Icône à une fin tragique
Mannequin pour Vogue, actrice de Fellini, muse d'Andy Warhol, amante de Bob Dylan, Brian Jones, Jim Morrison, Leonard Cohen, Jackson Browne et Alain Delon, auteure-compositrice, musicienne et chanteuse à une voix gutturale et sans émotion : elle est principalement connue pour avoir interprété trois morceaux éblouissants dans le mythique premier opus du Velvet Underground, sorti en mars 1967 et baptisé aussi "l’album à la banane" (Femme Fatale, I’ll Be Your Mirror et All Tomorrow΄s Parties + au chœur sur Sunday Morning): Christa Päffgen, plus connue sous le nom de Nico. Mais la vie de Christa Päffgen, dite Nico, ne s’arrête pas à la courte aventure Velvet, loin de là...
Nico est née le 16 octobre 1938 à
Cologne. Un enfant de guerre qui ne connaîtra jamais son père. A la fin dés années 50, elle est un des mannequins les plus convoités, vit entre
Paris et
Londres et rencontre Bob Dylan, Brian Jones et Jimmy Page. En 1959, elle interprète son propre rôle dans le film
La Dolce Vita de Fellini. Au début des années 60, elle commence à expérimenter avec des drogues. A
New York, la très belle blonde au regard hypnotique charme Andy Warhol et devient l’une des égéries du pape du pop art qui la fait jouer dans plusieurs de ses films (
Chelsea Girl, Sunset...) et l’impose comme chanteuse du Velvet Underground. Toutefois, sa collaboration avec les autres Velvets n’est que de courte durée.
Elle commence alors une carrière solo, et enregistre dans les deux décennies suivantes une série d'albums acclamés aujourd'hui par les critiques, avec notamment John Cale, Brian Eno et Phil Manzanera (les deux derniers sont membres du groupe Roxy Music). C’est surtout grâce à John Cale qui l’encourage à écrire et composer, qui produit quatre de ses albums solo, tout en s’occupant des arrangements et en jouant de plusieurs instruments.
En 1967, Nico signe son premier album solo
Chelsea Girl, titré ainsi en référence au film d’Andy Warhol dans lequel elle a joué. Les morceaux proviennent de la plume de Bob Dylan (
I’ll keep it with mine), Tim Hardin (
Eulogy to Lenny Bruce),
Jackson Browne (
These Days / Somewere there’s a Feather), et des Velvets Lou Reed, Sterling Morrison et John Cale (
Little Sister / Chelsea Girl / Winter Song / Wrap your Troubles in Dreams). Dans cet album original, aux arrangements de cordes et de flûtes, Nico affirme d’emblée un style unique. Sa voix se fait plus sombre et spectrale, plus fascinante et mélancolique aussi... Mais l’album ne connaît pas un grand succès.
A partir du deuxième album solo (1969),
The Marble Index, suivant les encouragements de John Cale, Nico écrit toutes les paroles et la musique, et elle y joue de l’harmonium, qui devient désormais son instrument de prédilection. La musique de Nico s’oriente de plus en plus nettement vers une musique non conventionnelle aux tonalités proches de la New Wave la plus sombre et du rock gothique. Sinon, elle commence à prendre de l’héroïne, une drogue qui l’accompagnera jusqu’au bout de sa vie.
A partir des années 70, Nico vit entre
Berlin,
Paris,
New York et Ibiza. En 1969, la chanteuse rencontre le cinéaste français Philippe Garrel avec lequel elle vivra pendant neuf ans. Elle participe au cinéma de lui et publie également un recueil de poèmes,
Chemin d’une vie.
Le 13 décembre 1974, Nico se produit en concert avec le groupe Tangerine Dream à la cathédrale de
Reims devant plus de 5 000 personnes.
En 1981, Nico enregistre un autre album :
Drama of Exile, premier album sans John Cale qui contraste avec ses travaux précédents avec John Cale en mêlant rock et arrangements moyen-orientaux, "a tentative foray into post-punk" (Wikipedia). L’album comprend le classique reedien
I’m Waiting for the Man et
Heroes de David Bowie.
En 1985, Nico enregistre son dernier album studio,
Camera Obscura, très expérimental aux sonorités jazz sur lequel elle reprend la pièce célèbre
My Funny Valentine du trompettiste Chet Baker.
C’est le 6 juin 1988 à
Berlin (-Ouest) que la chanteuse donne son dernier concert, à la fois magique et mémorable, à savoir dans le cadre de "
Berlin – Capitale européenne de la culture 1988", au Planetarium de la Wilhelm-Foerster-Sternwarte. Accompagnée par The Fraction (qui sont James Young – piano, Graham Dowdall – batterie, Henry Olson – guitar), un auditoire enthousiaste devient témoin de la musique idiosyncrasique de Nico... Ce concert est enregistré et édité sous "Nico’s Last Concert : Fata Morgana" (voir en bas).
A peine plus d’un mois après ce concert, le 18 juillet 1988, Nico meurt à l’hôpital d’une hémorragie cérébrale, quelques heures après une chute à vélo sur l’île d’Ibiza. Une des morts les plus absurdes de l’histoire du rock’n’roll : montée sur son vélo, vêtue d’un pantalon de cuir noir et d’autres vêtements lourds, son corps émacié, rongé par la drogue, s’effond à 40 degrés à l’ombre. La femme qui a tourné la tête d’un grand nombre des hommes les plus recherchés des années 60 et qui est devenue aussi une icône de la musique, perd la vie sur le bord d’une route sous le soleil ardent de l’
Espagne.
Il y a trente ans...
Au milieu de la forêt de
Grunewald à
Berlin, à côté de sa mère Margarete, le cimetière (surnommé "cimetière des suicidés" par les Berlinois) est la dernière demeure de l’îcone du rock ambiance 60s...
Discographie :
Albums studio :
1967 : The Velvet Underground and Nico
1967 : Chelsea Girl
1969 : The Marble Index
1970 : Desertshore
1974 : The End
1981 : Drama of Exile
1985 : Camera Obscura
Albums live :
1974 : June 1, 1974 (avec John Cale, Kevin Ayers, Brian Eno)
1982 : Do or Die: Nico in Europe
1985 : Nico Live in Pécs
1986 : Live Heroes
1986 : Behind the Iron Curtain
1987 : Nico in
Tokyo1988 : Nico’s Last Concert : Fata Morgana
1989 : Hanging Gardens
1994 : Heroine
Compilations :
1998 : Nico: The Classic Years
2002 : Innocent & Vain – An Introduction to Nico
2003 : Femme Fatale – The Aura Anthology
2008 : Le Cinéma de Serge Gainsbourg – Musiques de films 1959-1990
Biographie :
Feray, Serge (2016).
Nico, femme fatale. Le mot et le reste.
Graf-Ulbrich, Lutz (2015).
Nico – In the Shadow of the Moon Goddess. Kindle.
Witts, Richard (2017).
Nico : The Life and Lies of an Icon. Kindle.
Hery