Septembre 2017. Je pars pour un voyage de l'Atlantique à la Mer Noire exclusivement en TRAIN, en traversant la
Suisse, l'
Autriche, la
Slovénie, la
Serbie et la
Bulgarie jusqu'à
Varna. Départ de la maison, une demi-heure de marche au trot jusqu'à la gare. Pas porté de sac à dos depuis des années. J'arrive en sueur à la gare. C'est la canicule cette fin d'été. Mon tee shirt est trempé. Première difficulté dérisoire et première pensée : le voyage est un inconfort. Se mettre dans un contexte d'inconfort et l'accepter, le dépasser. Mon tee-shirt va sécher sur moi-même, petit chauffage portatif autonome à la température stable de 37°.
Départ du Ouigo en gare de
Rennes, arrivée à Massy 1h30 plus tard. Et c'est la cohue vers la sortie. Dans un rythme effréné, des centaines de passagers piétinent dans la même direction comme un seul homme, comme poussé par une urgence. Le serpent des humains qui ont des choses à faire. Tandis que le serpent de métal qui nous a téléporté jusqu'ici reprend son chemin vers l'infini, juché sur ses deux rails. A la sortie de la gare, les distributeurs de billets de RER sont pris d'assaut, les files d'attentes s'étirent hors du bâtiment. Je les regarde quelques instants et... bifurque vers un café à 200m de là. Un type à l'entrée m'accueille en haut de l'escalier avec humour.
Je tourne ma cuillère dans mon expresso et me dit qu'il fait bien chaud pour partir en voyage ; d'autant que je m'oriente vers les pays du sud de l'Europe. Puis me vient cette pensée peut-être banale mais appropriée : si l'on attend les conditions idéales pour agir, pour partir, pour faire, on peut toujours attendre.
PARIS, auberge de jeunesse 8bd Jules Ferry, 21€ le lit dans un dortoir. Prix imbattable pour dormir dans la capitale. Accueil agréable et quartier sympa proche de République. On ne me demande pas de carte de la fédération des auberges de jeunesse.
Paris toujours aussi belle et toujours aussi polluée. Les yeux et la gorge me piquent un peu. J'achète un Ukulélé (but de cette escale à
Paris) dont mon sac à dos me servira de housse. Premières notes grattées dans la chambre vide de l'auberge. Nous serons quatre à dormir ici au final, âge plutôt dans la trentaine ou plus. Le soir je bois une Grimp à la terrasse du café à proximité. Après cette journée de chaleur à porter mon sac, les premières gorgées de bière fraîche sont un délice. La fenêtre de la chambre restera grande ouverte toute la nuit à cause de la chaleur, pour faire circuler un peu d'air. Sentiment de dormir allongé sur le boulevard, parmi les motos et les voitures qui ne cesseront de passer toute la nuit.
TGV
Paris Strabourg. Le son du train est homogène et doux, presque absent. Je me dis que le TGV c'est déjà le passé, un passé où l'on croyait que l'abolition du temps signifierait abolition de la finitude alors qu'elle n'est qu'effacement de la vie, où l'on croyait à l'avènement d'une classe moyenne supérieure aisée unique ayant accès à l'immédiateté dans un monde d'efficacité, de gain, de propreté fictive, de lignes droites, d'absence de sueur et de poussières. Je crois que la vitesse fait partie du passé. Quand on va vite, on se précipite, on est jamais là où l'on est, toujours à l'endroit juste après, jamais ici et maintenant. La vitesse c'est le refus de la vie, c'est le mouvement malade, c'est une illusion de puissance et de joie. Interdiction de bailler, de respirer, de somnoler et de penser. La vitesse abolit le temps et l'espace. Les personnes sont aspirées. Vite dans l'aspirateur, jamais plus inspirées, pas le temps. Aspiration contre inspiration. Combat entre les temps irréels (passé et futur) et le seul temps réel : le présent.
2ème nuit. Auberge de jeunesse de Lucerne en
Suisse. Fin de journée difficile, fatigué, début d'ampoules. Lucerne, ses charmes et ses légions de touristes me fatiguent. Avec mes ampoules je me traine jusqu'à la gare et achète un take away asiatique puis attends le bus pour me carapater à l'auberge. Là, 3 colosses russophones devisent et enfilent des bières autour d'une table sur la terrasse devant l'entrée. Je m'assois un peu à l'écart.
L'auberge
suisse est deux fois plus chère que celle de
Paris, les espaces d'accueil sont vastes mais les chambres sont étroites et sans lavabo. C'est l'inverse de l'auberge parisienne dont les espaces communs étaient minimalistes mais la chambre spacieuse et dotée d'un lavabo. Je partage la petite chambre avec deux étudiants de
Singapour, les feux sont éteints vers 22h mais dans le couloir des jeunettes de la chambre d'à côté sont surexcitées, hurlent, rient, claquent des portes, ne cessent d'entrer et sortir ; cela durera plus d'une heure. Le lendemain je retrouverais le sol des sanitaires des filles pavés de chips.
3ème jour. Départ le matin de la gare de Lucerne, changement à
Zurich, direction Villach en
Autriche à la frontière avec la
Slovénie. Le train est lent, longe un grand lac surmonté de montagnes dont les rochers affleurent au bord de l'eau. Par la vitre le spectacle est apaisant. Les sons du train sont agréables. Devant moi, deux femmes parlent doucement en mangeant des cracottes suisses. Puis le train accélère car nous quittons le bord du lac. Je décide de descendre à Wörlg une petite gare entourée de montagnes plutôt que de continuer jusqu'à Salzbourg. Le train que je prends à Wörlg ressemble à nos TER. Peu de monde, trois petits wagons seulement, climatisation bien dosée. Bonne intuition : ce petit train serpente entre les montagnes autrichienne. On s'arrête souvent mais le paysage est beau et je ne suis pas pressé. Petits villages typiques, chalets à flanc de montagne, forêts de conifère. Pour être franc, au bout d'un moment, je suis un peu las de ces fonds de vallées qui s'enchainent sans fin. Manque de perspective et de vision lointaine.
