Aller chercher le soleil en décembre n'est pas forcément si simple, surtout lorsque c'est pour une courte période. Pas si simple comme prendre un vol Air Canada pour
Toronto, y dormir et continuer le lendemain pour
Montego Bay.
Air Canada : heureusement que les horaires et les prix étaient attractifs. Un A330 plus tout neuf, un choix de films restreint, un service repas minimum et des hôtesses frisant le Migros-data, bref ça ira pour cette fois mais si on peut éviter pour une prochaine fois...
L'escale de
Toronto porte bien son nom : c'est une escale et rien de plus. Un petit hôtel près de l'aéroport, juste pour un transit d'une nuit. Le lendemain, c'est un charter de la compagnie qui nous transporte. Pas de film, repas payant, plein comme un œuf de touristes canadiens qui vont remplir les établissement all inclusive de la patrie de Bob. Dommage, car on peut vraiment la visiter autrement cette île. En louant une voiture par exemple et en logeant chez l'habitant.
À notre arrivée à Mo Bay, le comptoir Hertz est vide et notre Yaris est prête. L'employée nous rappelle que la conduite est à gauche en
Jamaïque et elle nous conseille de prendre le maximum d'assurance. La confiance règne... Hormis un doute dans le premier rond-point, conduire à gauche n'est pas si compliqué. Sauf une tendance persistante à enclencher les essuie-glace au lieu du clignotant.
Irina nous avait tellement bien expliqué comment trouver là Calypso Villa à Rose Hall que nous ne nous perdons même pas. Un petit appartement au premier étage d'une maison, à moins de 10 mètres de la mer.. La terrasse est aérée et tempère les 30 degrés du soleil jamaïcain. Une petite plage publique (et donc pas nettoyée) nous permet de goûter à la mer des
Caraïbes, toute aussi chaude que l'air. Premier jour, première baignade, premières chaleurs.
8 jours c'est court, alors il faut optimiser. Plutôt que de combattre le jetlag, nous le laissons nous soumettre. A 2100h., nous sommes au lit. Le lever se fera en même temps que le soleil, vers les 0600h. Ici, la journée est coupée équitablement en deux : 12 heures de jour et 12 heures de nuit, un tournus prenant son quart au chiffre 6, du soir et du matin. 6 heures du mat', une petite marche le long de la mer accompagné des trois chiens de Irina et une première baignade, en slip. Quelque locaux partent à la pêche, palmes, masque et tuba sur l'homme. Les premiers "yeah Man", le bonjour jamaïcain.
Direction
Negril, tout à l'ouest de l'île. La station pour laquelle les passagers de l'avion d'hier avaient payé. Une ode au tourisme de masse, jet ski, parachute ascensionnel, ski nautique et piste de danse sur la plage en plein cagnard. Mais heureusement,
Negril a aussi ses trésors cachés, avec des portions de sable blanc déserté car sans animation. Sable blanc et eau translucide, la combinaison gagnante pour y passer une bonne partie de la journée. 2 heures de route nous ramène à la Calypso.
Irina est de bon conseil pour les restos. Après le Scotchies d'hier soir et sa spécialité de Jerk Chicken (du poulet mariné dans une sauce épicée avant un passage au grill), elle nous propose le Far Out Fish Nuh, à une quinzaine de minutes vers l'Est. Du poisson grillé, en plein air, au milieu des clients jamaïcains. Bien mieux que le buffet nord-américain des grandes chaînes d'hôtels de
Negril.
Une journée de
Jamaïque et déjà le dépaysement total. Une île très typée, la musique omniprésente, le racolage à tous les feux pour acheter de la ganja, les Yeah Man et les Respect Man lorsqu'on vous croise, le Reggae qui sort à fond des autoradios et des hauts-parleurs dans les restaurants, une île sans doute difficile à apprivoiser en quelques jours seulement.
Alors demain on s'y replonge !Irina avait raison. Pour bien profiter de ce qu'il y a à voir, il faut se lever tôt. Message reçu, au lever de soleil, on est debout à prendre notre petit-déjeuner sur la terrasse, à contempler les couleurs pastels d'un matin jamaïcain.
