«
Il y a beaucoup de héros dans le jazz. Mais peu ont véritablement changé l’histoire du jazz. McCoy Tyner en est un. Il y a un avant et un après Mister McCoy Tyner. » (Craig Taborn, pianiste de jazz américain)
McCoy Tyner, pianiste illuminé et compagnon de Coltrane
Un pianiste hors norme, un géant du jazz a disparu à jamais début mars dernier à l’âge de 81 ans. Acteur clé du légendaire classic quartet de John Coltrane (que complètent Jimmy Garrison à la contrebasse et Elvin Jones à la batterie), il a joué du piano avec les plus grands de son époque. Avec Bill Evans et Cecil Taylor, McCoy Tyner compte parmi les pianistes de jazz les plus influents de ces 50 dernières années. Son jeu si particulier, puissant et inimitable, a changé l’histoire du jazz moderne. Il mérite bien une digne place dans la généalogie des grands pianistes, aux côtés de Bud Powell, de Thelonious Monk, d’Art Tatum, de Duke Ellington et de Cecil Taylor....
Né à
Philadelphie (
Pennsylvanie) en 1938, McCoy Tyner commence à prendre des leçons de piano à l’âge de 13 ans. Sa carrière musicale débute vraiment en 1959 dans le Jazztet du saxophoniste Benny Golson et trompettiste Art Farmer. En plus, il joue avec Lee Morgan, Max Roach, Stanley Turrentine, Freddie Hubbard, Wayne Shorter, Joe Henderson, Sonny Rollins et Kenny Dorham. Plus tard, en 1960, à 21 ans, le pianiste quitte le Jazztet pour remplacer Steve Kuhn dans le quartet de John Coltrane et y reste membre jusqu’à la fin de 1965. McCoy Tyner est en premier lieu connu pour avoir accompagné – ce qui veut dire ici : a su soutenir et dynamiser le soliste – John Coltrane pendant la partie la plus essentielle de sa carrière, ces cinq années entre 1960 et 1965, au sein de ce classic quartet, formation la plus emblématique du jazz (encore) modal. Dans ladite période, il enregistre avec "
son frère" John Coltrane une trentaine d’albums, dont les célèbres
My Favorite Things (1961),
Africa/Brass (1961),
Live at the Village Vanguard (1961),
A Love Supreme, chef-d’œuvre de l’histoire de la musique (1964),
Live at Birdland (1964),
Crescent (1964),
Ascension (1965),
Meditations (1965),
Both directions at once : The lost album (1963/2018), etc. etc. etc. Non seulement le saxophoniste, mais juste la présence de ce pianiste virtuose dans le quatuor de Coltrane est l’un des éléments-clés qui a fait de cet ensemble un des incontournables du jazz des années 60.
Pourtant, Coltrane a laissé à son sideman beaucoup d’espace pour son propre jeu soliste. Et il a brillé par son expressivité exaltante. Avec sa main droite, il pouvait suivre la préférance de Coltrane pour ses soi-disant
sheets of sounds. Celle de gauche, en revanche, a utilisé la tradition du
stride piano pour créer une richesse et profondeur orchestrales en alternant les registres médium et grave (Tyner était gaucher). Le pianiste reste non seulement ancré dans son attachement à l’instrument, mais aussi humble dans son sens pour la beauté et l’harmonie. Au moment où Coltrane s’est de plus en plus laissé emporter par des zones atonales du free jazz, McCoy Tyner n’a plus voulu le suivre : "
I didn’t see myself making any contribution to that music. All I could hear was a lot of noise." Cette position esthétique a conduit inévitablement à quitter le quatuor...
Après le
split de Coltrane, McCoy Tyner commence à enregistrer sous son propre nom plusieurs albums post-bop dont
Tender Moments (1968),
Time for Tyner (1968),
Extensions (1970) et surtout
The Real McCoy (1967), peut-être son meilleur album de cette période. A partir de 1972, entre le free jazz et le jazz fusion, il cultive sa propre musique, dans laquelle il élargit – en solo, en trio ou en grandes formations – ses expériences des années 60, et collabore avec des musiciens tels que les saxophonistes Sonny Fortune, Gary Bartz, John Stubblefield, Andrew White et Azar
Lawrence, le trompettiste Virgil Jones, le violoniste John Blake, le vibraphoniste Bobby Hutcherson, les contrebassistes Joony Booth et Buster Williams, et les batteurs Billy Hart et surtout Alphonse Mouzon. Des grandioses albums attestent cette période féconde :
Sahara (1973),
Atlantis (1974),
Trident (1976) et
Enlightment – Live at the Montreux Jazz Festival (1973), le dernier étant pour toujours mon album préféré de McCoy Tyner, ce quartet – à mon avis – sa meilleure formation
ever (M.T. - Azar
Lawrence - Joony Booth - Alphonse Mouzon).
McCoy Tyner a enregistré plus de 80 albums sous son propre nom, a reçu cinq Grammys, des géants comme Herbie Hancock et Chick Corea l’ont cité comme une influence décisive sur leur propre travail. En 2002, la NEA (National Endowment for the Arts) l’a nommé "
Jazz Master". Son dernier album,
Solo: Live from San Francisco, date de 2009, qui est décrit avec enthousiasme par la critique comme une preuve de l’impact ininterrompu de son style si puissant : "
All of the hallmarks of his sound, from up and down dynamics to the legendary crashing of chords, especially with his left hand, and the stunning virtuosity of his improvisational runs and streaks, assure you that he is in good spirits and has energy to burn off even at his advanced age... This is yet another of the many triumphant recordings Tyner has given to the world..." (Allmusic)
Hery
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