Site internet:
ventdularge.fr.st2500 années aprèsla naissance du Bouddha, nous nous engageons sur chemins des reliques bouddhistes, une longue piste montant vers le Nord de l’
Inde. Le prétexte est formidable pour suivre une ligne longitudinale et traverser une multitude de paysages : Le
Sri Lanka en premier temps. 750 kilomètres de treks... Des chemins qui serpentent entre des petits ilots de verdure et des morceaux de forêts tropicales, nous traversons une multitude de rizières et de plaines marécageuses où s’ébattent des buffles.
Il n’y a pas de place pour le vide dans ces paysages, la flore emplit intégralement le moindre espace. Même la rivière dont nous suivons le lit, la
Niwala Ganga est de couleur émeraude. L’unique intervalle est réservé à notre route ; du vert, du vert et encore du vert, toutes les nuances de cette couleur éclatent sous l’effet du soleil matinal dans les palmes et les bananiers. «
A Ceylan, tout l’effort est d’arrêter la nature, les jardiniers ne plantent pas, ils arrachent »...
Au centre de l’île, nous fendons les arbustes des plantations de thé qui surplombe les vallées, Comme un navire où une île en pleine mer, les manufactures et les cottages britanniques crèvent parfois l’océan de thé de leurs éclats blancs.
Après plusieurs jours de déclivité et la traversé du parc d’
Horton Plains, nous quittons définitivement les escarpements des hautes terres. Lentement, l’horizon s’écrase, le ciel et la terre semble se rencontrer. Le sol se pose en horizontalité, le relief ne sera désormais perturbé que par des monceaux de canopée. Nous traversons alors la région des jardins d’épices. Chaque soir, nous délaissons notre solitude et partons à la rencontre des Hommes, leur culture et la spiritualité si particulière à cette région du monde.
Au Nord de l’île, la zone est militarisée et nous ne croisons plus que des militaires camouflés au bord des pistes et des éléphants égarés... Nous y préférons une grande lagune où des centaines d’oiseaux se dissipent au dessus de chevaux sauvages. Les étalons blancs sont en liberté sur une végétation amphibie, coupée d’étang et de marécages salins. Plus loin, le soleil nous offre enfin de belles fenêtres de luminosité sur les dunes du cordon littoral. Le sol respire encore de la violence des combats, la profondeur des cratères nous rappelle que l’histoire de l’île et la guerre civile est encore d’actualité. Nous ne trouverons pas le bateau si espéré pour traverser jusqu’au continent Indien, mais des camps de réfugiés a perte de vue.
L’
Inde mystérieuse est si grande. Nous faisons confiance aux trois cent millions de divinités pour veillés sur nous... Au
kérala, nous acquérons deux vélos de marque locale et partons en direction de l’extrémité Sud du sous continent Indien. Le Cap Comorin est un promontoire massif de terre rouge qui s’avance dans la mer. D’ici, il ne reste plus qu’à mettre cap au Nord, jusqu’à la frontière Tibétaine. Nous subissons l’attaque de quatre cyclones consécutif qui jetterons sur la terre des violentes rafales et des ondées inimaginables en vélo. Nous traversons des étendues désertiques sur des centaines de kilomètres, mais nous ne manquons pas d’eau ! Le désert reste oppressent, nous le sentons hostile et le sable est l’ennemi juré du cycliste. Entre deux averses, le soleil illumine les salines du Tamil Nadu qui s’étendent à perte de vue... L’Andra pradesh, la région indienne surnommée le grenier à riz du pays présente un des plus beau portrait du monde rural indien. Nous franchissons dorénavant la barre des 80 kilomètres quotidiennement, malgré une chaleur accablante et certains jours un manque de nourriture et des problèmes de déshydratations. A l‘ombre des temples Hindous, nous posons la tente et prenons du repos une fois la nuit avancée, lorsque l’attroupement des villageois commence à se désintéresser de nous. Nous apportons de l’exotisme sous les tropiques et partageons des scènes de vie inconcevables ailleurs qu’en
Inde. Les rizières fertiles laissent place à l’abondante jungle tropicale de l’Orissa et ses tribus
adivasis, les ethnies minoritaires et premiers habitant de la péninsule indiennes. Successivement, nous sommes atteints de dysenteries et de fièvres accablantes qui nous condamne à l’immobilité et repos le plus total. Quelques kilos de moins et nous repartons en direction des terres de sécheresse au Bengale et puis soudain, les contreforts des vertigineux sommets de l’Himalaya...
