Moins connues que leurs grandes sœurs, Oléron et Ré, les îles d'Aix et de Madame sont aussi les plus petites des quatre îles situées au large des côtes de Charente Maritime. Certes ce sont des îles confettis, mais la diversité de leurs paysages rend leur visite particulièrement plaisante. Je les ai (re)découverte il y a quelques mois lors de balades pédestres le long des sentiers qui les parcourent.
Ce fut un plaisir de refaire le « voyage » en rédigeant ce texte/photos, un récit que j'ai voulu partager en le mettant en ligne, ici sur VoyageForum.
Ces îles sont situées dans ma région mais la curiosité et le plaisir voyageur sont parfois à deux pas de chez soi...Pour débuter le récit, honneur à la plus petite des deux îles, honneur donc à Madame.
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La route m'a mené jusqu'à la côte, son terminus où je débarque à..
Port des Barques (je n'ai pu résister au jeu de mots !).
Arrivé au bord de la grève, je n'ai d'yeux que pour
Madame...
Madame (tout court) est effet le nom d'une
île minuscule au large des côtes de
Charente Maritime. Cette île, un mini territoire d'à peine 1 kilomètre sur environ 700 mètres, est située juste à l'embouchure de la rivière
Charente.
D'ici, on aperçoit un imposant Fort et des carrelets (cabanes de pêche sur pilotis) déjà un avant-goût du programme de la balade sur l'île qui par ailleurs réserve au visiteur quelques autres aspects à découvrir.
Madame est vraiment une île... mais seulement à pleine mer car lors de la marée basse son territoire est relié au continent par un
tombolo. Un chemin fait de galets et de graviers d'un kilomètre ou sans doute un peu plus car son tracé est plutôt sinueux.
Parfait, comme prévu les eaux se sont retirées, c'est donc bien le moment d'en profiter pour s'engager (sans risque) sur ce fameux tombolo.
Je ne sais si c'est le fait de voir cet accès ouvert juste quelques heures par jour mais les gens qui empruntent ce matin cette « Passe aux bœufs » (c'est son nom) semblent être plein d'allant.
Il y à là de joyeux randonneurs aux pas cadencés, un tracteur et sa remorque chargée de matériels qui brinquebalent au gré des cailloux, des cyclistes enthousiastes, un homme tenant en laisse son chien, une joggeuse aux foulées rythmées... enfin tout un petit monde qui se dirige allègrement vers
Madame.
En revanche, je n'ai vu aucun bœufs parcourant cette Passe... dite pourtant, aux bœufs !
Le hasard a voulu qu'à mes côtés, pressant lui aussi le pas, cet homme habitant le port marche en tirant une petite charrette. Comme nous sommes côte à côte, la conversation s'engage très naturellement.
« Non, non, je ne vais pas jusqu'à l'île » me dit-il, avant d'ajouter,
« Je vais simplement relever mon filet de pêche, vous voyez sur la gauche il est fixé par les deux flotteurs rouges... ». En effet, en observant bien on devine ces bouées dont la teinte contraste avec la vase sur laquelle elles reposent.
Je ne le suivrai pas plus loin, le terrain au-delà de la passe de pierres est on ne peut plus vaseux et glissant... je ne suis pas équipé de bottes mais de classiques chaussures de marche.
Finalement, je ne saurai pas si la prise dans les mailles a été bonne durant la marée haute.
« On attrape souvent (ou parfois !) des bars, mulets ou dorades » m'affirme avec fierté ce sympathique
pêcheur à pied... et à carriole.
Il est souvent de bon ton lorsqu'on présente un lieu de commencer le récit par quelques mots d'histoires. Ici, dès le pied posé sur le sol rocailleux de l'île, un fait historique local vous accueille avec une
croix et puis une stèle. Sur la pierre on peut lire l'inscription suivante: « En mémoire des 254 prêtres inhumés dans l'
île Madame en1794 ».
Quelques mètres plus loin, au beau milieu d'une prairie verdoyante, une immense croix faite de galets rend hommage à ces ecclésiastiques. Des prêtres réfractaires ayant refusé de prêter serment à la nouvelle Constitution. Déportés et maltraités, l'histoire raconte qu'ils moururent de maladies ou d'épuisement.
Bon, vous me direz que cette première étape dans la découverte de l'
île Madame n'est pas très gaie, en effet, mais c'est ainsi.
