Un océan, une île, des horizons marins et des alizés... et tout de suite on pense, navigation, plaisance et bateaux.
L’océan, c’est l’Indien, l’île, il s’agit de
Maurice.
A travers ce carnet de voyage, j’évoque quelques souvenirs vécus lors d’un périple à l’île
Maurice... c’était il y a quelques années.
Les bateaux, pirogues et modèles réduits mais également les pêcheurs en sont les vedettes comme également le récit d’une dépaysante balade nautique sur les eaux d’un lagon turquoise entre îles et barrière de corail.
Sentez-vous déjà l’air iodé ? Alors suivez mon sillage...
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L’homme est probablement à la retraite, pourtant, comme tous les jours sans doute il pousse à l’aide de cette grande perche sa petite barque. Peu à peu, il s’éloigne de la plage pour atteindre sa pirogue. On imagine qu’il va partir pour une partie de pêche dans les eaux poissonneuses du lagon. Quant au splendide paysage qui comble mon regard de voyageur avec ces îles à l’horizon, ces eaux bleues, l’homme ne le remarque même plus, il le connaît par cœur, c’est toute sa vie et tout son quotidien laborieux de pêcheur...
Prenons nous aussi une embarcation pour caboter de plages en criques. Ici, nous sommes proche du
Cap Malheureux, tout au nord de l’île
Maurice. Et même si les eaux sont calmes ce matin, la navigation en ces lieux peut être dangereuse, les courants sont forts entre ces îles aux noms imagés : Coin de Mire, île Plate, île Blanche, île aux serpents... sans oublier les dizaines d’îlots et de récifs dont il faut se méfier. Si l’on a affublé ce cap (aux vrais paysages de rêve !) d’un nom si triste c’est que les naufrages ont été nombreux dans les parages.
Une voile grenat gonflée et tendue par le vent apparaît à bâbord, elle file à vive allure en notre direction. Voilà qu’une pirogue traditionnelle croise notre bateau, le pêcheur à la barre, tout sourire, nous salue d’un geste sympathique.
Mais au fait, que pêche-t-on dans les eaux mauriciennes ? Des poissons cordonniers, des capitaines, des dorades... mais aussi des marlins, des thazars ou des espadons. Les marins-pêcheurs qui pratiquent la pêche artisanale vendent souvent un partie de leur prise dès leur retour sur la côte sitôt débarqué les poissons sont proposés à la vente comme ici prés de la pimpante église à la toiture rouge de
Notre-Dame-Auxiliatrice. Un air de marché improvisé, quelques clientes fidèles et des poissons qui se vendent... comme des petits pains ! Le choix n’est certes pas aussi varié que sur l’étal d’un poissonnier mais question fraîcheur, difficile de faire mieux !
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Ma curiosité naturelle me pousse vers le village de
Grand Gaube, une bourgade pas vraiment touristique mais à l’atmosphère authentique et surtout c’est dans ce village que l’on peut trouver les dernières fabriques de pirogues traditionnelles. Il me faut interroger deux habitantes avant d’arriver au bord d’un petit chemin côtier, là même où est situé un atelier de plein air.
Une pirogue en restauration, des outils, scie, rabot, marteaux, quelques lattes de bois... et un homme, le propriétaire des lieux, dont le visage et le sourire vous rassurent immédiatement. On est déjà sûr que la conversation va s’engager naturellement.
«
Moi, j’étais pêcheur pendant 45 ans et maintenant je retape cette pirogue pour mon fils... » et d’ajouter avec un brin de nostalgie. «
la pêche professionnelle en pirogue, c’est bientôt finie ... pour gagner sa vie, il vaut mieux travailler pour les touristes... ». L’homme n’est pas avare de renseignements sur cette fabrication artisanale, il me décrit maintenant toutes les étapes et les détails de la construction. Les bois utilisés sont le jaquier d’une part, cette essence a la particularité d’être imputrescible dans l’eau de mer, et le méritan, très cher, car on l’importe d’
Indonésie !
La pirogue mauricienne a un profil effilé, elle est peu profonde et longue d’environ 5 mètres et demi. Les lattes de bois sont assemblées puis fixées par des clous habituellement en cuivre. Le mât en filao est fixé dans un trou de la coque et pour tendre la voile, il est relié à une vergue en bambou...
