En direct de l'étape du jour du tour du nord-est du
Vietnam,
C'est l'heure du duplex avec notre correspondant.
Le peloton tout entier a franchi la ligne d'arrivée.
Après les interviews et le traditionnel test anti-dopage,
C'est le moment pour les coureurs de profiter de quelques jours de relache bien mérités.
Et ça aussi, il savent faire...
Le réveil est, comme de coutume quand on pose nos valises quelque part, tardif.
On retrouve Antoine, notre local de l'étape, à midi. On peut alors remettre nos fessards au supplice de quelques heures passées sur une selle. Antoine nous fait le privilège d'être notre guide et de nous montrer ses coins préférés des environs de Sapa, et ça ne manque pas.
Le temps d'un tour de clé et on est parti. La route a troqué son enveloppe goudronnée contre une couche poussiéreuse faite de terre et de cailloux qui m'est maintenant familière. Toute la journée, ça ne sera que ça, des pistes en zigzags avec des pentes à ne pas mettre un cycliste dehors. En d'autres termes, ça ressemble plus à un enduro qu'à "la Croisière s'amuse".
D'ailleurs par moment, la croisière galère plus qu'elle ne s'amuse. C'est que nos bonnes vieilles
Minsk sont plus faite pour les steppes que pour la montagne. Lorsqu'il faut venir à bout d'une montée à 30°, t'as plutôt intérêt à être bien lancé et à ne pas t'arrêter car autrement, c'est la foire à l'énervement pour repartir. Quand, en plus, tu te retrouves coincé parce qu'un de tes compères parti avant toi s'est retrouvé enlisé et bloque la voie, c'est pas la joie quand il faut t'y reprendre à dix fois pour s'élancer de nouveau. Et même si tout se passe dans la plus grande décontraction, il y a des fois où tu botterais bien quelques derrières.
Mais ces sentiments vengeurs sont bien éphémères, après chaque difficulté, on est récompensé de nos efforts par des paysages incroyables où, comme pour notre première pause, des baignades dans de petites cascades rafraichissantes. Ca nous donne en plus l'occasion à chaque fois de comparer nos tilleuls à antoine et à nous comme quelques grammes de finesse dans cette journée de gros cubes.
A chaque arrêt, les paysants ou les enfants des paysants qui passent par là semblent tout surpris de nous voir mais comme personne n'oublie de sourire toutes dents dehors quand il y en a, tout se passe dans des poignées de mains et des courbettes.
Comme un dessin ou une photo vaut mille discours, et comme rien de vraiment notable hormi ce qui s'offre à nous de merveilles n'est arrivé (on est toujours vivant), je vous laisse vous repaitre des photos de la journées, qui je vous préviens, vont vous éclater la rétine!!
Le soir, on est de retour au village pour une soirée à nouveau passée à quatre. Il faut dire qu'on forme une sacrée bonne équipe donc on ne se prive pas.
C'est par un nouveau passage au bar que la soirée se termine à pas d'heure, on rentre à la maison mort de rire de cette journée de poussière. Quant au lendemain, c'est pas gagné qu'on sache à quoi ressemble le matin...
Le lendemain, on commence à avoir nos petites habitudes à Sapa. On a notre repère pour les petits déjeuners, pour boire des coups en fin d'après midi, pour dîner et pour finir de se calmer la soif jusqu'au milieu de la nuit.
Le rendez-vous avec Antoine est fixé à 14h ce qui nous laisse largement le temps de nous lancer avec précaution dans cette nouvelle journée ensoleillée. En plus, ça laisse le temps à Antoine de savoir quelle route on va prendre car, à l'inverse de la veille, aujourd'hui il nous emmène là où il n'a jamais foutu les pieds. Tout un programme fait de glissades et d'inconnu en perspective...
Et pour cause... Le chemin n'en est plus un... C'est le lit d'un torrent qui est assèché qu'il faut s'échiner à remonter!! Et comme notre moto c'est le même veau que la veille, je vous raconte pas la partie de plaisir... Il y a même des endroits où je sais d'avance que je ne pourrais pas en venir à bout à moins de me téléporter. Je laisse donc ma place à Dani qui, avec ses grandes cannes, peut littéralement courrir assis sur la moto ce qui aide grandement à franchir tous les rochers qui jonchent le chemin et nous permet une nouvelle fois de nous taper sur les cuisses tant son style partage le même genre d'accadémisme qu'un richard Gotainer en costume orange, vert et violet.
Quand il arrive en haut quand même, les rires laisse la place aux félicitations et aux remerciements. Moi, j'y serais encore!!