2 heures de route pour rejoindre Irie Blue Hole, dans la white Valley, au-dessus de
Ocho Rios. Une rivière avec des cascades et des piscines naturelles au milieu des collines et de la forêt tropicale. Ceux qui pensaient que l'île se bornait à ses plages se trompent. L'intérieur est fait de collines, voire même de montagnes, puisque le point culminant de la
Jamaïque est à plus de 2000 mètres. Le tout recouvert par une forêt dense et épaisse, digne d'une jungle pluviale.
Evidemment, il n'y a aucun panneau à part sur la route côtière. Irina nous avait préparé un itinéraire, et heureusement. Après avoir quitté
Ocho Rios pour grimper dans les collines, c'est donc la jungle. Dans la nature bien sur, mais aussi pour trouver notre chemin aux intersections. Mais heureusement les jamaïcains sont aimables avec le touriste blanc et ils nous renseignent efficacement à chaque doute sur la direction à prendre.
A l'approche du site, de jeunes guides attendent le visiteur. Des guides gratuits (mais qui attendent le pourboire) compris dans le prix d'entrée du site, géré par les communautés locales. Mikee sera le notre. Attentionné et très gentil, il nous accompagne pour remonter la rivière, nous montrant au passage toute sorte de plantes ou d'épices naturelles qui poussent comme ça, sans intervention de l'homme. Puis ce sera une succession de jacuzzi naturels, de sauts, de cascades, de nage dans l'eau douce et fraîche de la rivière. Irina avait vraiment raison, à mi-parcours, nous sommes rejoints par des hordes de touristes fraîchement débarqués d'un bateau de croisière qui vient d'accoster à
Ocho Rios.
Mikee aura mérité son pourboire, c'était un guide parfait.
Nous redescendons sur la côte, pour nous arrêter manger en bord de mer. A peine arrêtés sur le parking en terre du petit Resto, nous faisons face aux habituels vendeurs de ganja, plant à la main. Bizarrerie locale, il est permis d'en consommer, mais pas d'en vendre ou d'en acheter. La ganja n'est pas qu'un mythe ici. Elle est omniprésente, comme un produit culturel. Ça fume dans la rue, à la plage, au volant, bref les effluves chatouillent fréquemment les narines. Nous finirons l'après-midi sur la petite plage payante de Burwood. Il y a plusieurs sortes de plages en
Jamaïque. Celles privatives des hôtels, qui malheureusement squattent la grosse majorité du littoral. Les plages publiques, rarement nettoyées, donc pleines d'algues et de déchets plastiques divers, et les plages publiques mais payantes. Entretenues, équipées de douche et wc, avec un maître-nageur, l'assurance de trouver son bonheur aquatique et balnéaire. Un petit bar y est souvent présent aussi. Il faut dire qu'ici, facile de monter un bar. Quelques planches, ou alors des tôles, de la peinture si possible en plusieurs coloris pour l'extérieur, deux ou trois bancs et ça y est, le bar est monté. Il doit y en avoir des milliers sur cette île, vendant la fraîche Red Stripes, une bière blonde légère, et le rhum Appleton distillé sur l'île.
Retour à la Calypso, la journée a été longue. Nous retournons au Scotchies, manger un Jerk Chicken.
Que cette île semble attachante, malgré sa relative mauvaise réputation. Bon, il faut dire que le jamaïcain est fier. Fier de représenter son île, fier de ses origines africaines, fier de sa culture caraïbéenne. Peut-être les femmes plus encore, elles qui vous regardent dans les yeux, le menton droit et le buste bombé. Si le mâle jamaïcain se la joue cool au niveau habillement, un bermuda et un t-shirt suffisent, la femme jamaïcaine aime se faire belle, avec des vêtements colorés, un maquillage discret et des cheveux bien coiffés. Peut-être les conséquences d'une société somme toute assez machiste, où la femme doit se faire une place. Avec réussite, il faut le dire, vu le nombre de beautés des tropiques croisées en deux jours...
Passer la soirée, tempérée par les alizés, au bruit des vagues, un petit rhum dans la main, en se remémorant la journée passée. C'est bon ça...Après quelques jours dans la région de
Montego Bay, nous changeons d'endroit pour partir tout à l'est de l'île, dans la région de
Port Antonio. Plus de 4 heures de route, pour faire moins de 150 kilomètres.
Jusqu'à
Ocho Rios, la route nous est connue, c'est par là que nous sommes passés pour aller aux chutes de Blue Hole. C'est aussi là que Dame Nature nous gratifie d'une rincée tropicale dont elle a le secret. Evidemment, l'évacuation des eaux de pluie n'est pas forcément la préoccupation principale des autorités locales, alors des gouilles, des mares, des petits lacs, bref une chiée d'eau squatte la route. On y voit que dalle, tant à travers le pare-brise que la route en elle-même. Une rincée violente, mais qui, tradition tropicale oblige, ne dure pas. D'ailleurs quelques kilomètres plus loin, même les nuages ne seront plus qu'un lointain souvenir.
Vers Port Maria, les paysages et la végétation changent. Les palmiers et autres bananiers, absents du tableau jusqu'alors, font désormais leur apparition. La route n'est plus une ligne droite et rapide, mais elle devient pour notre plus grand plaisir bien sinueuse. Cette partie est de l'île à son charme. Fini les grands hôtels à la pelle, ils se font rares, laissant la place à de belles maisons, aux jardins plus fleuris et mieux entretenus.
A Attono Bay, stop pour acheter des fruits, prendre un peu de sous dans un ATM et se balader dans la rue principale de la petite ville. Peu de touristes ici, voire pas du tout même. Nous sommes les seuls Blancs à l'horizon. La
Jamaïque est peuplée à 98 % de Noirs, héritage d'une triste page de l'Histoire lorsque les colons ont poussé à l'esclavage des millions d'Africains. Sans doute que la
Jamaïque est une des îles des
Caraïbes où ce souvenir reste bien présent dans les esprits et la culture. Malgré cela, un sourire, une main tendue, un pouce levé et cette méfiance qui peut encore subsister disparaît rapidement. Du coup, les Respect Man et les Yeah Man illumine les visages, même dans ce coin de marché où nous serons bien dévisagés. Un marché où un vendeur de fruits va nous préparer à la machette un ananas sucré et juteux qui n'aura pas attendu avant d'être dégusté.
Port Antonio est en vue, une ville et un petit port animé. La
Jamaïque est divisée non pas en comtés, mais en paroisse, sans doute un vestige des colonies britanniques. D'ailleurs, leurs noms rappellent sans équivoque la Couronne. Manchester Parish, Portland Parish, St James Parish... Mais les villes, elles, font plus référence à d'autres pages de l'Histoire.
Negril,
Ocho Rios, Ocarabessa... Nous avons même vu aujourd'hui une rivière dont le nom est Negro River. Avec le premier mot barré au spray. Lorsqu'on disait que certains ressentiments sont encore bien présents...
Dès
Port Antonio, la route devient subitement moins bonne, étroite et surtout pleine de trous, genre cratère. Milieu d'après-midi, nous arrivons à Long Bay, un village le long d'une large et longue plage aux vagues imposantes. C'est là que se trouve notre second repaire Airbnb, la Villa Rasta. Un ensemble de petits bungalows en bois, tout confort, surplombant la plage. Bigga et sa femme Anesta nous accueillent avec chaleur, à la jamaïcaine avec un salut poing contre poing. Nous allons affronter les vagues en cette fin de journée, avant de remonter à notre repaire. Autour de nous, les maisons de cette petite communauté, où des chèvres sont tranquillement en liberté, où des poules passent d'un jardin à l'autre. Et partout de la musique qui flotte dans l'air. Là encore, pas de touriste en vue, trop loIn sans doute, trop à l'écart du grand confort occidental, trop local. Mais tant mieux, que cela ne change donc pas ! Outre tenir ses bungalows, Bigga est un excellent cuistot. Ce soir, il nous prépare une belle tranche de poisson avec une sauce juste épicée. Un véritable délice, pris sur la petite terrasse, avec le bruit des vagues et des grillons locaux comme fond sonore. Et du Reggae bien sûr...
Demain, le réveil est programmé à 0530h. C'est à ce moment que le soleil va sortir de la mer, juste en face de nous...Et si finalement le bonheur ne s'obtenir qu'avec un petit rien ? Un petit rien du genre se lever très tôt, alors que le ciel est encore ben sombre. Un petit rien du genre n'enfiler qu'un bermuda et apprécier un air tiède caresser sa peau. Un petit rien du genre s'asseoir et contempler les couleurs pastels qui commencent à orner le ciel sans penser à rien d'autre. Un petit rien du genre s'émerveiller lorsqu'une boule de feu émerge des nuages. Un petit rien du genre assister à un lever de soleil sur la
Jamaïque...Le temps s'est arrêter de compter, il n'a pas d'importance en ce moment magique mais qui pourtant se répète tous les matins. S'en rend-on d'ailleurs encore compte ?
