1er septembre :
Une journée rapide à raconter. Je décolle au lever du jour, je termine la House Rock Valley road. Rapide passage sur l'asphalte de la US89, puis je m'engage sur la Cottonwood Canyon road afin de me rendre aux Wahweap Hoodoos. Le chemin est long et il y plusieurs embranchements à négocier pour rejoindre le parking ou ce qui en tient lieu.
Je suis scrupuleusement les indications de "Photographing the southwest". Absorbé par mon plan, je sors de la piste un court instant. Je donne un brusque coup de volant pour y revenir et j'entends un gros choc venant du dessous de caisse.
Oups...
Je stoppe vérifier qu'il n'y a pas de dégâts. Manque de bol, il y en a des dégâts. Le gros caisson de l'arrière qui protège le réservoir et prolonge le pot d'échappement est complètement remonté. Merde et remerde !
Je décide tout de même de poursuivre mon chemin – comme quoi la lucidité n’est pas une qualité susceptible de faire de sensibles progrès en l’espace de 24 heures quelles que soient les circonstances ! - mais je finis par buter sur un wash infranchissable. De l'autre côté se dresse un vrai mur de sable qu'il faut gravir pour retrouver la piste. Impossible avec ce véhicule. Je repars dans le sens inverse et rentre à Page.
Je file droit à l'aéroport en espérant trouver une agence de la bonne marque. Mauvaise pioche. Aie, il va falloir régler ça par téléphone... Par chance, je déniche un pilote désœuvré qui trompe l’ennui derrière son comptoir et je lui explique mon affaire. Il accepte de passer le coup de fil à ma place. Il négocie longuement avec mon loueur et m'annonce qu'on va me livrer une nouvelle voiture depuis
Flagstaff dans 4 heures maximum. Il ne me reste plus qu'à patienter. En attendant, je nettoie ma Jeep pour en faire disparaitre les traces de terre rouge.
Quelques heures plus tard, on me livre une berline Chevrolet Impala. Plus de 4X4 à
Flagstaff. Les nuits dans la voiture, on oublie. Et les pistes prévues pour cette deuxième partie de voyage aussi. Le moral est au plus bas. Je passe le reste de la journée à... à quoi au fait ? Quelques mois plus tard, j’ai du mal à me souvenir de ce que j’ai fait durant cette journée.
Je prends une chambre chez Lulu Sleep Ezze pour la nuit. C'est un endroit sympa. Le soir venu, Lulu réunit tous ses clients autour du barbecue. Je me retrouve avec un jeune canadien, son oncle américain, et deux allemands trentenaires. Plus tard nous rejoignent deux couples, également germaniques, d’une cinquantaine d’années. Très sympa, ceux là. Non que les autres ne le soient pas mais j’accroche mieux avec ces derniers.
2 septembre :
Le lendemain, je me pose la question de retourner à
Vegas pour changer de véhicule. Je renonce à cette idée parce qu’elle me ferait perdre une journée entière pour laquelle j’ai un permis d’accès aux Coyote Butte South et parce que je sais la House Rock Valley road praticable avec une berline.
En avant pour Buckskin Gulch, le plus long slot canyon du monde. Près de 25 kilomètres de long, entre 1 et 5 mètres de large selon les endroits. Qui dit mieux ? On y accède en se garant au même parking que pour
The Wave, à peu près à mi- chemin sur la House rock valley road que mon Impala a avalé sans problèmes.
Je croise d'autres visiteurs sur le parking. Les rangers les ont prévenus que certaines parties du canyon risquaient d'être inondées à hauteur de1m50. Cela va se révéler très exagéré car seul un court passage m'obligera à me mouiller et seulement jusqu'aux genoux. De la rigolage après mon aventure dans Sand Cove
N'empêche, l'endroit est bigrement impressionnant ! Agréablement frais, étrangement silencieux, avec des couleurs de feu qui dégringolent depuis le haut de la falaise jusqu'au fond du gouffre.
Je regrette de ne pas avoir pris mon trépied car l'obscurité rend les prises de vue compliquées
Les contrastes aussi sont particulièrement violents. C'est un lieu grandiose et magnifique mais difficile à appréhender pour un photographe amateur.