...6 heures trente, le soleil matinal réveil nos sens : les glaciers étincelants du Siikim attirent notre vue, les vertes prairies humides dégagent une odeur très agréable de fourrage frais et les torrents fredonnent la fonte des glaces. En contrebas, un ruisseau enserre le village et ses larges berges bordent les premières habitations. Au dessus de nos têtes, les cieux affirment leurs puretés et révèlent les tons des différents paliers d’altitudes. Les vallées aux parcelles fertiles abandonnent en s’élevant leurs taches verdâtres, elles s’enlisent rapidement de couleurs ambrées et de fragments rocailleux. Nous cherchons un passage du regard et finissons par découvrir un sentier de terre abandonné que nous défrichons avec nos bâtons de marche. Des chèvres sauvages viennent nous chipoter des morceaux de brioche dans les mains. Les voyages à pied et sac au dos permettent de retrouver les pas des hommes, nous cavalons en quête de vie et de rencontre, de toutes ces têtes aux cheveux noirs et hirsutes, ces pommettes très rouges, et toujours cette terre qui semble coller à la peau. Nous traversons des hameaux de quelques habitations, posées sur des versants escarpés, en bordures de chemins traversés de torrents nés de sources glaciaires. Des chiens aboient sur nous férocement alors que des zomos
[1] nous regardent passer, placides et flegmatiques. Nous croisons quelques personnes qui empruntent ces chemins de terres et de pierres afin de se rendre au village où à l’école. Certains portent des sacs de grains ou des bouteilles de gaz, le front barré d’une corde, le poids retombant sur le dos. Perchés au sommet d’une étroite crête, on se hisse à notre dernier monastère, enveloppé par le battement incessant d’une centaine de drapeaux de prières. Le massif du Kangchenjunga se dévoile, découvrant ses cimes les plus hautes, mais aussi toute une série de barres enneigées avoisinant les 6000 mètres et qui semblent très près de nous. Les sommets sont fascinants, prenants et menaçants...
Assis au pied d’un chorten, nous reprenons notre souffle, presque atteints de vertige de se sentir si infime devant de si monstrueuses éminences. Le son d’une conque nous invite à la méditation à l’intérieur de l’enceinte. Le bouddha souffla lui-même dans une conque identique avant de délivrer son premier sermon, à
Sarnath. De nos jours, leur tonalité appelle et invite les âmes à s’éveiller, à suivre la doctrine du maître...
Après huit mois d’errances et 4500 kilomètres, nous déposons nos sacs tout en gardant en mémoire la formidable leçon de vie que nous a offert ce périple, cette vénération typiquement Indienne et permanente à ce qui vit, ce fatalisme souriant, cette indifférence et ce détachement face à l’effort et à la souffrance rencontrés chez tous ces hommes, cette énergie affichée de croire en cette existence, puisque après tout, elle n’est qu’un passage.
Vezin Lilian et Mucy Lucylle ont respectivement suivis des études d’éducateurs sportifs et artistiques avant de sillonner le monde, de mission humanitaire en expédition aventureuse. Ils sont tous les deux passionnés d’ethnologie et fondateurs de l’association humanitaire « Surya ». Ils sont également les auteurs de La marche du prince, un récit de leur voyage édité par Vent du large. Ils reviennent dernièrement d’une nouvelle aventure de 5000 kilomètres du Tibet Oriental au delta du Mékong dans le sud du Vietnam. Site internet : ventdularge.fr.st
[1] Hybrides mi yacks mi vaches.