Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Blue439 · 5 novembre 2017 à 23:07 · 66 photos 69 messages · 15 participants · 8 996 affichages | | | 5 novembre 2017 à 23:07 · Modifié le 6 nov. 2017 à 10:30 Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 1 de 69 · Page 1 de 4 · 4 757 affichages · Partager Je pense que, pour des raisons instinctives d’auto-protection, l’être humain n’est pas conçu pour intégrer par défaut des notions comme «plus jamais», car de telles pensées nous renvoient à la fragilité et, somme toute, à la brièveté de notre existence sur cette Terre. Elles sont génératrices de mélancolie, voire de déprime, états que l’être humain en bonne santé est programmé pour écarter autant que possible de sa route, à telle enseigne que, lorsqu’un tel état s’installe, s’installe avec lui, bien souvent, la pathologie correspondante.
Tout cela pour dire que, lorsque nous nous trouvons devant un paysage, un spectacle, un événement merveilleux, magnifique, émouvant, nous ressentons instinctivement que ce à quoi nous assistons va nous laisser un souvenir, une émotion durables, mais, au moment de nous détourner à regret pour poursuivre notre chemin, nous ne nous disons pas «plus jamais je ne verrai cet endroit» ou «je viens de voir le Soleil se coucher sur Bagan pour la dernière fois de ma vie... Demain, je reprends l’avion pour la France et je ne reviendrai plus jamais ici».
La plupart d’entre nous ne sommes pas «construits» pour nous dire ce genre de chose. Nous sommes programmés pour voir plutôt le bon côté des choses, pour profiter de la vie et de l’instant présent, voire pour anticiper les joies que recèle l’avenir («je suis impatient qu’arrive tel moment, car c’est alors que je partirai faire ce merveilleux voyage...»), et ce n’est que lorsque l’on prend conscience qu’on est maintenant plus proche de la fin de sa vie que du début, que l’on se remémore parfois quelque souvenir poignant, en se disant «hélas ! plus jamais je ne reverrai cet endroit...». Et, bien souvent, c’est malheureusement vrai.
Étant à peu près normalement constitué, je ne suis pas spécialement plus enclin à la nostalgie que mon prochain. Néanmoins, ce fut bien la nostalgie qui, au printemps 2015, me poussa à retourner en Sardaigne, avec pour principal objectif le fait de «revoir une dernière fois la baie de Cala Garibaldi à Caprera».
Comme vous en avez sûrement déjà marre de ma philosophie de comptoir, je ne vais pas épiloguer —en tous cas, pas trop longtemps. Je dirai donc seulement que, sur l’île paradisiaque de Caprera, au nord-est de la Sardaigne, fut créé dans les années cinquante un village de cases tahitiennes du Club Méditerranée, comme on appelait à l’époque ce que les paresseux d’aujourd’hui écrivent Club Med, puisqu’il faut, toujours et partout, «faire court», débordés que nous sommes par les multiples fragments d’activités entrecoupés de SMS, qui nous conduisent à un train d’enfer vers le jour de notre mort, sans même que nous ayons pris le temps de profiter... du temps qui passe, justement.
Mais je m’égare, une fois de plus.
Village du Club Med, disais-je donc. Moi, jeune ado de 14 ans passionné de voile, j’y fis en famille plusieurs séjours de deux bons mois à chaque fois, et pendant plusieurs années. Il y eut aussi la Corse, la Toscane, la Sicile, mais Caprera et la Sardaigne me marquèrent particulièrement, peut-être parce que c’est là que je vécus mes instants sportifs les plus intenses, que j’appris à naviguer dans le gros temps avec un marin qui allait devenir, quelques années plus tard, skipper de la course autour du monde, et là que je devins, à 14 ans donc, le plus jeune moniteur de voile que le Club ait jamais connu. On imagine la fierté du gamin...
Or donc, au début de l’année 2015, par le plus grand des hasards, j’appris que l’exploitation du village de Caprera avait cessé depuis plusieurs années et que tout était abandonné, laissé en l’état, sans espoir d’y faire quoi que ce soit d’autre puisque le lieu était désormais inclus dans le périmètre d’un parc naturel. La seule option était de tout détruire afin de remettre les lieux dans l’état d’origine, et bien entendu, les fonds pour ce faire manquaient.
Donc, «mon» village de Caprera pourrissait depuis déjà sept ans, sa merveilleuse baie, avec sa petite île posée au milieu, abandonnée de tous.
L’idée me vint aussitôt... que dis-je, l’ardente nécessité se fit jour aussitôt en moi: je devais retourner à Caprera pour documenter photographiquement («en mode urbex», comme diraient les jeunes d’aujourd’hui) le coin de paradis où j’avais été si heureux et si insouciant, près d’un demi-siècle auparavant.
Il me restait des photos de l’époque, photos prises par ma mère ou achetées au photographe du village (en noir-et-blanc, dans ce dernier cas), et en combinant ce qu’elles me montraient, et ce que je découvrais en utilisant les ressources de l’internet, j’acquis la seule certitude qui m’importait: il ne devait pas être difficile d’accéder physiquement dans l’enceinte du village défunt. Par exemple, depuis la plage, seule une frêle barrière en plastique souple d’un mètre de haut en défendait l’accès. J’emporterais mon fidèle Leatherman, et mon non moins fidèle Laguiole, et s’il le fallait, je saurais me servir des deux pour commettre la violation de propriété privée que j’étais tout prêt à assumer dans l’intérêt du devoir de mémoire!
J’arrivai donc en Sardaigne, et plus précisément à l’aéroport d’ Alghero (grand merci au passage à Kate, dont le très joli carnet de voyage sur cette ville et ses environs m’a donné l’idée d’écrire celui-ci !), un jour de semaine parfaitement banal (et choisi comme tel) à la fin d’avril 2015. Trop tôt dans la saison pour que les premiers vacanciers soient déjà là pour s’intéresser à mes activités, mais assez tard quand même pour être quasiment assuré d’une météo typiquement sarde : soleil et belle lumière... si ce n’est qu’en débarquant de Lyon, où il faisait grand soleil, ce fut la pluie qui m’accueillit!
Je ne demeurai pas à Alghero : pour moi, de tous temps, cette ville n’avait été qu’un aéroport. Je pris aussitôt la route, au volant de ma voiture de location, destination le port de Palau, sur la côte nord-est. En chemin, je fus frappé par la magnifique perspective qui s’ouvrait depuis la nationale sur la basilique Santa Trinità di Saccargia, presque oubliée au milieu de la campagne, et dont la beauté sereine, mais aussi la triste décrépitude, me convainquirent de m’arrêter pour faire quelques photos, en profitant d’une miraculeuse éclaircie.
1. Une magnifique "casa cantoniera" abandonnée:
2 et 3. La basilique perdue au milieu des champs...
| | À: Blue439 · 6 novembre 2017 à 7:50 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 2 de 69 · Page 1 de 4 · 4 731 affichages · Partager J'aime bien les histoires... | | À: Atila · 6 novembre 2017 à 9:23 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 3 de 69 · Page 1 de 4 · 4 715 affichages · Partager Moniteur de voile à 14 ans.... Quel talent ! | | À: Atila · 6 novembre 2017 à 10:31 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 4 de 69 · Page 1 de 4 · 4 707 affichages · Partager Merci, Attila! La suite arrive... | | À: Suedois · 6 novembre 2017 à 10:32 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 5 de 69 · Page 1 de 4 · 4 706 affichages · Partager Sur un bateau, j'arrive à me débrouiller à peu près... | | À: Blue439 · 6 novembre 2017 à 16:05 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 6 de 69 · Page 1 de 4 · 4 668 affichages · Partager Bonjour,
un récit, des belles photos, une destination appréciée : il n'en fallait pas plus pour me faire cliquer sur le bouton "suivre cette discussion" | | À: Blue439 · 6 novembre 2017 à 16:44 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 7 de 69 · Page 1 de 4 · 4 657 affichages · Partager Sur un bateau, j'arrive à me débrouiller à peu près...
