Attentat de Bombay du 7 juillet 2006 :
Autopsie d’un attentat :
Le 7 juillet 2006, de 18h 24 à 18h35 (heure de pointe), 10 bombes ont explosé dans les compartiments mixtes de
wagons de 1ère classe, dans de nombreuses gares ou très près, en divers points du
Réseau Suburbain Ouest de Bombay, sur une distance de 25km, entre Mira Road et Matunga. Les bombes ont explosé à 18h24 (Santacruz, Khar Road et Bandra), 18h25 (Jogeshwari), 18h26 (Mahim Junction), 18h29 (Mira Road & Bhayandar). 18h30 (Matunga Road & Mahim Junction), 18h35 (Borivali). Dans cette dernière gare, une bombe a été désamorcée par la police (le chiffre 11 est donc important).
Le Western Suburban Network, axe vital de la cité, transporte quotidiennement 4, 5 millions de Mumbaikars. Artère vitale, il relie la banlieue nord au quartier des affaires. (voir image attachée)
L’explosif employé était le RDX (
cyclotrimethylenetrinitramine), communément considéré comme l’explosif militaire le plus puissant qui soit.
Il a probablement été placé dans des sacs ou dans ces boites ou les Indiens mettent leur repas de midi ; le tout posé sur les
compartiments à bagages situés au dessus des passagers. Il y avait au moins
5kg d’explosifs par explosion.
Selon la police, au moins 20 terroristes se trouvaient dans les trains (2 par explosion), plus 6 personnes assurant la logistique à l’extérieur. Ils auraient choisi les
wagons de 1ère classe parce qu’ils sont
plus faciles d’accès, surtout quand on est chargé de 5kgs d’explosifs.
207 personnes ont été tuées et 714 blessées. On ne dénombre pas d’étrangers parmi eux. Cette fois c’est bien «
Monsieur Tout Le Monde » qui est touché.
Le
réseau suburbain, échine dorsale de la ville est également son talon d’Achille, car les trains surpeuplés sont une
cible de choix.
L’absence criante de système de sécurité basique, comme des caméras dans les gares, fait scandale dans la presse. Sur le Réseau Suburbain Ouest, après 3 ans de lenteur bureaucratique, on commençait à peine à les installer en juillet, au moment même des attentats. Cela n’aura coûté qu’un crore (10 millions de roupies, soit 166.000 euros).
Le
manque de coordination entre les services de renseignements ferroviaires et ceux de l’Etat a également été pointé du doigt.
Une indemnité d’un lakh (100.000 roupies soit 1666 euros) a été promise par le Premier Ministre du Maharastra aux proches des victimes.
Les Chemins de Fer Indiens ont annoncé, quant à eux, 5 lakhs d’indemnité et fait une promesse d’emploi.
Anecdotes :
Mauvais Anniversaire : Le matin de son 59ème anniversaire, l’ingénieur des chemins de fer Namdev Bhagat a quitté le domicile familial en promettant à sa femme et ses deux filles de revenir tôt pour les emmener faire des achats. Sa femme l’a attendu plus d’une heure le soir à la gare de Malad et a fini par se résigner à rentrer à la maison. Ce n’est qu’à 23h que la police de Mahim l’a prévenue que son mari avait péri dans l’explosion. Son corps ne portant aucune blessure, l’on suppose qu’il a succombé à un infarctus.
On se sauve comme on peut : Porgo Nadar, 33 ans, qui se rendait à Malad a soudain entendu un grand bruit. Un instant après il a senti ses jambes saigner. Il est tombé du train et a perdu connaissance pendant quelques minutes. Quand il s’est réveillé, il a couru hors de la gare et des gens l’ont aidé à se rendre à l’hôpital débordé par des cas plus sérieux que le sien.
Lakshman Parab, 33 ans, était dans le « Borivali Fast » quand le train quittait Bandra. Lors de l’xplosion, Lakshman a reçu des éclats de métal dans la figure, et s’est mis à saigner abondamment. Il a réussi à sauter du train, et quelqu’un qui se rendait à l’Hôpital Bhabha l’y a emmené. On lui a mis des bandages mais on ne lui a pas retiré les éclats de métal immédiatement.
1ère fois en 1ère classe : Kirtibhai Shah, 65 ans, avait acheté le premier billet de 1ère classe de sa vie grâce à son fils Bijal. S'il était monté en seconde, comme à l’accoutumée, il serait encore en vie. Son corps était dans un tel état que ses proches n’ont pas pu le ramener à la maison.
S.O.S. Boucherie : Daksha Modi, 45 ans, employée de l’Indian Bank, se trouvait dans un train qui a explosé en quittant la gare de Mahim. En recherchant son beau frère, qui voyageait dans le compartiment voisin, elle n’a trouvé que bras démembrés, yeux exorbités et intestins pendants. Des tas de gens étaient coincés sous le toit effondré et sous les sièges. Oubliant sa tragédie personnelle, elle s’est précipitée à leur aide.
