Histoire du Balafon Gertbrigitte · 1 décembre 2013 à 16:19 · Une photo 4 messages · 3 participants · 2 866 affichages | | | 1 décembre 2013 à 16:19 Histoire du Balafon Message 1 de 4 · 2 861 affichages · Partager L’histoire du balafonAvec la découverte et l’utilisation du fer il ya 2500 ans, l’organisation sociale des sociétés africaines change. De nombreux habitants, nomades depuis la nuit des temps, deviennent sédentaires. Des castes se forment, et parmi celles des artisans, le forgeron devient le centre de toutes les activités. Il gagne un pouvoir énorme. Sans lui, il n’y a pas d’armes de chasse, ni d’outils agricoles, ni d’ustensiles de cuisine. Il est le maître du feu, donc celui du bois et c’est lui qui, traditionnellement, sculpte les futs de djembé ou les lames de balafon. Or, on remarque que le geste du balafola est le même que celui du forgeron – la mailloche adopte le mouvement du marteau et la lame remplace l’enclume. Tout laisse donc à croire que les premiers joueurs de balafon étaient des forgerons. Dans l’un des mythes cosmogoniques des Mandingue, le premier habitant sur terre descendu du ciel était un forgeron. Et ce n’est sûrement pas par hasard que le balafon joue un rôle aussi important dans l’histoire de l’avènement du royaume du Mali au 13ième siècle. Cette histoire, chantée et racontée depuis 800 ans par les jelis, est décrite dans une véritable épopée comparable au Mahabarata de l’ Inde ou à la chanson des Nibelungen en Germanie. En voici le résumé. A la fin du 12ième siècle, Nare Maghann Konate règne sur le pays mandingue, région qui englobait à l’époque le sud-est du Mali et le nord de la Guinée d’aujourd’hui. Ce roi a deux fils, Soundiata Keita avec une première épouse et Dankaran Touman avec sa deuxième femme. Lorsqu’il meurt, c’est son second fils Dankaran Touman qui, poussé par sa mère, prend le pouvoir à la place de son ainé, qui était pourtant l’héritier légitime. Soundiata part en exil avec sa mère et quelques fidèles et voyage à travers tout le pays, forgeant des alliances avec des chefs de clans. Son père, le roi, qui avait pressenti cette situation, a, juste avant sa mort, nommé Bala Faseke, fils de son propre jeli, jeli de Soundiata, afin que, grâce à ses conseils avisés, celui-ci puisse reprendre un jour le pouvoir usurpé par son demi- frère. Au sud, se trouve le royaume des Sosso , gouverné d’une main de fer par le forgeron Soumaoro Kante, qui annexe un petit royaume après l’autre, jusqu’à menacer aussi son voisin, le pays mandingue, dont il convoite les gigantesques ressources en or. Le jeune roi mandingue Dankaran Touman envoie alors à la cour de l’insatiable roi des Sosso le jeli de Soundiata, Bala Faseke, qui était resté au pays, avec pour mission une médiation entre les deux royaumes. Mais le roi Soumaoro le fait prisonnier, violant ainsi la coutume ancestrale de respect du jeli. Un jour, Bala Faseke pénètre dans la chambre secrète où se trouve le balafon magique donné à Soumaoro par les dondori. Enfreignant ainsi la loi sacrée, selon laquelle seul Soumaoro a le droit d’utiliser ce balafon, Bala Fakese se met à jouer de l’instrument. Bien que loin en brousse et en train de chasser, Soumaoro entend tout de même le son du balafon. Il rentre chez lui à toute allure et découvre Bala Faseke en train de jouer. Fou de rage, il s’apprête à le tuer, mais Bala Faseke entame des louanges à l’honneur de Soumaoro et joue tellement bien que celui-ci se laisse envouter par la musique. Il le nomme même son propre jeli. Désormais, une guerre entre Soundiata Keita et Soumaoro Kante devient inévitable. Après plusieurs batailles sans vainqueur ni vaincu, vient la bataille de Kirina en 1235. Le matin avant le début des hostilités, Bala Faseke réussit à s’enfuir et à revenir auprès de son maître originel, Soundiata Keita. Grâce au soutien retrouvé de son jeli, Soundiata gagne la guerre et devient le premier « mansa », roi du Mali. Son règne est le début d’ une longue période de prospérité, du 13ième au 16ièmesiècle. C’est l’apogée du balafon! Chaque roi ou chef de village, chaque noble a son jeli qui peut exercer sa fonction et développer son art sans souci matériel. Après la défaite de Soumaoro Kante, Bala Faseke a encore joué longtemps de ce balafon magique lors des grandes cérémonies. Soundiata le baptisa Bala Faseke Kouyaté et fonda ainsi une ligne de griots, les Kouyatés. Les descendants de Bala Faseke sont toujours les gardiens de ce balafon appellé le Sosso-Balafon.Il se trouve de nos jours à Niagassolo dans le nord de la Guinée. En 2004, L’UNESCO l’a ajouté à la liste de l’héritage culturel universel mondial.