La suite de la randonnée s’avérera un peu plus riante comme par exemple la vue de cette paisible
scène campagnarde. Deux chevaux au pelage blanc qui offrent à mon objectif ce cadrage et ces reflets à la surface de l'eau, idéalement photogénique !
J'aperçois aussi à travers quelques broussailles d'autres animaux broutant dans un autre champ. Des chevaux encore ou des vaches ? Non, des moutons de prés salés facilement identifiables lorsqu'ils se sont mis à « bêêê... ler » !
Voilà que maintenant c'est un drôle d'attelage qui me dépasse. Une remorque ou un bateau ? Assurément les deux, avec cette embarcation à roues, est-elle amphibie ? Peut être bien !
Sur une île et d'autant plus lorsqu'elle est toute petite comme
Madame, environ 75 hectares seulement, tous les chemins mènent très rapidement aux rivages et ici immanquablement le littoral est ponctué de
carrelets.
Ces cabanes de pêches typiques de la région, juchées sur leurs pilotis sont en nombre sur les rives de l'île, la plupart sont pimpantes avec leur coloris qui se remarquent : bleu, vert, rouge, marron ou tout simplement blanc. Elles font parties du décor et agrémentent de belle façon le paysage côtier.
Il suffit de faire quelques pas sur le sentier qui sinue le long du littoral pour découvrir entre criques abritées et autre carrelets, une tourelle.
Une tour bien visible à marée basse qui autrefois était reliée à la côte par une passerelle emportée depuis par les assauts d'une tempête.
En fait, il s'agit d'un puits : le
Puits des Insurgés. Une source canalisée par le travail de déportés Communards en 1871. Un point d'eau potable bien utile aux résidents de l'île qui autrefois étaient principalement des soldats d'une garnison basée dans le Fort de l'île.
Édifié sur le point culminant de l'île, c'est à dire sur une petite colline, l'imposant
Fort ne passe pas inaperçu. Une enceinte carrée et des casemates qui s'intégraient dans le système défensif régional de l'arsenal de
Rochefort.
Me voilà à présent devant ces épaisses murailles et au bord du fossé. Alors que par définition l'eau entoure le pourtour de l'île, le fort est quant à lui bordé de fossés qui ont toujours été à sec ! Sur la façade à droite on voit une caponnière (casemate d'artillerie) avec ses meurtrières, à l'intérieur les soldats veillaient armes en mains et malheur aux assaillants éventuels..
La construction de cet édifice militaire a débuté en 1695 avant d'être remanié puis rehaussé par la suite.
En observant attentivement la muraille, on constate une différence de teintes entre les moellons du bas et ceux de la partie supérieure, ces derniers posés dans un second temps ne provenaient donc pas de la même carrière.
Suivons la guide pour pénétrer dans l'enceinte. Une grosse serrure rouillée et des charnières grincent à souhait lors de l'ouverture de la grille, bonjour l'atmosphère d'antan !
Le pont levis traversé, on se trouve vite dans la cour, là, il faut imaginer entre ces murs la garnison de l'époque et ses 250 hommes en rangs serrés.
La visite nous mène ensuite dans une des parties principales du fort : le magasin à poudre. Une salle voûtée entourée d'une galerie extérieure de protection et d'ouvertures qui assuraient des puits de lumières. On devine que dans un tel entrepôt d'explosifs, il était particulièrement dangereux de s'éclairer avec des lanternes, au risque de faire boom ! à la moindre étincelle.
Entre la période actuelle dédiée aux visites touristiques et l'époque où ce fort était un poste militaire, ces lieux ont été l'objet de bien d'autres utilisations. Soit une prison ou une résidence de vacances avec restaurant panoramique, ou bien encore un site tombant en ruines abandonné aux pilleurs et aux squatteurs.
Il y a bien eu aussi le projet d'un riche particulier pour y établir un luxueux établissement hôtelier mais les difficultés (administratives, de rénovations avec mises aux normes et financières sans doute) ont mis à mal l'ambitieux projet...
D'une Passe à l'autre... Après avoir emprunté la Passe aux bœufs pour accéder à l'île, voici une autre
Passe, située à l'opposée de la première. Mais celle-ci ne mène qu'à une étendue de rochers, de vasières et de parcs à huîtres.
Comme l'indique ce panneau, elle est réservée aux véhicules des professionnels de la mer et pour les piétons aventureux, mieux vaut ne pas aller trop loin lorsque la marée commence à monter...
Faisons un crochet par l'intérieur de l'
île Madame. Son territoire est si petit que même depuis le milieu des champs on aperçoit toujours en fond les carrelets du rivage.
