Patrick,
Je ne résiste pas de te mettre un extrait de ma traversée du Salar par l'Est du Tunupa. A toi de voir ! Bonne route !
Lundi 17 Mai 2010 : Ce matin, grand jour, la traversée tant attendue du salar d'
Uyuni, un immense lac de sel d'environ 80 à 100 km de diamètre à près de 4000 m d'altitude. Ca commence plutôt mal. Il était convenu avec la tenancière de la pension où je loge que je prendrai le petit-déjeuner à 7h. A 7h, mon matériel est prêt, les sacoches sont sur le vélo, tout est noir, tout est fermé au... cadenas. Je tape fort. Un monsieur arrive, m'ouvre les portes, mais le desayuno est à 7h30 pas à 7h. Je lui explique que Madame m'avait affirmé que... que j'ai muchos km à faire, rien n'y fait. Alors... Adios ! Je suis parti l'estomac vide. J'emprunte une piste qui ressemble au début à une piste pour dépôt d'ordures ménagères, mais... bientôt, la fiesta commence. On enfile une série de plats avec de très belles courbes épousant le relief. On arrive même à une piste tellement belle, avec un mélange de sable et de sel, que c'est vraiment un billard, et rouler est un vrai bonheur. Mais il faut aussi parfois descendre de vélo et pousser dans le sable. Le seul hic est que les rafales de vent sont toujours présentes mais soufflent pour le moment dans le bon sens. On longe par l'Est le volcan Tunupa qui culmine à un peu plus de 5000 m, que nous avions grimpé il y a quelques années avec Dominique. On fait ainsi une trentaine de km pour arriver... à l'entrée du Salar ! Combien de fois n'ai-je pas rêver d'être là ! Je suis seul, les nuages sont encore là, le vent est encore là. Je sors le GPS qui va me permettre de pointer l'hôtel de sel situé à environ 80 km droit au sud. L'hésitation est un peu là car n'est-il pas un peu présomptueux de se lancer dans cette traversée de plus de 80 km sur ce désert blanc ! Mais l'hésitation est de courte durée. Tu es là, tu l'as voulu, vas-y. Fais confiance au matériel (le GPS). Et c'est parti ! Je file droit vers la direction que me donne le GPS. De l'eau sur le sel, un peu d'abord, un peu plus après (de l'ordre de 5 cm). Toujours de l'eau. Je commence à être sérieusement inquiet... et si c'était comme ça durant les 80 km ! J'apprendrai le soir même chez les gens qui ont accepté que je mette ma tente chez eux, qu'il avait neigé la veille et que cette eau évidemment était principalement liée à cette tombée de neige. Je roule, je joue à cache-cache avec le GPS qui me remet toujours dans le droit chemin lorsque je m'écarte un peu de la direction. Etonnantes les configurations que peut prendre le sel ! Tantôt plat et lisse comme on l'imagine dans les livres, alors on file comme la flèche, rien ne freine, on est entre 25 et 30 km/h même avec mon chargement. Tantôt il est presque comme du sable mou, alors là... c'est presque la descente aux enfers (et si ca durait ainsi durant les 50 km restant !). Tantôt, il est constitué de séries de piquots très durs, et alors là, pour rouler... mieux préférer encore la tôle ondulée ! Tantôt, il y a des trous d'eau qu'il vaut mieux éviter évidemment, tantôt des sortes de formes arrondies de quelques mètres de diamètre qui sont autant de bosses qu'il vaut mieux anticiper... Les kilomètres s'égrènent petit à petit. Chaque type de morphologie saline dure en gros de 4 a 5 km avec des transitions que l'on sent bien sous les pneus. Etonnant de se trouver là avec le Tunupa derrière soi qui devient de plus en plus petit... Mais j'avance donc ! Sans le GPS, je crois qu'il aurait été inconscient de se lancer dans cette traversée. Car le seul repère un peu objectif est le soleil que l'on a de côté et derrière soi (on est au Sud de l'