Gert Kilian, 2008 httpgert-kilian.com Image attachée: | | À: Gertbrigitte · 2 décembre 2013 à 17:11 Re: Histoire du Balafon Message 2 de 4 · 2 814 affichages · Partager bonjour belle histoire ! merci francia | | À: Songhai73 · 2 décembre 2013 à 17:30 Re: Histoire du Balafon Message 3 de 4 · 2 812 affichages · Partager bonjour belle histoire ! merci francia
Merci! Voilà un peu plus sur le pays mandingue pour toi:
Le jeli ou griotLa société des Mandingue est organisée en deux groupes principaux, les horons et les nyamakala. Les horons sont les nobles, littéralement « ceux qui naissent libres ». Les nyamakala sont les artisans. Les nyamakalas sont subdivisés en quatre groupes : les numu (forgerons), les garanke (artisans du cuir), les jeli (artisans de la parole et de la musique) et les fune (annonceurs publics, experts du coran et de la généalogie). Les horons dépendent des nyamakalas, qui fabriquent les outils agricoles et des armes, les équipements en cuir et les amulettes et qui forment (« sculptent ») le passé et le présent par la parole et la musique. Mais les nyamakalas dépendent aussi des horons, qui fournissent la nourriture, le bétail ou de l’argent et qui gèrent l’administration du village ou du pays. Un troisième groupe, les jon (esclaves) n’existe quasiment plus aujourd’hui. Le jeli -ou griot- joue un rôle important dans cette organisation sociale. L’appellation « griot » est française et vient probablement du mot « crieur ». En langue malinke, on dit « jeli ». La « jeliya » - la science du jeli – est transmise de génération en génération dans les familles de jeli. Seuls leurs membres sont de véritables jeli. Ils s’appellent Kouyate, Diabaté, Dramé, Soumano, Koita, Keita, Niakaté, et autres. La tradition veut qu’un membre de la caste des jeli se marie obligatoirement avec une personne de sa propre caste. Un enfant au moins du jeli – et cela peut être aussi une fille- doit devenir jeli. « Jali, en fait, veut dire « sang », explique Mory Kante, « nous sommes le sang de la société, sans nous, elle ne peut pas survivre. Nous sommes l’âme de chacun, car nous disons aux gens q u i ils sont » La caste des jeli s’est développée dans une société ou il n’y avait pas d’Histoire écrite (encore aujourd’hui, l’analphabétisme est largement répandu en Afrique de l’Ouest et se situe autour de 80 % de la population!). Le jeli est le gardien de l’Histoire, transporté de génération en génération par la parole parlée ou chantée. L’épopée identitaire de la fondation du royaume du Mali par Soundiata Keita, brodée d’innombrables légendes et poèmes, est transmise par le jeli et ainsi maintenue vivante. Le fameux jeli Mamadou Kouyaté a dit : « Nous sommes des sacs pleins de paroles et d’histoires, dans lesquels se trouvent les secrets des siècles. Sans nous, les noms des rois seraient oubliés. Nous sommes la mémoire du peuple » Mais l’Histoire locale continue elle aussi à vivre à travers le jeli. Il connaît nombre de récits d’un passé révolu, les arbres généalogiques des familles, et les hauts faits héroïques...ou honteux de leurs membres les plus extraordinaires. Le jeli connaît les anciennes coutumes