Voilà un pêcheur-charpentier de marine passionné par son activité et pour moi, une rencontre sympathique et instructive.
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D’autres passionnés de constructions navales, je vais les rencontrer un peu plus loin à
Goodlands dans un atelier bien plus grand que celui du pêcheur retraité de Grand Gaube... et pourtant ce sont des
modèles réduits de bateaux que l’on fabrique ici !
L’île
Maurice est devenue une spécialiste de la construction de maquettes de bateaux, de pirogues mauriciennes en miniature pour les touristes mais surtout de la réalisation de somptueuses répliques de vieux gréements.
Dans l’atelier, une dizaine d’ouvrières et d’ouvriers s’activent, les uns découpent les lattes de balsa ou poncent les coques récemment assemblées, d’autres peignent avec beaucoup d’attention les canons d’un imposant grand voilier de guerre. Sur l’établi voisin, une consciencieuse employée fixe à la colle des cordages...
La visite de cet atelier me replonge quelques années en arrière, au temps où la construction de maquettes était un de mes loisirs.
La salle d’exposition de cette fabrique valorise à souhait les bateaux et trois-mâts qu’elle contient, sa décoration cossue avec ses vitrines et ses boiseries vernies vous plonge immédiatement dans l’ambiance marine. On admire ces pièces de collections qui iront orner des appartements, des hôtels particuliers ou des musées dans le monde entier.
La réplique la plus célèbre, superbement réalisée, est certainement celle du Saint Géran un majestueux bateau qui est entré dans l’histoire de
Maurice en raison de son naufrage sur les côtes de l’île. La tragédie est évoquée dans le fameux roman « Paul et Virginie » publié en 1787 par Bernardin de Saint Pierre. De l’aventure romanesque à la réalité, des plongeurs ont retrouvé en 1966 des éléments et des objets de l’épave du navire gisant prés des récifs de la petite île d’
Ambre, située sur la côte est de l’île.
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Tiens ! Si on allait voir les rivages inhospitaliers où s’est produit ce dramatique naufrage. Il suffit pour cela d’emprunter une route campagnarde cheminant entre des champs de canne à sucre, elle mène en quelques minutes à
Poudre d’or, un village qui évoque plus une
Maurice profonde qu’un eldorado. L’atmosphère y est paisible avec sa grève de galets, ses rochers sombres puis son étendue de mangrove...
Et le monument en hommage aux disparus du Saint Géran ? C’est à gauche, au bout de ce chemin poussiéreux, m’indique gentiment une passante. Là, face à la mer a été érigée une stèle où l’on peut lire :
« Au large de cette côte dans la nuit du 17 au 18 Août 1744 périt le Saint Géran ».
Avant de quitter cette avancée rocheuse, je jette un coup d’œil vers l’océan, histoire d’apercevoir parmi le dédale de récifs et d’îlots, la fameuse île d’
Ambre, lieu du célèbre naufrage.
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Direction
Trou d’eau Douce sur la côte Est, nous avons rendez-vous ce matin sur la plage de sable clair, près du cocotier. Un bateau (rapide) nous y attend pour une balade dans le lagon, entre les îles de la barrière de corail.
Le puissant moteur nous propulse sur les eaux lisses en traçant dans notre sillage une longue traîne, blanche d’écume. Les cases et les habitations du bourg semblent s’éloigner alors que les paysages défilent sous nos yeux : en fond de décor les crêtes escarpées des montagnes volcaniques mauriciennes, les champs de cannes à sucre qui prennent une belle teinte vert tendre et le rivage où se succèdent, plages, hameaux et rochers... un vrai tableau, superbe !
La première escale de ce mini cabotage sera pour
l’île du Phare.Un phare à l’abandon construit tout en corail au XVIII ème domine les falaises. Cette île déserte a tout pour plaire aux Robinsons en mal de solitude. En quelques minutes on en fait le tour sur un sol aux rochers acérés, ici, une petite crique, là un arbre unique... Le point de vue privilégié permet de contempler la longue barrière de corail et les vagues successives qui viennent y déferler puis s’y briser.
Le vent souffle et balaie par rafale l’île. Du haut des falaises on peut facilement observer les oiseaux marins qui se jouent de ces courants d’air ascendants puis descendants... à l’image de ce
paille-en-queue dont le ballet aérien a attiré mon objectif.