A propos de champs et de cultures, il y a sur l'île une ferme agricole et quelques étendues cultivées comme des parcelles de petits pois ou plus photogénique ce
champ de colza en fleurs, jolie perspective jaune particulièrement esthétique.
En arrière plan, on distingue une partie du « hameau » qui se résume en fait à quelques rares maisons, d'anciennes constructions destinées autrefois aux militaires.
De nos jours ces logements on été transformées en résidences pour vacanciers. Pour les estivants amoureux de cette nature insulaire sauvage, à proximité, on trouve aussi une petite aire de camping, ouverte en saison.
Passons de l'agriculture à l'aquaculture, une autre activité pratiquée sur l'île.
La ferme aquacole mérite que l'on y fasse un tour pour y découvrir ses bassins et ses
salines où en période printanière les outils traditionnels du saunier sont au repos. Ils attendent comme les professionnels l'évaporation estivale pour récolter le sel et la savoureuse fleur de sel.
Comme beaucoup de visiteurs, je complète ma balade entre les salines et autres bassins par un tour à l'intérieur de la boutique de présentation/vente des produits de la ferme. Bien achalandée, on y trouve toutes sortes de spécialités, entre autre du sel ou de la moutarde aromatisée aux algues ou aux salicornes.
Tiens, cette moutarde aux salicornes émoustille mes papilles d'autant que répondant à mes interrogations, le récoltant/vendeur me vante « ses » salicornes qui apportent au condiment une touche iodée et une texture craquante... va pour un pot de moutarde « salicornée », ce sera mon souvenir gustatif de l'île.
Et le jeune homme de poursuivre la conversation à propos de ses salicornes cultivées sur les terres salées de la ferme :
« La culture est totalement bio, les plantes sont copieusement arrosées d'eau de mer... inutile vraiment d'ajouter des herbicides, l'eau marine très salée fait office de puissant désherbant ! On ne peut pas faire plus naturel... ».
Comme souvenir de l'île, J'aurais pu opter aussi pour les très appétissants caramels à la fleur de sel, une autre spécialité locale.
Soit dit en passant, l'établissement n'est pas seulement une boutique de souvenirs mais également un bar/restaurant où l'on peut faire à sa guise une halte repos/restauration. Au cas où la balade îlienne vous donnerait un petit creux...
Pour l'instant, avant de rejoindre à nouveau le bord de mer, ce sont les
salicornes de pleine terre que je m'en vais voir. En voici dont les tiges se faufilent dans les fissures de cette terre desséchée dans l'attente de son arrosage... d'eau salée.
Afin de terminer mon tour de l'île, je retrouve le dernier tronçon du chemin littoral. Et qu' y a-t-il tout le long des rochers face à la mer ?
Un
alignement de carrelets, bien sûr ! Si hauts perchés qu'on dirait qu'ils sont sur des échasses. En tout cas, on ne peut que constater la solide fixation à la roche de ces cabines de pêche, quel agencement avec cette imbrication de poteaux ! C'est impressionnant et indispensable afin de résister aux tempêtes et à la houle des tempêtes d'équinoxe.
En prenant cette photo, j'aperçois le propriétaire/pêcheur devant son carrelet, il attend patiemment la montée des eaux pour pouvoir enfin s'adonner à sa passion de pêche au carrelet.
Sa cabane se distingue des autres par sa jolie décoration : une belle teinte bleue, une mouette et un voilier agrémentent une des façades, bravo mon bon monsieur de
Madame !
Le sentier serpente ensuite à travers la lande, le silence du lieu rend encore plus audible les chants des oiseaux de cette campagne miniature et ce n'est pas pour me déplaire.
Au fait, vous vous demandez peut-être d'où vient ce nom original d'
île Madame ? Selon certains historiens, ce nom pourrait provenir de celui de «
Madame » Anne de Rohant-Chabot, princesse de Soubise de la Seigneurie du même nom auquel est rattachée l'île en 1667 sur ordre de Louis XIV et la petite histoire d'ajouter que
Madame était à l'époque une intime favorite du Roi Soleil.
Au bout de ce chemin, blanc et poussiéreux, apparaît maintenant le fameux tombolo emprunté plutôt ce matin pour accéder à l'île.
Cette passe sera évidemment celle du retour vers le continent. La voie est hors d'eau, il est donc encore temps de l'emprunter avant que la marée montante ne la submerge.
Balade sur l'
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