Le soleil a déjà bien entamé son parcours lorsque nous prenons le petit-déjeuner sur la terrasse de la villa Rasta, quelques dizaines de mètres au-dessus de la mer des
Caraïbes. Si les grillons locaux sont partis se coucher (normal, ils remettent le couvert ce soir), le bruit des vagues qui se cassent près de la plage est incessant.
Ce matin, direction le Blue Lagoon, pas très loin, entre
Port Antonio et
Boston Bay. Le bord des routes est peuplé d'écoliers qui attendent leur transport pour se rendre à l'enseignement du jour. Ils sont bien reconnaissables, tous ces jeunes qui représentent le futur du pays. L'uniforme est de rigueur. Pantalon et chemise pour les garçons et robe ou jupe pour les filles. Tous habillés pareils, sans distinction de classe sociale. Seule la couleur peut changer en fonction de l'établissement scolaire. Une bonne manière de mettre tout le monde sur un pied d'égalité. La différence sera plutôt visible sur ceux qui possèdent un smartphone (une grande majorité quand même) et qui sont les yeux collés dessus.
Quelques familles amènent leurs enfants à l'école en voiture, mais la plupart sont dépendants de transport en commun. Des minivans surchargés plus que la notice le conseille ou des taxi-route que l'on hèle en levant la main et que l'on partage avec ceux qui s'y trouvent déjà.
Lorsque nous arrivons au Blue Lagoon, encore personne si ce n'est les habituels vendeurs de babioles. Une curiosité naturelle surprenante. Une énorme anse d'eau coincée entre la mer et la forêt, variant du turquoise au bleu profond, pas douce, mais pas vraiment salée non plus. Apparemment la profondeur de ce plan d'eau atteint plus de 60 mètres ! Une source d'eau douce approvisionne le coin, mais la mer en fait autant en remontant jusque là, créant ainsi des variations de température qui surprennent lorsqu'on nage. On y passe bien sûr une grande partie de la matinée.
On nous a parlé d'une plage magnifique pas loin du Lagoon,
Winnnifred. Pas facile à trouver car elle n'est pas indiquée depuis la route, mais tous les locaux la connaissent. Une plage publique, gérée par la communauté du village de Fair Hill. Si elle n'est pas payante, une contribution pour son entretien est la bienvenue. Et effectivement, après une descente mémorable sur une piste défoncée où il vaut mieux rouler au pas, nous voyons que des hommes sont affairés à nettoyer la plage. Magnifique, c'est bien le mot. Des échoppes et petits restos de fortune s'y sont installés, pas besoin de remonter la piste pour se ravitailler. Pour nous ce sera un bon poisson grillé chez Cynthia, une cahutte faite de bric et de broc (et surtout de bois), avec un petit foyer au charbon et un grill pour cuisine. Baignade, soleil, farniente, on adopte le rythme jamaïcain. L'avantage ici, c'est qu'à part les quelques touristes présents, il y a aussi des gens du coin. Rasta ou pas (j'y reviendrai une prochaine fois), filles et garçons, on ne se sent pas en vase clos pour Blancs en mal d'exotisme.
L'après-midi touche à sa fin, il est temps de regagner Long Bay. BIgga a allumé son grill et nous a préparé du poulet grillé. Nous nous posons sur la terrasse, la stéréo crachotant du Reggae en fond. Le bruit des vagues, le reggae, short et t-shirt, une Red Stripes bien fraîche. Et si le bonheur ne s'obtenait qu'avec des petits riens ?Rien ne sera jamais parfait. Et ce matin en nous levant, on s'en doutait déjà. Jusqu'à maintenant le ciel était toujours dégagé sur la mer, les quelques nuages denses restant sur les hauteurs du centre de l'île. Mais pas ce matin. Peu de ciel bleu, principalement des nuages gris, poussés par le vent, ce même vent qui en amène d'autres.
