Faire revivre une ville "réelle" et "mythique"
Timbuktu, Timboctú, Timbuctoo, Tinbuctu, Tombouctou, Tombutu, Tumbuto ou Tumutu ?! Peu importe comment il s'orthographie, ce nom est une maxime, une formule rituelle, pour une fois entendu, jamais plus oublié...
Il y a deux Tombouctous : l'une est le centre administratif de la 6e région de la République du
Mali, dans le nord-ouest du pays, une ville de caravanes assez calme, située au sommet de la boucle du
fleuve Niger, au point où celui-ci se rapproche le plus du Sahara, une ville sans ombre et d'un climat désertique chaud à saison hivernale, à l'époque une métropole commerciale célèbre au Soudan, un grand trafic inter-africain et un centre financier en direction de Fez, Kaïrouan, le Fezzan,
Le Caire et même en dehors de l'Afrique, à Vénise, à
Genève..., une ville abritant plusieurs sites déclarés patrimoine mondial, un endroit dont la réalité quotidienne est déjà décrite dans le journal
Voyage à Tombouctou et à Jenné par le Français René Caillié ayant voyagé jusqu'à Tombouctou de 1824 à 1828, de caravane en caravane, déguisé en Arabe, converti à l'islam et le pratiquant scrupuleusement, une ville qui a connu à son apogée une véritable industrie du livre avec de nombreux ateliers de sélection des manuscrits de scribes et calligraphes, de correcteurs, de relieurs et de recherche, un foyer intellectuel et universitaire au 16e siècle qui était une référence de la grandeur littéraire et scientifique du Soudan (aujourd'hui encore, la localité recèle d'importantes collections de documents écrits par des natifs de la ville de Tombouctou), la "ville des 333 saints", bref, un fief de l'érudition islamique pendant des siècles... On ne peut pas finir sans parler de ce vieil adage du 16e siècle qui campe sur le vif cette ville : "
Le sel vient du Nord, l'or vient du Sud et l'argent des pays des Blancs ; mais la parole de Dieu, les choses savantes, les histoires et les contes jolis, on ne les trouve qu'à Tombouctou". Ce sont toutes ces particularités réunies qui ont fait de Tombouctou la ville mystérieuse qui, en plus des chercheurs musulmans et des curieux de toutes les nations, a attiré beaucoup de célèbres Européens dont les maisons de passage sont aujourd'hui monuments historiques ; il s'agit de l'Anglais Laing (1826), du Français Caillié (1828), de l'Allemand Barth (1853), de l'Autrichien Lenz (1880), de l'Américain Berky (1912)...
Et puis, il y a une Tombouctou imaginaire, une ville mythique dans une Arcadie, une Fata Morgana antipodale, une ville qu'associent les Européens avec le fin fond du monde connu ("
Tinbuctu, l'autre bout du monde !")... ou une "blague stupide", veut dire que la Tombouctou des touristes et voyageurs de passage, lesquels sont souvent déçus par la ville tout en se posant en place deux questions seulement : "Où recevoir le plus vite possible un drink ?" et "Pourquoi suis-je vraiment ici ?" Néanmoins, les mêmes "
peuvent toujours affirmer qu'ils y sont rendus parce que ce lieu a colonisé notre imaginaire, celui des Occidentaux, à tel point que Tombouctou a encore suffisamment de force pour donner naissance à des suggestions de post- ou pseudo-explorateurs" (Marco Aime 2009: 514).
Malheureusement, depuis 2012, la ville de Tombouctou rappelle aussi la menace destructive de l’extrémisme religieux. Des groupes armés, y compris des jihadistes liés à Al Qaïda, ont envahi le pays et opprimé la population locale, circulant en moto, un mégaphone à la main pour ânonner leurs lois et procédant à des flagellations ou à des amputations, endommageant des mausolées et autres lieux saints, détruisant des œuvres d'art à la kalachnikov, incendiant des milliers de manuscrits, interdisant les livres, le sport, la danse et la musique. Une coalition de forces a libéré Tombouctou et chassé les terroristes, mais la paix demeure jusqu'ici fragile. L’économie – essentiellement basée sur l’artisanat, le commerce, et le tourisme – a dépéri depuis complètement.
En alliance avec la Brookings Institution et le Gouvernement à Bamako,
Timbuktu Renaissance est une plateforme qui vise à s’appuyer sur la riche culture et l’héritage du Mali, notamment celui de Tombouctou, pour promouvoir la tolérance et faire démarrer la création de richesse et la résilience. L’initiative cherche non seulement à booster les industries créatrices du Mali telles que le tourisme, la littérature, l’architecture, la musique, le film et l’art, mais également à mobiliser l’investissement pour le développement économique durable dans des domaines comprenant l’éducation, l’agriculture, les énergies renouvelables et les ressources naturelles.
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Timbuktu Renaissance :
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Hery