et traditions et est appelé comme conseiller lors des baptêmes, des mariages, des circoncisions ou lorsqu’ une personne meurt. Il va de village en village, annonce les nouvelles importantes ou les réunions. En cela, il rappelle les bardes du Moyen-âge en Europe. Le jeli a une autorité morale. Lors des disputes, il fait office de médiateur et l’on recherche ses bons conseils lors des conflits entre les générations. Il maîtrise l’art de la parole, il est l’artisan des mots ironiques ou sarcastiques et il peut faire rire ou pleurer son public. Il rappelle à la conscience collective sa mission originelle, maintenir la cohésion de la communauté. Un proverbe dit : «Un monde sans jeli serait fade comme du riz sans sauce». Son rôle à part vient aussi du fait qu’il n’a pas de totem, donc pas d’interdits. Il est le seul qui peut dire aux personnes de pouvoir (rois ou chefs) ce que le peuple pense. En cela il ressemble au fou du roi des cours royales européennes du Moyen-âge. Il est craint par le peuple, parce que proche du pouvoir, mais est néanmoins le médiateur entre les deux. Un jeli sans son maître n’est rien, mais un maître sans son jeli n’est rien non plus. Le jeli maîtrise donc l’art de la parole, mais aussi l’art du chant et de la musique. Son instrument peut être la kora, le n’goni, le tama ou le djembé. Chez les Mandingue, c’est surtout le balafon. Mais tous les musiciens ou chanteurs ne sont pas jeli. Aujourd’hui, beaucoup de musiciens en Afrique prétendent être griots, alors qu’ils ne sont pas issus d’une lignée de jeli. Ils vont de village en village et se laissent payer pour leurs louanges sans connaître le contexte local et sans avoir de maître. De nos jours, du fait de l’exode rural, de l’émigration et des influences de la civilisation «moderne», nombreux sont les enfants de jeli qui ignorent tout des pratiques artistiques et des connaissances de leurs ancêtres. La « djeliya » est en voie de disparition. « Le griot a une connaissance sociologique, anthropologique de ce pays, le tout dans une culture de l’oralité. Il la cultive par ses prestations de tous les jours, à toutes les occasions. Il essaye de maintenir les valeurs vivantes, il a une fonction d’éducateur... » Bakary Soumano chef des griots du Mali, né à Dravéla, Bamako en 1935, décédé le 21 juillet 2003. Gert Kilian, 2008«
extrait du DVD "Le Balafon avec Aly Keita & Gert Kilian" (httpgert-kilian.com)
glossaireTotem Un totem est un esprit qui surveille ou soutient un groupe comme la famille, un clan ou une caste. Il est souvent représenté spirituellement par un animal ou une plante. Malinke Le malinke est une langue africaine appartenant à la famille des langues mandé. On la parle au Mali, en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Sénégal. Elle ressemble beaucoup à la langue bamana. | | À: Gertbrigitte · 2 décembre 2013 à 21:48 Re: Histoire du Balafon Message 4 de 4 · 2 789 affichages · Partager 1) Malinke Le malinke est une langue africaine appartenant à la famille des langues mandé. On la parle au Mali, en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Sénégal. Elle ressemble beaucoup à la langue bamana.