D'ailleurs, c'est tellement vrai qu'au moment où je reprends possession de ma machine, celle-ci, sans doute perturbée par les changements de chauffeurs, fait sa caractérielle et n'avance plus d'un pouce. On peut encore la démarrer mais il est franchement impossible d'enclencher quelque vitesse que ce soit.
C'est la tuile, je suis en panne au milieu de nulle part.
Et on a beau essayé de réparer avec le kit fournit à cet effet, on arrive à rien même pas à ouvrir le bloc moteur. Il faut dire que c'est loin d'être évident de dévisser des vis rouillées avec un tournevis en plastique qui ferait même rire un enfant de trois ans...
Je décide donc de rester auprès de mon destrier éclopé pendant que les autres vont s'efforcer de faire venir un mécano jusque là. Je les regarde donc partir en espérant les revoir sous peu et ne pas avoir à dormir dans la montagne.
Ensuite, je m'installe une petite couchette sur un coin d'herbe avec une vue imprenable sur la vallée et passe l'heure qui suit à regarder les villageois rejoindre leur maison à des kilomètres de là dont il me propose la visite si ma situation ne s'arrange pas d'ici à la fin de la journée.
Mais on en arrivera jamais à cette extrèmité, après cette heure d'attente apaisée plus que fébrile, Dani, Jo et Antoine reviennent avec dans leur suite, un viet qui n'aura besoin que d'un coup du même tournevis que nous pour remettre ma titine sur les bons rails. Merci monsieur!!! Victoire!!!!
Après, tout est facile. Ca dépote dans tous les sens.
Ca dépote même tellement que je manque de rater un virage dans l'excitation enfièvrée de mes retrouvailles avec la vitesse. Chaleur finalement sous controle, mais chaleur quand même!
Au final, avec toutes ces péripécies d'ordre mécanique, il est vite temps de rentrer au bercail. Sur le chemin du retour, Antoine nous arrête chez une de ses collègues qui nous accueuille quasiment comme ses fils. Et comme elle travaille comme Antoine dans un hotel onéreux de la ville, son anglais est parfait ce qui nous permet, enfin, d'avoir une vraie conversation avec un local. Ca fait du bien!! Il aura fallu deux semaines!!!
La soirée est comme une douce routine. On se fait exploser la panse et on enchaine les allers-retours aux toilettes pour soulager des vessies qu'on ne cesse de remplir. Seul fait notable dans cette frénésie d'ingestion, c'est la première fois à Sapa qu'on fait la fermeture du bar ce qui n'est pas un mince exploit car celui-ci ferme ses portes une fois et une fois seulement que le dernier client quitte les lieux. Et comme ce soir, les derniers clients, ce sont bibi et les zozos...
Au réveil, il avait d'abord été question qu'on quitte Sapa mais comment voulez-vous qu'en se couchant à 3h du matin, on soit de bon pieds bon oeil pour se fendre de 200 km sur les routes vietnamiennes?
Le réveil de 8h30 s'est donc de lui-même transformé en un réveil de midi ce qui est très digeste et très confortable pour mon organisme de marmotte. Le temps de se faire beau et propre et on part avec Dani et Jo faire une petite ballade motorisée dans les rues de Sapa armés de nos appareils photos. Mais aujourd'hui pour les photos, ce n'est pas l'idéal, le ciel est menaçant et on a vite fait de rentrer à la base et achetant au retour un kit de raquette de badminton avec l'espoir que si le ciel ne nous déverse rien sur la tête, on puisse faire un minimum d'effort en courant derrière le volant.
Et alors qu'on est rentré, comme la pluie ne tombe pas, je pose l'appareil photo et on fait quelques échanges rapides, freinés qu'on est dans notre élan par un matériel de fortune. Tous les deux coups de raquette, les volants au lieu de rebondir sur le cordage le traverse de part en part, ce qui n'est pas très pratique...
Constatant la défaillance, on arrête là les efforts et on retourne à la chambre. On en est sorti peu après par Antoine qui nous rejoint et nous propose de nous joindre à lui pour boire un pot sur le marché avec tous ses potes locaux et expatriés. Pas la peine de nous le demander deux fois, glou glou, c'est tout nous!
L'après-midi file donc paisiblement, à tel point que je m'ennuie un peu pour dire la vérité. On en a tellement bavé pour arriver jusqu'à Sapa que je ne me vois pas ne rien faire jusqu'au lendemain pour le grand départ. J'enjoins donc Antoine pour un tour en moto. Pas la peine d'insister beaucoup, il est le seul à avoir des fourmis dans les cylindres.
Une fois casqués, on redescent plein pot dans la vallée jusqu'au bord d'une petite rivière. Là, sur la rive se trouve un restaurant dont Antoine est un habitué. Il lui faut aller dire bonjour. On descent donc de selle et alors qu'on rentre dans l'établissement, l'orage commence à gronder, la pluie à se déverser en de grosses gouttes. On a finalement bien fait de s'arrêter, on a pensé à rien au moment de partir et on ne s'est chargé de rien.