A ne pas conseiller aux claustrophobes, cependant. Et à surtout éviter en cas d'orage menaçant. On imagine alors quel piège fatal deviendrait cet interminable boyau.
Il faudrait une très longue journée pour parcourir Buckskin Gulch de bout en bout, et aussi un véhicule qui vous attende à l'autre extrémité, 25 kilomètres plus loin. Heureusement, 4 heures « round trip » suffisent pour en avoir un bon aperçu. Je croise les deux personnes avec qui j'avais échangé quelques mots sur le parking et qui m'avaient averti pour les inondations. Nous nous étonnons ensemble du peu de fiabilité des renseignements fournis par les rangers. Il semble que ceux-ci se montrent volontairement alarmistes afin de décourager d'éventuels imprudents.
Je décide de continuer à m'enfoncer encore un peu. On perd assez vite tous ses repères dans ce genre d'endroit.
Je rebrousse chemin afin de retrouver le parking vers midi. Je repasse par les mêmes endroits qu'à l'aller mais l'orientation différente du soleil donne l'impression de traverser des lieux inédits. Certains passages, sans reliefs une heure auparavant, prennent à présent des teintes fantastiques.
Puis je retrouve à la fois le wash et le soleil brulant de l'
Arizona. Une demi heure de plus et je suis de retour près de ma voiture.
Après un repas à l'ombre et un peu de repos, je reprends la House Rock Valley road vers le sud. Cet après midi, j'ai prévu d'aller visiter Paw Hole, la partie la plus proche des sublimes Coyote Buttes south. C'est également une zone "à permis". J'ai acheté le mien sur internet 3 mois auparavant. Pas de loterie car les amateurs sont moins nombreux du fait de l’extrême difficulté d’accéder à ce site.
Si j'en crois mes souvenirs d'il y a deux ans, cette partie de la House rock valley road est relativement praticable. Mon Impala devrait pouvoir s'en sortir. Sur le chemin, je traverse avec précautions deux ou trois wash qui me tirent quelques frissons.
Finalement, j'arrive sans encombre au bas du chemin qui mène à Paw Hole et je me gare. Impossible de monter cette piste piégeuse de sable mou avec mon véhicule actuel. Je ne m'y serais sans doute pas risqué non plus en 4X4. D'autres que moi, plus expérimentés, s'y sont plantés.
Mon sac sur le dos, je me lance dans la montée. 5 kilomètres de montée dans le sable m'attendent. Mais bon, je m'y suis préparé psychologiquement. A mi chemin, j'ai la surprise de croiser un véhicule. C'est Steve, de Paria Outpost, qui revient avec des clients. Il me reconnait. "Good to see you !" me lance t-il. Il s'inquiète de savoir si j'ai assez d'eau et de nouriture sur moi, m'assure qu'il m'aurait pris à bord s'il avait été dans l'autre sens. Je le remercie et le rassure. Je sais où je vais et j'ai de quoi boire et manger.
J'arrive enfin à Paw Hole. Ca été moins pénible que je le pensais. Il faut maintenant que je gagne la partie nord du site, celle avec les couleurs et les striations les plus remarquables. C'est entre deux et trois kilomètres plus loin selon le chemin qu'on emprunte.
Fidèle à moi-même, je ne vais pas choisir le plus direct. L’idéal serait de prendre à gauche pour contourner la partie sud de Paw hole. Je choisis de bifurquer sur la droite ce qui m'amène à slalomer une bonne heure entre les Teepees avant d'apercevoir enfin la zone en question.
Je descends dans la petite vallée qui me sépare encore du Graal. Ca semble loin mais une dizaine de minutes de marche me suffiront. La encore ça tombe bien parce que je commence à être rincé. Mais comme à chaque fois que j'arrive sur un site magique, la fatigue s'envole miraculeusement. Ne reste plus que l'exitation de la découverte et le bonheur d'être là.
Les couleurs du slickrock sont éclatantes sous le soleil de cette fin d'après midi. Dire que j'ai failli abandonner il n'y a qu'un petit quart d'heure de ça, quand je désespérais de trouver mon chemin au milieu des Teepees.
