Lundi 1er décembre 2014.
Dure journée...
Il est un juste un peu plus de 2 heures du matin et je n'ai presque pas fermé l'oeil.
Je quitte
Abidjan et repars ce matin pour le
Burkina Faso. Bobo Diolasso exactement.
Par crainte de ne trouver un taxi à cette heure très matinale, j'anticipe mon départ pour la gare de bus. Cependant, contrairement à ce que j'imaginais, nombreux sont les taxis qui circulent. J'arrive donc prématurément, à 3 heures du matin, à la gare de stationnement d'Adjamé, pour un départ prévu à 6 heures. La lourde grille d'entrée est encore fermée et le gardien reste insensible à mes explications. J'exhibe mon billet et il finit par me laisser passer. Je tente alors de trouver un endroit pour me reposer en attendant l'arrivée du bus. Pas de salle d'attente. Juste des camions garés sous des hangars encombrés de marchandises et d'une foule d'objets hétéroclites. Je repère un espace entre des gros cartons, et quelques tonneaux d'huile. Ça fera l'affaire pour une paire d'heures. Un type sympa, qui dort là aussi, me prête une natte et je m'allonge à même le sol pour tenter de dormir un peu.
Dormir n'est d'ailleurs probablement pas le bon terme.
Malgré les nombreux rats qui déambulent sans la moindre crainte d'être chassés, j'arrive cependant à m'assoupir, la tête posée sur mon sac de voyage, les yeux vers le ciel étoilé.
La nuit est tiède.
Vers 5h30, quelques mouvements d'individus m'indiquent que le bus est probablement arrivé. Plutôt bon signe. On partira sans doute à l'heure..! Cependant, mes espoirs s'atténuent rapidement à la vue de la cohue engendrée par les passagers pressés de caser tous leurs bagages dans les soutes. On se bouscule de peur de ne pouvoir tout y entasser. Les convoyeurs commencent à charger les valises, cartons, sacs et autres colis dans les coffres et réalisent ensuite qu'ils ne peuvent fermer les portes. Donc... on enlève tout et on recommence. L'opération sera renouvelée 3 fois. Désolant de bêtise. Finalement, à grands coups d'épaules, ils arrivent à fermer la dernière porte.
Je suis résigné, déjà sale et fatigué.
Dire que la journée commence à peine...
Il est 6h30. On part. Je palabre avec le receveur pour obtenir une place sur le devant du bus, bien plus confortable que celle qui m'a été attribuée dans le fond.
Je connais les ressorts de l'âme humaine et, la cupidité ou le besoin d'argent, font leur travail rapidement. Cela me coûtera 5000 francs supplémentaires au prix initial du billet qui en vaut 19000. (29 euros).
Je passe du siège 54 au siège 3, juste à la porte d'entrée. Inespéré...
Le chauffeur roule bon train sur la double voie bien entretenue jusqu'à
Yamoussoukro. On atteint vite
Bouaké qui est environ à mi-chemin des 800 Kms qui séparent
Abidjan de
Bobo. Je me réjouis d'avoir " investi " 5000 francs pour obtenir ce siège, même s'il est un peu étroit. Je peux respirer... De plus, la climatisation fonctionne à cet endroit du véhicule.
Bouaké, ville sans intérêt. Un arrêt d'une dizaine de minutes pour " se soulager", manger un œuf cuit dur et boire un Coca. Il est onze heures et on repart. Le rythme est excellent. On pourrait arriver vers vingt heures et ça me réjouit.
On a embarqué, au passage, un militaire muni de sa Kalachnikov chargée, qui est censé nous protéger des coupeurs de route qui sévissent entre
Bouaké et la frontière Burkinabée.
Une information que je ne possédais pas.! La rébellion de " l'après Bagbo " a généré des bandes de bandits qui sont encore armés et qui n'ont ni les moyens ni sans doute l'envie de vivre autrement. Ils sévissent, impunis, dans ces contrées peu habitées et trop éloignées de la capitale. Ce sont les passagers des bus, comme aux temps des attaques de diligences, qui en font les frais.
Bref, nous repartons. Nous faisons un petit kilomètre et il faut stopper à cause d'un bruit peu orthodoxe émanant du moteur. Le chauffeur diagnostique une poulie d'entraînement de ventilateur cassée. Les roulements ont rendu l'âme. On fait donc demi- tour. De manière inattendue, un mécano arrive rapidement sur sa mobylette pétaradante. Le roulement incriminé est démonté, mais il n'y a pas de pièce de remplacement. Il faut donc réparer celui- là.