Je ne conteste pas. Surtout pas car je n'ai pas le pied marin. Mais plutôt sous-marin. Je suis plutôt admiratif des grands-marins. J'en ai côtoyé d'assez sympas. D'autres à vomir. C'est la vie.
Ce qui me fait (un peu) sourire, c'est le terme " Moniteur de voile à 14 ans". Je ne savais pas que la France délivrait ce genre de document si tôt dans une scolarité. Ou alors, votre centre de vacances était en avance sur son temps.
Allez savoir..... | | À: Suedois · 6 novembre 2017 à 17:31 · Modifié le 6 nov. 2017 à 19:41 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 8 de 69 · Page 1 de 4 · 4 649 affichages · Partager Ce qui me fait (un peu) sourire, c'est le terme " Moniteur de voile à 14 ans". Je ne savais pas que la France délivrait ce genre de document si tôt dans une scolarité. Ou alors, votre centre de vacances était en avance sur son temps.
Ce qui me fait sourire, c'est que tu es, toi, complètement en décalage avec le temps d'alors... Je te rappelle que nous étions à la fin des années 60... 1968, pour être précis: les "grands" qui arrivaient de Paris parlaient de l'invasion de la Tchécoslovaquie alors que nous n'en savions rien du tout (et d'ailleurs, je ne comprenais pas bien de quoi il s'agissait!), le principe de précaution n'était pas encore inventé (temps bénis!), je travaillais "au pair" à 14 ans (et aussi 15, et 16, etc.), c'est-à-dire pour quelques centaines de francs par mois et quelques colliers-bar, et Satan merci, l'omniprésente administration et sa paperasse ne nous avaient pas encore rattrapés...
De plus, "la France", comme tu dis, était bien loin, le chef de village était le roi (y compris vis-à-vis des pouvoirs publics locaux italiens, trop contents de bénéficier des importantes retombées économiques locales du village), et quand le chef de voile annonçait que j'étais devenu moniteur, personne ne me demandait mon diplôme... J'avais dû lui prouver, à lui, avant, que je le méritais.
L'année qui suivit, en Toscane, j'assurai le Cours Compétition pendant 4 semaines, ce qui me fit piloter toute la journée, tous les jours sauf les jours d'arrivée (les RTT n'avaient pas non plus été inventées), un gros Zodiac muni d'un moteur hors-bord de 40 CV, sans le moindre permis.
Donc, tu vois, nous étions à des années-lumière de tes "documents"! Aujourd'hui, je ne doute pas qu'il en faille, mais pas à l'époque... | | À: FDB · 6 novembre 2017 à 17:32 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 9 de 69 · Page 1 de 4 · 4 648 affichages · Partager Bonjour,
un récit, des belles photos, une destination appréciée : il n'en fallait pas plus pour me faire cliquer sur le bouton "suivre cette discussion"
Merci à toi! Quelques problèmes techniques à résoudre pour l'upload des photos qui ne passent pas (bien qu'elles fassent plus de 2000 pixels dans leur plus grande dimension) et je reprendrai le cours de mon récit... | | À: Blue439 · 6 novembre 2017 à 17:49 · Modifié le 6 nov. 2017 à 18:08 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 10 de 69 · Page 1 de 4 · 4 644 affichages · Partager Je repris la route pour arriver en début de soirée à Palau, à l’heure pour embarquer sur le ferry qui me conduirait à l’île de La Maddalena.
4. Arrivée du ferry Palau- La Maddalena. Il s'appelle Isola di Caprera, sûrement un bon présage...
5. On ramène les aussières à bord...
Les paysagistes bretons le savent bien : rien de tel que l’alternance entre les averses et les éclaircies pour créer de belles luminosités, et ce soir-là, je profitai de l’occasion.