Beaucoup de restes humains ont été reconnus par les familles grâce à une chaussure ou un autre objet personnel, les visages étant souvent brûlés, et les morceaux de corps ayant perdu leurs vêtements.
Capitale de l’entraide et du système D:
Même si l’on pouvait craindre une explosion de haine vengeresse une semaine après les émeutes interreligieuses de Bhiwandi, de très nombreux Mumbaikars ont porté secours aux passagers, leur fournissant eau et nourriture, ont aidé les secouristes à transporter les blessés, les agents à réguler la circulation, et les familles à reconnaître les restes de leurs proches.
Des enfants ont fait preuve d’un civisme peu ordinaire en nourrissant et en abreuvant des personnes affamées et assoiffées.
Des particuliers, de l’automobiliste au cycliste, et même des taxis, ont ramené gratuitement des centaines de milliers de personnes dans leurs banlieues. Beaucoup ont pédalé gracieusement sur plus de 15km, de Matunga à Borivali.
En l’absence de la Police Ferroviaire, les riverains des gares ont spontanément protégé les corps et les biens des victimes.
Dans les hôpitaux, de bons samaritains ont apporté à manger aux proches des victimes et leur ont tenu compagnie. Des volontaires ont convoyé des blessés par tous les moyens en payant le transport.
Des jeunes ont ridiculisé les agents de la circulation en guidant les automobilistes vers les rues les moins embouteillées.
L’on a aussi vu des gens brandir des écriteaux annonçant : « N’importe qui peut venir passer la nuit chez nous. Gratuit. ».
Ce jour là, la religion n’avait plus aucune importance.
Quand la police est parvenue sur les lieux des attentats : beaucoup de blessés étaient déjà à l’hôpital et leurs familles averties.
Liste des précédents attentats à Bombay :
Bombay, surnommée « Maximum City », victime de sa gloire (son dynamisme, son pouvoir économique, son image mythique) est devenue une cible de choix pour les terroristes. Elle les attire aussi parce qu’elle est très « médiatique » et que la sensibilité interreligieuse y est à fleur de peau.La ville n’avait pas besoin d’un nouvel attentat après les émeutes interreligieuses de Bhiwandi (à 40km) et les inondations, survenues une semaine plus tôt.
Voici une liste des attentats déjà commis dans cette ville depuis 1993:
13 mars 1993 : 13 explosions visant notamment la Bourse, des hotels, des banques, et Air India. Elles arrivaient à la suite de longues émeutes interreligieuses, commanditées par le parrain Dawood Ibrahim.
257 morts, 1400 blessés. Jugement en instance.
jan/fév 1998 : explosions dans des trains à Kanjumag, Goregaon & Malad
4 morts, 30 blessés. 11 personnes emprisonnées.
2 décembre 2002 : explosion dans un bus à Ghatkopar
4 morts, 49 blessés. 8 accusés acquittés faute de preuves.
6 décembre 2002 : explosion dans les conduits de la climatisation d’un resto de la gare de
Bombay. 25 blessés.
28 janvier 2003 : explosion visant la communauté gujarati près de la gare de Vile Parle. La bombe était sur un vélo, un jour où les magasins étaient fermés. 1 mort, 25 blessés.
14 mars 2003 : explosion dans un compartiment féminin de 1ère classe d’un train, entre le terminus de Chhatrapati Shivaji et la gare de Karjat. 12 morts, 70 blessés. Œuvre du Students’ Islamic Movement of
India.
25 août 2003 : explosions à la
Porte de l’Inde et au Bazar Zaaveri, à l’heure du déjeuner. Les bombes étaient dans des taxis.
52 morts, 100 blessés.
"Signes avant-coureurs" des attentats de 2006 en divers points de l’Etat du Maharastra:
6 janvier 2006 : 20 détonateurs saisis sur 3 jeunes cachemiris à
Bombay30 janvier 2006 : 950g de poudre et 2 révolvers saisis sur 2 personnes au terminus de Kurla.
9 mai 2006 : 13kg de RDX, 2000 cartouches et 10 AK-56 saisis à
Aurangabad.
12 mai 2006 : des armes, 200 cartouches et 50 grenades saisies à Manmad.
14 mai 2006 : 30kg de RDX, 3 AK-47 et 1000 cartouches saisis à Malegaon
1er juin 2006 : Attaque du Quartier Général du RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh – Union des Volontaires Nationaux - mouvement nationaliste hindou) de Nagpur. 6, 5kg de RDX, 12 grenades et 3 AK-56 saisis.
(Sources: India Today n° du 24 juillet 2006 & Wikipédia) Image attachée: