agriculteurs se regroupent, possèdent la raffinerie et partagent les bénéfices. Malheureusement, les agriculteurs philippins regardent beaucoup plus leur intérêt personnel à court terme que l'intérêt collectif à long terme. Et les pouvoirs publics sont "très proches" des gens riches qui profitent actuellement de ce système, donc ne font absolument rien.
Concernant les ouvriers, il me parait normal que, en ne travaillant que 6 à 8 mois dans l'année, ils ne puissent pas subvenir à leurs besoins.
Beaucoup d'ouvriers, après la saison, dépensent tout leur argent en achetant un nouveau téléphone portable, pariant sur les combats de coqs et faisant la fête tous les soirs. Quand ils n'ont plus d'argent, au lieu de chercher du travail, ils demandent une avance sur la saison suivante... et continuent de faire la fête
Peu d'ouvriers, après la saison, travaillent de nouveau ou cultivent un terrain qui leur appartient. Ceux-ci ne demanderont pas d'avance et n'auront pas de problème pour subvenir à leurs besoins.
En fait le reportage montre que le CARP a bien eu lieu. On a proposé aux paysans d'acheter un bout de terre pour y cultiver ce que bon leur semblait. Ceux ci ont accepté en s'endettant lourdement et en comptant sur la revente de leur culture pour rembourser, mais les profits réalisés n'ont pas pu couvrir leurs créances. Du coup ils ont revendu leur lopin de terre au landlord du coin.
Les conditions du CARP font que les paysans remboursent le terrain quand ils veulent et absolument pas à échéances régulières. Tous les prêts ont été consentis par "land bank of the
Philippines" et la banque ne forcent pas les paysans à repayer le prêt et même pas les intérêts du prêt!!!
La majorité des paysans, n'ayant pas 1 peso de coté, s'endettent pour financer la plantation (achat de graines ou plants, engrais, pesticides...). Le taux normal du prêt, dans ma région, et de 10%... par mois!!! Donc 40% d’intérêt pour une saison de plantation de 4 mois.
Beaucoup de paysans veulent devenir riche rapidement. Ils plantent donc des espèces hors-saison, qu'ils pourront vendre nettement plus cher qu'en saison. Si les conditions climatiques sont très bonnes, ils touchent le jackpot. Ils repayent leurs prêts à 10%/mois et ne repayent pas leurs prêts à la land bank car personne ne les oblige à le faire... Si les conditions climatiques sont normales ou mauvaises, ils ne récoltent pas grand chose ou rien et ne peuvent même pas repayer le prêt à 10%/mois. Après 2 ou 3 saisons, ils sont obligés de vendre leur terrain.
Peu de paysans veulent simplement subvenir aux besoins de leurs familles. Ils plantent des espèces en saison, font un petit bénéfice chaque année qui permet de vivre correctement. Au lieu de dépenser l'argent, ils achètent un veau qu'ils élèvent et revendent l'année d'après en faisant un beau bénéfice. La vente permet de financer la saison suivante et ils économisent les 10%/mois d’intérêt. Après quelques années, ces paysans peuvent vivre très bien, et même acheter de nouveaux terrains.
Ce que je raconte ici n'est pas une fiction mais bien la réalité que je vis tous les jours car j'habite dans une zone rurale et tous mes voisins sont paysans.