Une heure plus tard, tous les passagers attendent toujours, stoïques, habitués semble -t- il à ce genre de mésaventure. Moi je transpire doucement et je patiente dans mon jus. Il fait déjà chaud.
Rien mangé à part un œuf dur depuis hier soir. Il faut que je me trouve un autre Coca.
Midi et demi. Le mécano revient souriant avec la pièce tant attendue. Il remonte le tout.
Ca ne fonctionne pas..!! Il faut deux tentatives, donc deux démontages et remontages de la même pièce afin que l'on puisse reprendre la route. Deux heures inexorablement perdues. Mais certains affirment que nous sommes néanmoins chanceux d'être tombés en panne à cet endroit. C'est probablement vrai. Cependant, le calcul est vite fait; en l'absence d'autres pépins, nous n'arriverons que vers 22 heures.
L'état de la route s'est nettement dégradé. Par moment il est nécessaire de rouler au pas tant les énormes nids de poules sont nombreux et profonds. Des camions lourdement chargés gisent sur le bord de la route, essieux cassés ou remorques renversées. Pour les coupeurs de route, c'est évidement très simple d'organiser des traquenards à ces endroits. J'ai d'ailleurs dissimulé l'essentiel de mon argent dans ma banquette. La dernière attaque de bus remonte à trois semaines et les fêtes de fin d'année approchent. Il leur faudra de l'argent. Donc prudence...
Après avoir été longuement ballotés en tous sens, vers 18 heures nous atteignons enfin la frontière. Il fait nuit. Les formalités de sortie du territoire ivoirien sont hypocritement tatillonnes. Le but étant, pour les policiers, de trouver un moyen de soustraire de l'argent aux passagers. Malgré le changement de régime, ces pratiques nauséabondes n'ont pas changé. Beaucoup s'en plaignent mais peu résistent.
Ils tentent de m'intimider parce que je n'ai pas mon carnet de vaccination. Il faut, paraît- il, que je me fasse vacciner contre la méningite. Et bien sûr payer un vaccin. Je refuse catégoriquement en arguant qu'en
France nous sommes tous vaccinés. J'ajoute également que personne ne me plantera une seringue où que ce soit.!! Le pseudo - médecin, voyant ma détermination prend ma température frontale et conclut que tout va bien, esquivant ainsi les complications. On me restitue mon passeport et je retrouve ma place dans le bus à attendre que les moins chanceux ou plus vulnérables reviennent, souvent soulagés de quelques milliers de francs.
Un kilomètre plus loin c'est le même scénario mais cette fois-ci avec la Douane.
Les sacs si péniblement chargés sont déchargés et pour certains fouillés à la lumière d'une lampe de poche.
C'est grotesque. Personne n'est dupe. Ça prend du temps.. Bien trop.
Il faut payer pour aller plus vite. C'est le travail du convoyeur qui semble spécialisé dans ce genre d'opération.
Encore cinq ou six kilomètres et enfin on arrive à la frontière Burkinabée. C'est plus simple car la compagnie de bus est nationale et les formalités semblent plus aisées. On m'informe par ailleurs qu'il n'y a que peu de racket de la part des policiers côté
Burkina. En effet, après les formalités de police, on passe très rapidement la douane.. Il est 20 heures.
Il aura fallu deux bonnes heures pour passer deux frontières..
La route est en meilleur état. Le chauffeur pressé d'arriver roule un peu trop vite et ne voit pas un ralentisseur de vitesse sur la route. Nous décollons tous de notre siège et de nombreuses réprimandes fusent.
Il est temps d'arriver. La fatigue se fait nettement sentir.
Deux heures plus tard nous atteignons l'entrée de la ville de Bobo Diolasso.
J'ai réservé ma Guest house. Je sais que je pourrai y prendre une bonne douche et, faute de manger à cette heure tardive, au moins déguster une bière fraîche.
Dix minutes plus tard, le bus se range doucement sous le hangar de la Compagnie "TCV " qui signifie "Transport Confort Voyageur". Je réprime un sourire en découvrant la signification du logo, récupère mon sac poussiéreux et emprunte un taxi. Quinze minutes plus tard, je prends possession de ma chambre, positionne le ventilateur de plafond à la vitesse maximale et me délecte d'une douche fraîche. Encore mouillé, je m'allonge sur le lit en dégustant quelques gorgées de Brakina, la bière locale.
Il est plus de 23 heures. Dure journée...