Nous avions prévu de monter en altitude dans les Blue Mountains, une chaîne qui sépare le nord du sud dans cette partie de l'île. Bigga nous donne une route à emprunter pour avoir un splendide point de vue sur toute la baie de
Kingston, la capitale qui se trouve sur le versant sud de l'île. Le temps peut changer très rapidement en
Jamaïque, alors Bigga nous dit que d'ici à ce que nous arrivions, il fera sans doute, peut-être, qui sait, beau.
Cette fameuse route se prend à la hauteur de la station-service du village de Buff Bay. Après avoir confirmé que nous nous trouvions sur la bonne voie auprès d'un passant, les prédictions de Bigga partent en fumée. Ou plutôt à l'eau. Il pleut. Mais au diable les éléments, on y va. Rapidement la route va passer d'étroite à très étroite, ne permettant parfois même plus de croiser avec un vélo. Et ça grimpe à travers la forêt pluviale, à flancs de coteau. Il arrive de croiser une voiture qui descend, évidemment à fond. Il faut alors avoir le bon réflexe et donner un coup de volant sur la LA GAUCHE. Nous traversons aussi quelques villages, dont les maisons sont parfois plus des cases que de réelles habitations en dur. Les gens nous regardent avec étonnement, peu de blancs doivent emprunter cette petite route au coeur de la
Jamaïque. Si les nuages n'ont jamais eu la courtoisie de s'éclipser, c'est désormais le brouillard qui se pointe. Foutu la vue sur la baie de
Kingston.
La région est célèbre pour son café. Dès 1000 mètres d'altitude, les arbustes apparaissent, des grains plein les branches. Il y a quelques plantations dans le coin, mais dans le brouillard, c'est bof bof. Alors nous décidons de rejoindre la côte. En chemin, nous dépassons un petit papy qui descend sur le bord de la route, des bottes en plastique aux pieds. "Vous allez où grand-père ?". "Au prochain village, à Spring Hill". "Et bien montez !". Spring Hill est tout de même 3-4 kilomètres plus bas, et en plus avec des bottes en plastique. Durant le court trajet, ce sympathique vieil homme nous parle à moitié anglais, à moitié dans son dialecte, rendant impossible un échange. Depuis sa banquette arrière, il me tape sur l'épaule lorsque nous arrivons au centre du village. Des gens sont là, assis sur un muret et se demandent sans doute pourquoi nous stoppons ici. Mais lorsqu'ils voient notre passager descendre de la voiture, plusieurs nous font un signe de tête de remerciement, tendant le pouce. Un jeune ira même plus loin en me gratifiant d'un "Respect Man". La bonne action du jour.
De retour sur la côte, plus de pluie ou de brouillard mais toujours des nuages. Nous optons pour
Boston Bay. Un, parce que c'est près de Long Bay et deux, parce qu'il y a plusieurs petits restos au bord de la route. Et nous avons faim ! À notre arrivée sur place, les rabatteurs se ruent sur la voiture pour nous attirer dans leur cahutte. Le premier arrivé, sympa et aimable, remporte la mise et nous le suivons. Un resto tout ce qu'il y a de plus local. J'en connais plus d'un ou une (ils se reconnaîtront) qui n'y auraient pas mis un orteil. Et pourtant. Un accueil chaleureux, un service efficace, une bonne cuisine. Simple, mais bonne : un demi-poulet façon Jerk (on dit ici que la région de
Boston Bay est le berceau du Jerk et surtout qu'il est le meilleur de toute l'île, évidemment), du Breadfruit (un fruit qui ressemble à de la mie de pain, sans vraiment de goût, ni bon, ni mauvais) et des bâtonnets de Festival (de la farine locale, passée en friture, très bon). Et aucune fourchette ou couteau, ici on mange avec les doigts. Bon, il ne faut pas trop regarder à nos standards occidentaux en matière d'hygiène. Au moment de la rédaction de ces lignes, plusieurs heures ont passé et toujours aucune gastro (ça on le savait bien, mais on connaît la réaction de certains...).
Juste à côté de cette gargote, la plage de
Boston Bay. Une petite anse qui n'est pas protégée par un récif coralien et où les belles vagues entrent de plein pied. Alors des surfs sont en location sur le sable et dans l'eau plusieurs amateurs vont chercher les vagues à l'entrée de la baie. La baignade demeure agréable car les vagues cassent bien plus loin que le bord. En fin d'après-midi, retour sur Long Bay. Bigga nous a préparé un plat typique : du poisson (de la morue salée) aux ackees, un fruit tropical qui ne pousse que dans les
Caraïbes et qui doit être cuit pour être mangé. Il semblerait que d'autres pays en interdisent la consommation, car mal cuisiné, il peut être toxique et générer de sérieuses complications. Le petit rhum agrémenté de jus ananas/goyave aura fait passer tout ça sans souci...
