Effectivement!
Si il est bien question de voyages sur ce forum, voyons voir les perspectives de Emad, le jeune héros palestinien. Pour lui, parcourir 100m dans un sens, c’est se heurter à un check point : attente interminable, regards haineux et refoulement, faute de visa valide. En
Palestine, on est palestinien et clandestin à Al-Qods si on y est passé sans visa. Se faire contrôler, comme Emad, signifie la prison pour séjour illégal. Dans un autre sens, parcourir 100m c’est le Mur. Au sens propre ! Il est bien là, odieux, gigantesque, arrogant... Un cache-misère et un symbole grandiose de cet Apartheid oriental. En attendant un onirique sésame pour voyager, Emad fait du surplace, comme servir dans un restaurant pour un salaire hypothétique, se faire moquer par des clients hilares
(Pourquoi tu restes figé ? Tu attends un pourboire ?) et aligner les frustrations. (Que ressent-on lorsqu’en roulant paisiblement en soirée, la sirène retentit, le gyrophare s’allume et une voix vous intime de sortir de la voiture et de baisser la culotte ?)
Soraya, elle, débarque de Brooklyn. Ses grands-parents ont été spoliés durant la Naqba, ils ont fui la
Palestine. Elle vient pour voir, et la colère la submerge immédiatement. Les banquiers de ses aïeux auxquels elle demande des comptes ont du mal à réprimer un sourire ironique en la déboutant (
Tu sors d’où, toi ? New York ne te convient pas ? Estime toi heureuse et retourne d’où tu viens). La paupérisation et le sentiment de claustration sont palpables partout. Les colonies alentours prospèrent. La maison ancestrale qu’elle visite, côté "israélien", avec Emad, est maintenant la propriété d’autrui, pas de miracle.
En parcourant en automobile leur
Palestine, sorte de Road Movie oriental poétique à souhait, ils vivront des moments de grâce. C’est toujours ça de gagné, avant d’être rattrapé par une réalité décidément impitoyable.
Ce film est magnifique dans le ton et la poésie qu’il dégage. Il a des allures de documentaire. Sa réalisatrice palestinienne, Annemarie Jacir, disait :
« Faire un film en Palestine sans soldats ni check points, c’est possible, ça s’appelle un film de science-fiction. Ça pourrait tout aussi tout aussi bien se passer sur la Lune. Et dans mon travail, ce qui m’intéresse, c’est la réalité. »
A voir absolument! C’est le meilleur film actuellement dans les salles.
Khaldoun