Sur le plan linguistique, le "malinké" n'est pas du tout une langue mais un terme collectif pour désigner plusieurs variantes du continuum dialectal "mandingue" comprenant une trentaine de variétés qui sont surtout connues sous leur désignation locale respective, chose qui intensifie l'impression de grande hétérogénéité linguistique. Enfin, un terme assez imprécis et peu utile ! Ce continuum s'étend de la Gambie, le Sénégal, la Guinée-Bissau, la Sierra Leone, la Guinée, la Libéria, le MALI (son centre !!!), le Côte d'Ivoire au Burkina Faso. Les variantes les plus connues et les plus répandues sont le bambara ( bamanankan), le maninka et "le" dioula ( jula). Le "mandingue" constitute l'un des éléments de la branche occidentale de la famille "mandé". Si c'est le mandinka ( Sénégal, Gambie, Guinée-Bissau), le nyoxolonkan ( Sénégal), le maninkaxanwo (Mali, Sénégal), le kita-maninka (Mali), le wasulunka (Mali), le manenka ou maninkamorikan (Sierra Leone, Guinée), le korokan ( Côte d'Ivoire), le koyagakan ( Côte d'Ivoire) ou le Worodugukan ( Côte d'Ivoire), on les désigne souvent comme "malinké" : c'est un peu comme si les Français ne parlent pas français, les Italiens pas italien, les Espagnols pas espagnol, les Portugais pas portugais mais tous roman. Sorry !
2) La société des Mandingue est organisée en deux groupes principaux, les horons et les nyamakala. [..] Un troisième groupe, les jon (esclaves) n’existe quasiment plus aujourd’hui. Le jeli -ou griot- joue un rôle important dans cette organisation sociale.
Les sociétés mandé se caractérisent par une hiérarchie tripartite qui distingue: a. les hòòròn "hommes libres, nobles" b. les nyamakalac. les jòn "esclaves". Les hòòròn occupent le haut de l'échelle hiérarchique. Les hommes libres sont généralement les agriculteurs au sein desquels se recrutent les responsables politiques. Même aujourd'hui. Typologiquement, les nyamakala se caractérisent par leur occupation socioprofessionnelle: d'une manière ou d'une autre, ils sont tous spécialisés dans une activité artisanale. Sur le plan individuel, les nyamakala jouissent d'une totale liberté, mais en tant que groupes, ils entretiennent des relations de "clients" avec les hòòròn, leurs "patrons". En principe, chaque famille de nyamakala a des relations particulières avec une ou plusieurs familles de hòòròn. Ces hòòròn ont le devoir de subvenir aux besoins matériels fondamentaux de leurs "clients". En général, il s'agit de dotations en produits vivriers ou en petit bétail. En retour, les nyamakala fournissent à leurs amis hòòròn le produit de leur travail artisanal. De nos jours, la catégorie sociale des jòn a très peu d'incidence sur le système social.
Mais pour comprendre le tout, il faut la mentionner et non (quasiment) exclure, donc: la société mandé (!!!!!!!) est organisée en trois groupes principaux ! Même le rôle des griots a changé beaucoup jusqu'ici et ne correspond plus à une description idéaliste présentée toujours et encore... U bè nafolo min sòrò jeliya la, hali u tè sugo k'o nyògòn sòrò baara la. O de y'a to jeli dòw t'a fè ka baara kè. Bi, Bamakò jeli caman kèra waritigiw ye.
3) Aujourd’hui, beaucoup de musiciens en Afrique prétendent être griots, alors qu’ils ne sont pas issus d’une lignée de jeli.
Bien vrai ! Même un certain Salif Keïta ne s'oppose pas à être désigné "griot". Et tant d'...s ici blavardent de "Salif Keïta est un griot".
Mais pour élargir ou même compléter, il y a aussi le cas inverse : des musicien (ne)s au Mali d'être reprochés de ne pas descendre d'une lignée griotique. L'exemple le plus connu : Rokia Traoré.
La caste des jeli s’est développée dans une société
Le terme "caste" séduit à considérer les chaînes de sociétés mandé comme étant des sociétés à caste (comme les castes indiennes). Le système social du mandé n'est nullement un système à caste à la indienne... Perso, je préférerais dire à la rigueur l'épithète "casté" pour indiquer l'appartenance d'un individu au groupe des nyamakala.
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