Peu de vent ce soir sur notre terrasse, il faut chaud même dans la nuit qui est largement tombée. Les grillons ont repris leurs lancinants chants, les vagues rythment les secondes et le reggae couvre tous ces bruits naturels afin de compléter le tableau d'une soirée jamaïcaine encore une fois réussie...On a pris le rythme. Lever vers 0630h du matin, plus ou moins en même temps que les premiers rayons du soleil perçant les nuages à l'horizon. Je m'étais promis de partir marcher sur la plage, alors que ma chère et tendre se prélassait encore dans les draps. Chose faite ce matin. J'y croise quelques villageois qui balaient un bout de plage ou qui sont assis là à attendre dieu sait quoi et qui me saluent d'un geste de la main. Le sable est mou et les pieds s'enfoncent jusqu'aux chevilles rendant l'exercice ma foi assez sportif.
Coup de gueule maintenant : mais putain quand est-ce que les gouvernements vont réagir à ce fléau qu'est la pollution par le plastique ????? La plage est jonchée de détritus divers en plastique, amenés par la mer. Des bouteilles bien sur, mais aussi des brosses à dent, des hélices de ventilateurs, des emballages de toutes sortes et même une chaise !!!!! Stop, stop et stop ! Même s'ils arrivent par la mer, ces déchets viennent aussi de l'intérieur de l'île, emportés lors des pluies qui ramènent tout à la mer, la récupération des eaux de pluie n'existant pas ici. En
Jamaïque, le gouvernement ne fait rien pour lutter contre ce désastre écologique. Bien sûr, il y a sans doute d'autres choses importantes, comme l'éducation scolaire, la violence contre les femmes, l'alcoolisme et la drogue, mais tout de même. Ici, chaque propriétaire d'un bout de terrain est responsable de le nettoyer. Ou pas. Ainsi, des bouts de plage sont propres car le gars qui a un bar à cet endroit le nettoie. Mais c'est une minorité. Reveillez-vous bon sang !!!! Coup de gueule terminé.
Au retour du bout opposé de la plage, je ne résiste pas à l'envie de me lancer dans les vagues imposantes. Long Bay n'est pas protégée par un récif, alors les courants du large viennent directement se briser sur la plage. La pleine saison commencera en janvier et alors les surfeurs du monde entier viendront sur ce spot.
Après le petit-déjeuner, direction Reach Falls, pas si loin de notre repaire. La route pour y aller suit la côte, devenue bien sauvage à l'extrême est de l'île. Un petit bout de forêt pluviale et nous voilà sur le site. Vu l'heure, encore seuls et la rivière toute pour nous. Vous voyez le mot translucide ? C'est pire que ça. Le val Verzasca en version jamaïcaine, pour la couleur de l'eau s'entend. Mais bien moins froide. Un peu fraîche, mais pas froide. A l'aide d'un guide, nous remontons la rivière à pied, nous baignant à de multiples reprises dans des piscines naturelles. Nous pouvons même entrer dans une cavité sous la rivière, formant une petite grotte. La qualité de l'eau est telle que selon notre guide, nous pourrions la boire. Bon, à deux jours d'un vol de 15 heures, on va limiter les risques de gastro, mais ce n'est pas impossible.
Retour sur la côte, direction la plage de San San. Le ciel, il y a peu partiellement bleu et dégagé, est subitement devenu d'un noir inquiétant sur la mer. L'orage arrive. Un couple de personnes âgées, attendant sans doute un transport public, nous fait un signe. Ils sont habillés du dimanche, pour aller à la messe. L'orage se pointe et ils n'ont rien pour se mettre à l'abri. Evidemment que nous allons vous véhiculer jusqu'à Long Bay où vous arriverez à temps pour la cérémonie religieuse.