C'est un régal de se promener dans ce lieu, l'un des plus beaux que j'aurais vu cette année. Peu de gens le connasisent du fait de sa situation, très éloigné des premiers contreforts de Paw Hole. Même les guides de Paria Outpost n'y viennent pas.
Je repars en fin d'après midi avec la conscience d'avoir vécu une journée extraordinaire, d'autant plus inespérée après le désastre du jour précédent. Néanmoins, plus de 7 kilomètres de marche dans le sable me séparent encore de ma voiture. J'emprunte le chemin que j'aurais du suivre à l'aller, en contournant les teepees par l'ouest. Mieux vaut tard que jamais...
Il me faut près de 2 heures pour rejoindre ma voiture. Je décide de revenir sur Page par le sud et l’US89A et c'est une bonne idée car cette partie de la House Rock valley road se révèle très roulante. Heureusement car la nuit ne tarde pas à tomber.
Je suis à Page vers 21h00 et je n'ai pas encore de chambre. Coup de bol, le jeune proprio du Daisy's n'a pas trouvé preneur pour son appart de trois chambres et me le laisse pour 50$ ! Puis, il m’invite à utiliser son portable qu’il laisse en permanence sur la table devant son logement pour envoyer quelques mails. Sympa. Enfin une journée qui finit bien...
3 septembre :
Je ne suis pas pressé ce matin. La débauche d'énergie de la veille m'a mis à plat. Je prévois donc de rester tranquille.
De toute façon, les autres spots que j'avais prévus dans la région sont hors de portée sans un véhicule approprié. Adieu Yellow rock et Alstrom point. Pour une autre fois, j'espère...
Je me dirige vers ma énième visite à Horseshoe bend. C'est un point de vue dont on ne se lasse pas. L'un des endroits les plus vertigineux que je connaisse. Je tourne un peu autour du site en attendant que la lumière atteigne le fond du cirque.
Puis je file en direction d’Old Paria. La piste qui y conduit est, là encore, praticable avec une berline.
Il s'agit d'un paysage de
badlands colorés aux pieds desquels se trouvaient les ruines d'un vieux décor de cinéma. Une ville de western qui a brulé voilà quelques années. L'endroit reste chouette. De toute façon, même si la ville avait encore été là, je ne me serais pas risqué pas à descendre au fond avec mon Impala.
Midi. Je rentre déjeuner à Page.
Pas grand chose à mettre au crédit cet après midi. Une ultime et vaine tentative pour trouver une location de véhicule tout terrain qui me permette de me rendre à Yellow rock.
Je passe la seconde partie de l'après midi à la plage. Il s'agit en fait d'une crique rocheuse proche du barrage. L'endroit m'a été indiqué par le proprio de mon dernier motel. Fantastique. La meilleure baignade de ma vie. L'eau est claire, douce et chaude. Voilà qui clôture mon séjour à Page pour cette année.
4 septembre :
C’est encore une journée bien remplie qui m'attend. La matinée sera consacrée à Cathedral Wash, dans la région du Marble Canyon qui prolonge le
Grand Canyon vers le nord, et l'après midi au "White and Red canyon" dont je n'indiquerai pas la localisation.
Je commence par une courte pause au
Navajo bridge (celui de droite) qui enjambe le
Colorado sur la US89A en surplombant le Marble canyon.. Juste derrière, il y a un petit visitor center où à été tournée une scène du film "Restons groupés", avec Samuel Le Bihan, Emma De caunes et Bruno Solo.
Je poursuis ma route en direction de Lee's ferry ou on peut admirer quelques "mushroom rocks" et me gare sur le parking, près de l'accès au Wash.
Je ne suis pas seul puisqu'un gros trailer me rejoint. Un trio de randonneurs du dimanche en descend et se prépare à partir, tongs aux pieds. Peu probable de les voir aller au bout de la ballade avec ça.
Le début est simple. On se contente de progresser au fond d'un Wash aux parois déchiquetées.
Puis, vers le milieu de la ballade, les choses se compliquent à mesure que le canyon se resserre et il faut vraiment se donner du mal pour trouver le bon passage. D'autant qu'au fond du wash se prélassent ces petites piscines d'eau sale dont je connais à présent les effets fort peu relaxants.