Equateur) avec l'ombre portée qui peut servir un peu de repère. Puis, lorsqu'on commence à apercevoir le relief Sud derrière le Salar, on peut pointer un peu la direction. Mais quelle sécurité apporte ce petit appareil qui fonctionne avec les satellites présents au-dessus de soi et qui nous permet de savoir très exactement à combien de km se trouve le point visé, à quelle vitesse on roule, et surtout à quel angle roule-t-on par rapport à l'angle auquel il faut rouler. Une flèche indique donc la direction à suivre. Rien de plus simple mais encore faut-il qu'il y ait des batteries avec suffisamment d'énergie pour fonctionner toute la durée du parcours ! J'avais prévu des batteries de rechange que je recharge avec le capteur solaire déplié à l'arrière du vélo, sur les sacoches et la tente. Je me suis arrêté deux fois pour manger un bout et boire un coup. Quel paysage ! Je me photographie avec la tête encagoulée de vert (un vrai bandido !). L'appareil photo a dû avoir peur car après m'être photographié avec la cagoule, il n'a plus voulu fonctionner malgré le changement de batterie. Heureusement, le soir, il fonctionnait à nouveau. Etait-ce le sel ?... Aucune voiture, aucun vélo... Curieux ! Je me rapproche de l'hôtel de sel maintenant à moins de 20 km. Une masse noire à ma gauche, loin, qui semble ne pas bouger. Je me déporte au cas où il y aurait une personne en difficulté ou en panne. En fait, c'est un gros cairn placé là probablement comme un phare pour les marins. Au fond, le ciel montre une énorme barre orangée. C'est une tempête de sable dans le
Sud Lipez venant probablement aussi du désert de l'
Atacama. Cette barre de nuages semble avancer vers le Nord. Je presse les pédales de plus en plus fort. Je vois soudain à me droite un flamant rose venu là peut-être... pour éviter la tempête. Les hypothèses vont bon train dans ma tête. Je vois ensuite la ville d'
Uyuni au fin fond, loin, qui de fait a subi cette violente bourrasque de sable. Arrivé à 8 km du point de repère de l'hôtel de sel, je vois de vieilles traces de voitures qui partent vers la gauche, vers la terre ferme. Je décide de les suivre, mais au bout de quelques km, elles se perdent dans... l'eau qui redevient très importante sur le Salar. Que faire, revenir, c'est aller à l'hôtel de sel mais qui se trouve à environ une quinzaine de km de la terre. J'opte pour viser au plus droit vers la terre, dans l'eau, compte tenu de ce risque du nuage de sable qui m'inquiète un peu. Je parviens finalement dans un secteur où se fait l'extraction de plaques de sel. Elles sont là, entassées, prêtes à être emportées par camion. Mais... pas de camion, pas de mineurs. Je finis par voir tout au fond deux voitures qui semblent bouger un peu. Je vise les voitures. Elles partent. Je finis par repérer l'endroit où elles sont passées. Et, comme un beau signe de bienvenue, tout un groupe de flamants roses s'envolent, magnifiques de couleurs, lorsque je finis par pointer l'endroit où je vais... atterrir. Je suis sur terre, maculé de sel tout comme mon vélo ! Puis, je roule sans trop de difficultés pour parvenir au petit village de
Colchani peuplé principalement de mineurs de sel. Je voulais coucher sous tente sur le Salar. Les conditions - météo un peu tempétueuse, eau sur le Salar - m'ont fait renoncer d'autant que mon matelas fuit ! J'ai trouvé asile chez une famille à Colchani, qui a accepté que je plante ma tente... au milieu d'une sorte de cour des miracles avec de petits adorables morveux, des filles, des garçons, des hommes, des... chiens (qui m'ont aboyé dans les oreilles toute la nuit... costauds et coriaces ces petits chiens qui au moindre mouvement dans mon duvet se mettaient à gueuler !). J'ai pu un peu enlever du sel sur mon vélo et surtout sur mes plateaux, sur mes pignons, sur mes freins... Dodo bien mérité. Formidable journée. Comme on dirait en montagne : grande et belle course ! Une trentaine de km pour accéder au Salar, un peu plus de 80 km sur le Salar, le reste pour atteindre
Coilchani. La météo est ici aussi un peu bousculée. Aux dires de mes hôtes, la veille il a neigé et... ils n'avaient pas vu cela depuis au moins 20 ans. Beau et magnifique Salar d'
Uyuni ! Puisses-tu rester à l'écart de ces projets d'extraction de lithium que certains envisageraient sur ce joyau mondial de la Nature.
Llica - Colchani
127 km, +200 m -255 m 7h15 - 17h