Un vent violent et la pluie arrivent comme prévu. Un orage aussi violent et intense que court. 30 minutes et c'est réglé. Le temps d'acheter des fruits sur un stand de bord de route (bananes, ananas, avocat) et de gagner la plage payante de San San. La mer n'est pas forcément aussi claire que d'habitude, ayant brassé avec l'intempérie. Mais avec le beau temps, le calme revient et nous profitons de la mer des
Caraïbes. Le départ est programmé après-demain, chaque minute dans l'eau compte !
Au retour sur Long Bay, c'est encore le moment auto-stop. Mais des Blancs cette fois. Une famille de jeune Polonais, look rasta, qui monte à 6 sur la banquette arrière (les deux parents, trois jeunes gamins et un pote du coin)... Heureusement, ils ne vont pas loin, car la pauvre Yaris souffre un peu sur les amortos arrière...
Bigga nous a de nouveau préparé un sacré bon repas. Du poisson au curry, des bananes plantain frites et un légume vert cuit qui a le goût des oignons nouveaux.
Après le souper, quelques bons petits verre de rhum pour rester dans l'ambiance locale. Anesta nous rejoint et en discutant elle nous dit adorer la Country Music. Alors la, de la part d'une jamaïcaine, ça surprend. On passe donc une partie de la soirée à écouter de la musique, de la Country, mais aussi plein d'autres choses, grâce à Spotify sur notre iPad. Rhum, musique, chaleur, grillons et vagues, un sacré cocktail. That's
JAMAICA !La dernière nuit à chez Bigga à Long Bay a été mouvementée. À cause d'orages nocturnes qui sont venus perturber la tranquillité des lieux. Des vents violents et surtout une pluie bruyante lorsque les gouttes frappaient le toit en tôle du bungalow. Evidemment, tout ce que nous avions mis à sécher sur la petite barrière devant notre chambre s'est retrouvé bien trempé. Après notre petit-déjeuner habituel (des flocons d'avoine avec des petits morceaux de banane citronnée, des toast à la confiture ananas/goyave et un thé menthe/cannelle, tous produits jamaïcains) c'est l'heure de quitter ce petit paradis. Cette partie nord-est de l'île est demeurée bien authentique. Ici pas de gros hôtels all-inclusive, pas de gros centres touristiques, mais une vie locale préservée, une nature belle et sauvage, des gens moins "agressif" sur le touriste. Ce touriste qui lui aussi est différent. Ceux qui viennent jusqu'ici sont ceux qui cherchent justement cette authenticité, une
Jamaïque plus vraie, plus locale et moins pervertie par le tourisme de masse. Bref, à voir quoi.
La route jusqu'à
Ocho Rios est vraiment magnifique. Nous l'avions faite à l'aller mais elle en vaut la peine aussi dans l'autre sens.
Ochos Rios, quelques courses, mais on sent déjà la différence. Il faut dire que les gros paquebots qui naviguent dans les
Caraïbes y font escale, déversant leur lot de vacanciers qui ne passeront que 24 heures au maximum dans le coin et qui se contenteront du superflu. Pas de petits restos genre
Boston Bay pour eux, pas de bungalow en bois avec des poules et des coqs au pied des escaliers. Mais un hôtel pour occidentaux, bien aseptisé. Après, chacun sa manière et son plaisir du voyage. Que l'on s'entende, ce n'est pas une critique, mais une autre manière de voir et de découvrir un pays.
Sur le chemin de Rose Hall, nous faisons halte à la petite plage de Burwood, où nous sommes d'ailleurs les seuls. 3 bonnes heures de trempette dans une eau qui avoisine les 30 degrés. Le choc risque d'être bien rude au retour dans la froide Piogre.
Irina nous accueille avec une amicale accolade. Elle veut tout savoir de notre séjour dans l'est. Le contact est la, chaleureux, l'avantage de loger Airbnb. Pour le soir, retour au Far Out Fish Hut. Petit resto de bord de mer qui ne cuisine que du poisson. A la vapeur dans du papier aluminium jeté sur les flammes d'un feu de bois ou alors frit. Le prix se fait au poids, alors nous allons dans la cuisine choisir les pièces que nous voulons. Clair de lune, quelques vagues, douceur de l'air, une bière et deux poissons frais. Fin de séjour en
Jamaïque... Demain, il faudra paqueter, rendre la voiture et embarquer sur un vol Air Canada, pour quitter cette île des
Caraïbes et retourner dans la froideur du monde "moderne".