Bonjour Sapho,
Mab en a inspiré plus d'un, j'avais aussi écrit celui-ci il y a longtemps.
Ce n'est pas à la même heure du jour. Et je n'ai pas non plus ressenti la même émotion que toi. Et pourtant, Mab reste une parenthèse différente et attachante.
Je regrette de n'avoir pas fait l'effort d'aller sur la plage à la nuit tombante mais, avec ton texte mon imagination..euh... imagine
Le soleil cogne, je garde mes sandales, le sable brûle, cendre blanche sans fumée.
Je regarde où je mets les pieds même si les étrons du matin sont maintenant blanchis comme des os de mouettes..
Enfin le sable fonce et durcit, humide et frais je m’assois, abrutie de chaleur.
Je m’étreins, les bras autour des genoux et le menton calé, j’observe mollement.
Les cars ont déversés leur cargaison foisonnante de touristes indiens. Ils viennent du Nord, du Centre et n’ont jamais vu l’océan. Des grappes de femmes en saris chatoyants glapissent et gloussent, trempant leurs pieds aux chevilles grelottantes de bracelets. Quelques maris, cousins, frères font tomber leur pantalon et s’élancent vers l’eau métallique en slip marron informe ou caleçon tout aussi marron et informe. Ils tapent l’eau en gerbe avec la même vigueur qu’ils ont eu à pousser pour prendre leur place dans le bus.
Une école caracole sur la plage. Enfants en uniforme sage, fillettes aux tresses ointes attachées de ruban rouge ou vert selon la classe. Les garçonnets en chemisette blanche délacent leur chaussure et courent vers l’eau.
A peine quelques minutes et les institutrices frappent dans leurs mains dévoilant dans le geste des ventres mous qui ont déjà enfanté. Obéissants les gamins se rassemblent sans rechigner et déjà repartent.
Quelques chevaux montés par des cavaliers arrogants et fiers paradent et proposent une promenade en croupe.
Des femmes accroupies devant des braseros de fortune offrent pour une pincée de roupies des petits poissons rougis d épices et grillés. Il faut les sucer comme des bonbons et d’une dent précautionneuse arracher quelques brins de chair où accepter de les avaler d’un coup rapide tant les arêtes minuscules emplissent la bouche d’un jus piquant.
Assis sur leurs talons calleux des hommes aux longis qui furent blancs mettent en bon ordre les mêmes souvenirs en coquillages que l’on trouve sur nos plages de
France. Certains ont tendu entre deux piquets de bois un parasol de plastique.
L’après midi est immobile, temps suspendu dans la chaleur écrasante. Il n’y a pas de bouées gonflables multicolores, pas de serviettes bigarrées entre lesquelles il faut naviguer, pas de corps huileux affalés, pas de parents énervés, pas de jeunes filles montrant leurs fesses rebondies et musclées, retenues par de fragiles ficelles, pas de radio crachant des décibels de musique discordante. Pas de seau et de pelles et pas de pâtés et château de sable. Pas de ballons frôlant les têtes.
Il n’y a rien : des éclats de rires, des claquements d’eau, du crottin, une mer étincelante, des vaguelettes qui viennent mourir en chuintant. Des cotonnades de fêtes emmaillotant des femmes brunes qui rient de l’instant de liberté, des bébés enfouis sous un pan de sari qui têtent indifférents et goulus.
Je retourne dans les rues qui résonnent de l’aube au crépuscule du marteau des tailleurs de pierres.
Dom.