On s'abrite donc sous un grand parasol en se faisant servir de grandes assiettes de victuailles. impossible de se laisser mourir de faim à cause de trois gouttes!!
L'averse ne dure finalement qu'une trentaine de minutes, c'est pas grand chose mais assez quand même pour qu'on décide de rentrer des fois que ça recommence. Dans la montée, je suis une nouvelle fois dans mon élément, j'enchaine les virages et sème l'ami molette. A l'arrivée, en vingt cinq minutes d'acrobaties, j'ai cinq minutes d'avance sur mon deuxième. Pas mal...
Je retourne à l'hotel en promettant à antoine un dernier verre le soir même. Là, je retrouve Jo et Dani qui ont un étrange sourire béat sur le visage.
- Qu'est ce qui se passe les gars, vous me faites peur à sourire comme des clowns sanguinaires.
- Tu devineras jamais quoi!
- Quoi alors?
- On discutait peinard avec une femme qui voulait nous vendre des sacs et la conversation allant, elle a bien compris qu'on ne lui achèterait rien. C'est le moment qu'elle a
choisi pour sortir l'artillerie lourde!!
- Mais encore?
- Regarde ça!!
Là-dessus, Jo me tend un petit paquet rempli d'une espèce de pate à modeler noiratre et daubante.
- C'est quoi?
- Putain mais t'es neuneu?!? C'est l'opomme!! On se fait ça ce soir?
- Ca se pourrait si vous arrivez à me convaincre ce qui ne devrait pas être trop dur...
On s'est donc évertué à ne pas sauter directement à pieds joints dans notre expérience psychotrope du jour. On a filé se raffraichir la tête autour d'un bon dîner avant de partager une dernière bière avec Antoine qui méritait bien ça. Et on a fini par rentrer à la chambre vers 21h.
Traditionnellement, la meilleure façon de déguster l'o-pomme c'est de la déguster avec une bonne pipe. Mais de bonne pipe on est pas propriétaire alors ne nous reste qu'un choix. Gober directement la pate.
On se lance tous les trois en même temps comme des nageurs entameraient une course de façon synchronisée, chacun sur son plot. 1, 2, 3, mangez!!!
Première impression, le gout est vraiment dégueulasse, c'est comme manger du goudron gluant.
Deuxième impression après un quart d'heure, rien ne se passe. Deuxième et dernière tournée. De toute façon, après il y en a plus... 1, 2, 3, re-mangez!!
C'est toujours aussi infect et on se pose chacun sur son lit en attendant de voir si la mer rouge va s'ouvrir devant nos yeux ébahis. Durant cette attente interminable, un éclair de lucidité me foudroye : qu'est ce que j'ai foutu de mon appareil photo??????? Je me souviens l'avoir posé quand on a commencé à jouer au badminton mais depuis plus rien... C'est le néant...
Intense moment de stress exactement quand tout ce que je souhaitais, c'était le plus de calme et de sérénité possible pour ouvrir la porte à de toutes nouvelles sensations. Quel timing!! Dans mon angoisse, je descends les marches de l'hotel et me mets à chercher partout autour mais rien. Nulle part. L'appareil photo, envolé. La sérénité, pareil. Dans ma tête, je n'ai pas assez de mots pour me traiter de tous les noms!! Je file ensuite à la réception de l'hotel pour éventuellement savoir si quelqu'un l'aurait déposé mais tout le monde dort déjà.
Bordel!! Il est 22h et tout le monde roupille!! Dans quel monde de lève-tôt on vit??
Résultat, il va être impossible que je me calme jusqu'au lendamain et la confirmation de ma stupidité. Et l'o-pomme dans tout ce bordel? J'imagine qu'avec tous ces soubresauts, je suis pas près d'avoir des visions!!! Et pour les autres c'est pareil, à peine une vague sensation de planer, on aurait mieux fait de rester au bar!!
On finit par s'endormir sans en savoir finalement plus sur les vertues de l'o-pomme et sans être beaucoup plus avancé quant à ma saloperie d'appareil photo. Vous avez dit bonne nuit? Au moins comme le réveil est branché à 6h30, les certitudes concernant la caméra devrait être vite levées...
Je préfère te laisser dans ce nouveau suspense irrespirable que de te dévoiler tout de suite la suite.
Si tu veux à ton tour t'apaiser, je te laisse découvrir sur A fleur de Terre les photos et vidéos de Sapa qui sont, je pense, parmi les plus réussies de tout le voyage ce qui n'est pas une mince affaire.
Et toi, qu'est ce que t'en penses?