Villach. Bourg agréable avec un centre ancien piéton bien entretenu, son vieux pont qui enjambe le Drave. J'arrive en début de soirée. Après une bonne marche, je passe une zone mixte (industrielle et sportive) et trouve l'auberge de jeunesse à 2-3 km de la gare. 25€ la nuit mais l'auberge est "full" et je n'ai bien sûr pas réservé. Je ne réserve jamais à l'avance ni n'utilise de portable pour m'orienter. Je préfère improviser et demander mon chemin. Reviens vers l'hypercentre et trouve une chambre à 76€ dans un trois étoiles. Le type à l'accueil, très gentil, semble sorti d'une bande dessiné, c'est un petit gros avec une bouille et une voix sereine. Il n'est pas du tout speed, il prend le temps ce qui est très agréable. La chambre est pas terrible sur l'essentiel mais beaucoup d'efforts (finition, mobilier) ont été fait pour coller au standing de l'hôtel. Pas d'espace gratuit, fenêtre qui donne sur une cour étroite (odeur de cuisine le matin) et petit lit peu ferme. Sanitaires ok et grand écran (une chaîne en français). Le matin, petit déjeuner gratuit incroyablement varié, toutes une panoplie de salé et sucré, viandes, plats cuisinés, pâtisseries, fruits secs, céréales... Assis avec moi dans la salle, essentiellement des couples dans la soixantaine.
Départ de la gare de Villach. Train à 12h53 pour
Ljubjana. 17€. Train assez vieux, compartiments à 6 sièges dont certains sont rapiécés. Je partage un compartiment avec une femme croate d'environ 35 ans très sympa. On entame la discussion, je lui explique la nature de mon voyage. Je lui parle aussi de mon premier grand voyage en Asie en train ce qui suscite son intérêt et elle me pose pas mal de question. Elle a vu des reportage sur le train en
Russie ou en
Inde et je lui apporte un témoignage complémentaire venant de la "réalité". Son anglais est un peu meilleur que le mien mais nous sommes grosso modo dans les mêmes eaux ce qui fait que l'on se comprend bien. Le faible différentiel entre nos deux niveaux de langue favorise je crois la rencontre et sa durée. On pourrait presque dire que l'on se rencontre en voyage non pas affinité mais par niveau linguistique correspondant !
Lujbjana. Aucune idée à quoi ressemble cette ville. J'ai rapidement consulté quelques forums et m'attends à une grande ville un peu triste, de la pollution... En fait pas du tout. Après quelques minutes de marche depuis la gare, j'entre dans un secteur piétonnier et touristique avec déjà de beaux bâtiments aux façades colorées et entretenues. La ville me semble d'emblée très agréable, tout est à portée de main. A l'
office du tourisme je prends un plan et constate que ce n'est pas les hostels qui manquent. J'en trouve un dans l'hyper centre dans un grand immeuble ancien, composé de grandes pièces pas rénovées depuis des décennies. 15€ la nuit. Lujbajana est en fait une petite ville charmante, touristique, dont le centre est entièrement piétonnier. Les prix y sont déjà un peu inférieurs aux grandes villes françaises. Exemple de prix : 6€ une grande assiette très complète de falafels excellents, houmous, frites et crudités, 2,5€ le demi en terrasse de l'hypercentre, 1€50 le café allongé, 60cts une sorte de pain à la confiture. Dans les ruelles étroites, on croise beaucoup de vélos qui semblent les rois ici. C'est aux piétons de se pousser. J'arrive à un passage piéton, peut-être la seule rue ouverte aux voitures de l'hypercentre. Je vais pour passer (au rouge pour les piétons) mais une demoiselle slovène me déconseille en anglais ; elle me dit que je risque une amende si je fais cela.
Le lendemain, il pleut. Pendant une éclaircie je parviens à prendre un petit déjeuner à une terrasse. Je trouve un hostel un peu plus cher (21€) mais avec des espaces communs agréables. Une chambre plus petite mais mieux conçu, avec un box pour sécuriser le sac. Il va pleuvoir toute la matinée. Je vais monter au château, balade dont l'intérêt, en plus de faire fonctionner les jambes, est plus le point de vue sur
Ljubjana que le
château lui-même. Midi. Il pleut, je mange une assiette de poisson avec des pommes de terre cuisiné sur une table d'une vendeuse ambulante installé sur un marché, protégé par un pauvre parasol. Peu de monde sur le marché n'affronte la pluie. Mais je me régale. La vendeuse, très typée slave, corrige ma tentative de dire "merci" en slovène (khouala). En quelques minutes à pieds, je me rends au grand parc de
Ljubjana. On arrive vite après une petite montée dans de la forêt sauvage, absolument pas entretenue semble-t-il. Et nous sommes à 1 ou 2 km de l'
office du tourisme ! J'ai les pieds mouillés, putain de chaussures sensées être étanches !
Suite de ce carnet bientôt... Plus de photos, photos de l'intérieur des trains, et sons de train, la suite du voyage et d'autres voyages sur mon site train-voyageur.com.