Laissez-moi vous raconter une petite anecdote qui m'est arrivé et qui me laisse..on va dire dubitatif.
La sincérité d'une foi, la force d'une croyance, malgré ce que l'on peut en penser, impose toujours le respect.
L'
Inde est par excellence le pays de la foi. En effet, là se croisent des hindous, bouddhistes, musulmans, jaïns, des zoroastres, catholiques et cela, sans "trop" d'incidents (sauf quand il y a une rencontre de cricket
Inde-Pakistan..alors là!) (Bien sur je n'oublie pas l'attentat qui a ensanglanté
Delhi)
Tous les voyageurs qui ont visité le sous-continent indien connaissent la "dextérité" des chauffeurs, particulièrement ceux des bus. Ils respectent à la lettre le principe affiché du : "horn ok please". Donc, ils klaxonnent et ils y vont..
Voyageur modeste, me rendant à
Mont Abu, j'avais grimpé dans un bus vénérable, avec la "faune" locale: Sihks majestueux, familles entières chargées de ballots, garnements criards et curieux, chèvres récalcitrantes, femmes chargées de colliers et bracelets bruyants.
C'est vraiment une très jolie route jusqu'à
Mont Abu; et plus nous montons, plus le paysage est magnifique et plus la route se fait cahotique.
On commence à enchainer les virages et les femmes commencent à rendre leur dal par la fenêtre. Rien que de très habituel pour le pays. Ce qui l'est moins, c'est l'apparente nonchalence du chauffeur de bus. La règle du "horn ok please", il l'applique à la lettre. Il klaxonne et il y va.
Un virage serré ? rien à foutre.
Pas de visibilité ? rien à foutre.
Le bus date du règne de la reine Victoria ? rien à foutre. Et il y va, le gars!
Sans être spécialement un trouillard, je dois reconnaitre qu'il commence à me faire peur.
Je m'abstiens de toute remarque, essayant de me convaincre qu'il connait son bouleau.
Mais après un énième dépassement risqué, à longer le flanc de la montagne et après que je me sois mis à regretter ma Lorraine natale, je ne pouvais plus me contenir.
je suis allé le voir (en m'accrochant aux barres centrales)
_ euh, sir, cool ? ok cool ? drive slowly please.
Il me regarde avec des yeux abasourdis:
_ no problem !, me répond-t-il, en agitant la tête à la manière caractèristique des indiens.
_ euh, no problem euh...yes ok! but cool please.., dis-je
_ no problem, me répète-t-il
Et voyant qu'il ne m'avait pas rassuré, il sortit son argument imparrable.
Me désignant son tableau de bord et son minuscule autel, sur laquel un Hanuman rieur et coiffé d'un collier de fleur me nargue, il ajoute:
_ Hanuman, good ! protection. no problem!
Comme je vous l'ai dis, les croyance forcent le respect. Ne sachant pas quoi répondre, le bec cloué, je suis retourné tout penaud à mon siège, en serrant les fesses.
Et il continue. Horn ok please. Et il y va!
Mais après plusieurs kilomètres ainsi, il finit par ralentir. Intrigué, je me soulève de mon siège et regarde par la vitre. En équilibre instable, la soeur ainée de notre bus (c'est dire..), même modèle, le flanc défoncé, crache ses derniers soupirs, dans un bruit de vapeur et de vitre brisés. On ralentit, on s'enquiert, on observe les malheureux passagers, qui attendent stoïques. Non, ils ne sont pas blessés. Non, ils n'ont pas besoin d'aide. Ils ont déjàs appelés. On va venir les chercher. On leur donne quelques bouteilles d'eau et des biscuits pour les enfants.
Notre chauffeur referme la porte, repart, et recommence à enchainer les mêmes dépassement improbables.
Alors là! ça va pas se passer comme ça ! Bien décidé à lui dire ce que je pense de son Hanuman et ses fleurs, je retourne le voir
_ Then ? protection really ? didn't you see what happen with the other bus ?
Alors là, jamais j'oublierais son regard convaincu.
_ yes, no problem sir, protection..
(Protection! protection, je vais te dire je que j'en pense moi!) mais avant que je puisse dire quoique ce soit, il précise:
_ the driver (en faisant un vague geste vers l'arrière)..he..muslim!..no hindou. He..no good. Hanuman good.
Jugeant son explication suffisante, il "horn" encore une fois et il y a va.
Quoi répondre ? il vient de me clouer le bec une deuxième fois. Et une deuxième fois, je suis retourné à mon siège...
On est finalement arrivés à
Mont Abu..sain et sauf.
Balaise les chauffeurs de bus indien!
Mais je reste quand même dubitatif sur sa foi et sur cette impression qu'il s'est quand même bien foutu de ma gueule..