Heureusement que de petits cairns savamment disposés facilitent la progression.
Puis le canyon s'élargit brusquement, comme si les murailles tombaient, et c'est la récompense : l'arrivée devant le
Colorado.
Une petite plage cerclée de rochers permet de se délasser en regardant passer les rafts remplis d'apprentis aventuriers qui s'en vont descendre le fleuve, pour certains pendant plusieurs jours. Une bonne partie d'entre-eux se demandent certainement comment je suis arrivé là.
Puis c'est le retour, forcément plus rapide que l'aller.
Je ne donnerai aucune indication sur la route suivie pour gagner ma prochaine étape. Il s'agit de l'étonnant "White and Red canyon". Tous ceux qui l'ont trouvé s'engagent à ne pas dévoiler sa situation géographique, ceci afin d'éviter un déferlement de visiteurs qui risquerait de pousser les indiens à clôturer toute la zone.
Une piste de 15 miles à travers le désert mène au White and Red canyon. A la vitesse où l'on roule sur ce genre de surface, c'est une très longue distance. De plus, comme je n'en connaissais pas l'état, je craignais que le terrain ne soit trop rude pour mon Impala et que je me voie obligé de rebrousser chemin.
En fait, seule l'arrivée est délicate, lorsqu'il faut descendre au fond du canyon. La pente est vraiment raide, très sablonneuse, et j'ai un peu peur d'avoir du mal à la remonter. Alors je stoppe à mi-chemin, j'embranche la marche arrière et je retourne au sommet. Et ça passe !
Si je suis remonté en marche arrière, je devrais également pouvoir le faire en marche avant. Je repars donc avec l'esprit plus tranquille dans la descente.
Je ne vais tout de même pas tenter le diable en traversant le large et profond wash qui sépare le canyon. Je me gare un peu avant, en tachant de camoufler ma voiture du mieux possible derrière quelques fourrés. Il arrive que les indiens qui surprennent des visiteurs sur leurs terres s'en prennent aux véhicules et ça m'étonnerait que l'assurance fonctionne si je ramène une carrosserie criblée de plomb.
C'est un vrai four ce canyon. Je m'en rends compte mais ça ne me gène pas du tout tant je suis content d'avoir trouvé cet endroit qu'assez peu de non indiens ont eu le privilège d'admirer.
Il y a aussi l'appréhension de me faire surprendre et je ne peux m'empêcher de jeter de fréquents coups d'œil derrière moi, vers le sommet du canyon, m'attendant à tout instant à voir surgir un pick-up rempli de braves animés à mon égard des plus funestes intentions.
Je commence par arpenter la zone est dont la formation appelée "the Family" constitue la figure de proue
C'est aussi dans cette partie que se situent ces étonnants amas de rochers rouges striés de blanc.
Le site, très vaste, est disposé en cercle et forme un immense amphithéâtre au milieu duquel je déambule lentement à la recherche des plus curieuses formations. On jurerait parfois que
Salvador Dali lui-même est venu ici puiser son inspiration.
Je quitte le site deux heures plus tard sans avoir été surpris par les autochtones. Soulagé mais content. J'aperçois au loin un pick-up qui roule sur la piste devant moi en laissant derrière lui une colonne de poussière. Je ralentis pour éviter de le rattraper. C'est plus prudent...
Flagstaff, ville étape sur la route du
Grand Canyon, sera mon étape pour la nuit mais il me faut des heures avant d'y arriver.
Heureusement la route est large et belle.
La nuit est bien tombée lorsque j'arrive à destination. Il me faut choisir un motel. La fatigue de cette journée me fait faire le plus mauvais choix possible : un petit motel en bord de route tenu par des Pakistanais très souriants. Trop, sans doute. J'aurais dû demander à voir la chambre avant de payer comme l'ont fait juste avant moi un couple d'Américain fort avisés.
Odeurs écœurantes, moquette moisie, peinture écaillée, tuyaux qui sortent des murs et j'en passe. Heureusement, les draps sont propres, quoique rêches.
Certainement le pire endroit de toute l'histoire de l'hôtellerie !
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