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Des oiseaux, il y en a en nombre sur
l’île des Aigrettes une petite île devenue un sanctuaire protégée pour sa riche faune ornithologique. La halte est pour nous l’occasion d’un agréable moment de baignade dans des eaux cristallines, tièdes à souhait avec pour décor un horizon bleu lagon... inoubliable, bien sûr !
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Quelle palette de bleus ! Cette partie du lagon, située plus au sud, porte bien son nom :
Blue Bay.
Comme posée sur cette mer de rêve on aperçoit une nouvelle île aux airs de paradis, un long ruban de sable, quelques cocotiers et filaos et une demeure de style mauresque quelque peu surprenante sous les tropiques.
L’île des Deux Cocos est un havre de luxe et de tranquillité réservé à quelques privilégiés fortunés. L’île est privée, y séjourner vaut de l’or... heureusement, la contempler reste gratuit, aussi, je ne m’en prive pas !
Mais le plus fascinant dans cette baie réside sans doute plus dans ce que l’on peut admirer sous l’eau qu’observer en surface. Des bateaux à fond de verre attendent les visiteurs et permettent d’avoir un aperçu de ces magnifiques fonds marins, même si au travers de la vitre, la vision semble déformée, un peu floue et les couleurs tirent vers la teinte presque sépia !
Non, pour profiter pleinement de la beauté des coraux et des centaines de poissons qui s’y cachent, il faut se mettre à l’eau, palmes aux pieds, tuba et masque sur le visage... et là, la féerie peut commencer. Allons-y, plouf ! Génial spectacle, la lumière fait miroiter les reflets et donne encore plus de relief au massif de corail, par ici quelques poissons aux stries multicolores surgissent par là, d’autres aux écailles scintillantes se précipitent vers les anfractuosités de la roche corallienne, un vrai ballet nautique.
On dénombre plus de 20 espèces de coraux dans ce lagon, le plus vaste de
Maurice, il s’étend sur 7 kilomètres entre la côte et la barrière de corail quant aux variétés de poissons, il y en aurait 72... et dire que pendant cette plongée, je n’en ai vu qu’une dizaine, pas de doute, il faudra que j’y retourne !
Un si riche jardin corallien est évidemment protégé, il est loin le temps (et c’est tant mieux) où certains pêcheurs utilisaient des explosifs pour faire sauter les coraux afin de faciliter et d’accroître leurs prises. Mais d’autres menaces fragilisent parfois ce corail : les variations de température des eaux de l’Océan Indien comme cela est déjà arrivé, une hausse presque brutale due à un courant chaud et c’est l’hécatombe au sein des fonds coralliens.
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La dernière étape de ce périple nautique est réservée pour
l’île aux Cerfs, l’escale est incontournable lorsqu’on visite la côte est de
Maurice. Et même si ces rivages sont très fréquentés (les hôtels y « déversent » leur résidents à tours de bateaux !) la découverte s’avère agréable. Comment pourrait-il en être autrement devant une telle beauté, eaux translucides, bancs de sable blanc, filaos (pins des tropiques)... et si le voyageur préfère le contact des grains de sable aux confort des transats, il peut s’éloigner un peu des groupes de touristes, les plages de l’
île aux Cerfs sont longues, les baies vastes... bien sûr, il faut marcher un peu pour mériter son coin de tranquillité.
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Après cette belle virée en bateau dans le lagon, me voilà à
Grand Baie, un autre haut lieu du tourisme à
Maurice. Assis en bord de plage, j’admire la baie qui forme une anse régulière et observe le va et vient continu des bateaux... avec droit devant moi un catamaran et des embarcations pour promenades en mer, c’est
Maurice, côté tourisme et sur la droite une pirogue traditionnelle de pêcheur qui rentre dans la baie, c’est
Maurice, côté authenticité... Un panorama où le passé et le présent se mêlent mais où la mer et les bateaux restent toujours au cœur de la vie des mauriciens.
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PS : A voir et à lire sur VF, mon autre récit rédigé au retour de ce voyage à l'île
Maurice. "Les couleurs de
Maurice" y sont à l'honneur.
Voici le lien :
voyageforum.com/...le-maurice-d4250488/