De la plus tendre enfance
Le griot (
jeli) est avant tout un "maître de la parole" et donc de la tradition orale, de la mémoire historique et mythique de peuples qui n'ont pas pratiqué l'écriture jusqu'à une date récente. Même si le mot "griot" est devenu pour beaucoup synonyme de "musicien", c'est bien à tort, car un bon nombre de griots ne pratiquent ni le chant ni aucun instrument, ou bien ne le font que dans des cas exceptionnels. Néanmoins, il y a bien entendu des griots-musiciens (et des griottes-musiciennes) notamment au
Mali et en
Guinée. Il existe toujours un peu partout des "villages de griots" (p.ex. concernant le Mali, les villages de Kela et de Kita au sud du pays) qui fonctionnent comme de véritables conservatoires musicaux, doublés d'ateliers de facture instrumentale. On trouve aussi dans les villes, en général près des grandes mosquées, des cours et même des rues où n'habitent que des familles griots-musiciens...
Même aujourd'hui, beaucoup de familles de griots qui pratiquent la musique, estiment qu'il est un devoir (obligatoire) pour leurs enfants d'être érudits en l'art des griots quoique l'appartenance à une famille n'implique pas (ou plus) qu'on le devienne absolument : ça devient de plus en plus un choix qu'un devoir. Les compétences de la performance et les connaissances du répertoire musical sont ramassées au sein de la famille élargie, et des évènements comme les mariages et les baptêmes sont le contexte principal de la performance, à l'exception de la télé et de la radio. Cependant, les principes fondamentaux restent inchangés : au cours de l'apprentissage du métier de griot, l'enseignement porte essentiellement sur la théorie musicale et la pratique du jeu instrumental qui sont directement liées. Au Mali, il y a deux écoles de musique publiques, et la musique ne fait pas partie du programme scolaire. Dans des villes comme Bamako, de nombreux enfants de griots apprennent la musique en imitant des enregistrements audio et vidéo. Les filles ont tendance à se spécialiser comme cantatrices, tandis que les garçons apprennent à jouer d'un instrument, que ce soit la kora, le ngoni, le balafon ou le tama.
Film I : Da kali – Rester fidèle à l'art des griots
Ce film, tourné sur place entre 2009 et 2012, suit les enfants de quatre célèbres familles de griots au sud du Mali. Et le tout premier à avoir documenté le processus de l'apprentissage musical des enfants au Mali. Un film de Lucy Durán (SOAS,
Londres), édité par Michèle Banal.
Rokia Kouyaté, fille de 12 ans, est désignée pour apprendre le style lyrique de son célèbre grand-père, le chanteur Kassé Mady Diabaté. Elle se produit sur les fêtes de mariage et pour une compétition télé populaire. Le petit
Thierre Diarra, 4 ans, est déjà sur le chemin de devenir un virtuose de djembé, en suivant les traces de son père Adama.
Salif Diabaté, 10 ans et neveu du maître de la kora, Toumani Diabaté, s'applique à apprendre la kora, et les sœurs
Saran et
Ami Kouyaté, 7 et 5 ans, sont instruites dans les chants de griottes par
Bako Dagnon, une des divas du Mali.
Le documentaire donne un aperçu de la façon comment la vie urbaine, la mondialisation, le manque de soutien institutionnel pour la musique – une musique presque millénaire car elle a sûrement précédé la fondation de l'empire du Mali –, ont un impact sur la transmission de cet art par les griots à travers les générations. Mais il met également en évidence la détermination de la toute jeune génération pour le célébrer et encourager sa pérennité...
Film II : Dɔ farala a kan – On y a ajouté quelque peu
Ce film se penche de façon plus détaillée sur les idées autour de ce que constitue un progrès musical. Le guide dans le film est
Lassane Diabaté, virtuose de balafon, issu d'une longue lignée de joueurs de balafon en
Guinée, qui vit aujourd'hui à Bamako. On suit le progrès musical des enfants de deux grandes familles prestigieuses, représentant deux traditions régionales distinctes: le
balafon de
Niagassola (
Guinée), et le
ngoni de
Ségou, une des villes les plus riches en traditions au Mali.
D'abord, on passe du temps avec la famille de
El Hadj Sékou Kouyaté : son fils,
Fanta Mady, est, comme beaucoup d'autres joueurs de balafon (p.ex. Kèlètigi Diabaté), un guitariste magistral, un autre fils,
Janguiné, est chanteur. Tous les deux se sont installés à Bamako où ils sont des musiciens très occupés, et les deux ont intérêt à transmettre la tradition du balafon à leurs jeunes enfants, qui sont intéressés par l'apprentissage, mais il y a beaucoup de distraction, de plus, du talent n'est pas toujours la clé pour progresser.
Au deuxième chapitre, on rend visite à la famille de
Bassékou Kouyaté, virtuose de ngoni et star internationale. Bassékou se comprend comme innovateur musical de l'art des griots et représente la riche tradition bambara de Ségou. Certes, le ngoni, un luth ouest-africain, joue un rôle central dans cette famille, l'accent est mis sur la façon dont les nombreuses filles dans la famille, âgées de 4 vers le haut, apprennent l'art du chant et de la danse, à la fois dans Bamako et Garana, un village dans les environs de Ségou où a grandi Bassékou et où la plupart de sa famille vivent encore. A Garana, on voit les filles apprendre à chanter ces grandes pièces du répertoire bambara et les présenter, accompagnées par les battements de mains des filles/jeunes femmes, les
tɛgɛrɛ tulonw, qui sont en train de disparaître...
>>> http://growingintomusic.co.uk/mali-and-guinea-music-of/films-of-growing-into-music.html
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