6. En mer —enfin, n'exagérons rien, c'est une traversée de 30 minutes— le prochain grain s'annonce.
7. Impressionnant pâté de cumulo-nimbus au-dessus de La Maddalena
Le lendemain matin, la pluie tombait toujours, persistante, tenace. Je me demandais si la piste en terre qui rejoignait la petite plage du Club n’allait pas avoir été transformée en fondrière. Pour parer à ce genre d’éventualité, j’avais essayé de louer un 4×4, mais peine perdue, je n’avais obtenu qu’un de ces «cross-over» très à la mode mais qui ne sont rien d’autre que des berlines de tous les jours, légèrement surélevées. Quoi qu’il en soit, en fin de matinée, la pluie sembla diminuer d’intensité, voire même, par moments, cesser complètement. Je pris donc la route.
Caprera et La Maddalena, deux îles qui se touchent presque, ont toujours été reliées par un pont. Celui, très vieux, très étroit et très rouillé, que j’avais connu, avait été remplacé par un moderne petit ouvrage tout en courbes, un peu dans le style flatteur de Calatrava. Je passai sans m’arrêter mes souvenirs m’attendaient plus loin.
À force de m’user les yeux sur Google Earth, j’avais exactement mémorisé la route à suivre pour parvenir devant ce qui avait été le « portail » du village (quelques rares vacanciers, surtout italiens, y venaient en voiture), avant de rejoindre la piste sableuse de la cala Garibaldi. Bientôt, je parvins devant un mur bas et un petit portail fermé. La case qui avait dû abriter le gardien/concierge agonisait sans bruit, un drapeau italien en lambeaux battait dans le vent. Le muret était ridiculement facile à escalader : il n’y avait guère qu’à l’enjamber, et aborder ainsi le village « par derrière » pouvait contribuer à plus de discrétion. Une affichette bien en vue proclamant que l’endroit était videosorvegliato, j’inspectai soigneusement les environs à la recherche d’une caméra et n’en trouvai point : c’était de la frime, et il en faudrait plus pour me dissuader. Je « fis le mur » sans difficulté j’y étais.
8. Derrière cet humble “portail”, le village abandonné m'attend...
| | À: Blue439 · 6 novembre 2017 à 19:27 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 11 de 69 · Page 1 de 4 · 4 624 affichages · Partager Bonsoir,
Evidemment après une telle introduction - que dis-je, un lancement - on est impatient de découvrir le feuilleton suivant. J'aime l'originalité de la démarche. | | À: Blue439 · 6 novembre 2017 à 19:57 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 12 de 69 · Page 1 de 4 · 4 612 affichages · Partager J'aime ta photo 1, elle exprime parfaitement en image ce que tu racontes avec des mots (le souvenir, l'abandon, ce qui n'est plus...). La 7 (plus que la 6) en raison des ondulations harmonieuses de la colline et du cadrage original. La 8, où le flou se précise justement sur le chemin de la découverte, douceur qui tranche avec l'horrible panneau d'interdiction. Il me tarde de voir ce qu'il y a derrière cette barrière ! | | À: Suedois · 6 novembre 2017 à 21:56 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 13 de 69 · Page 1 de 4 · 4 585 affichages · Partager Ce qui me fait (un peu) sourire, c'est le terme " Moniteur de voile à 14 ans". Je ne savais pas que la France délivrait ce genre de document si tôt dans une scolarité.
L' Italie en l'occurrence | | À: Blue439 · 6 novembre 2017 à 22:28 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 14 de 69 · Page 1 de 4 · 4 567 affichages · Partager Moi aussi j'attends devant cette barrière ! | | À: Blue439 · 6 novembre 2017 à 23:29 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 15 de 69 · Page 1 de 4 · 4 552 affichages · Partager Bonsoir,
Et moi aussi j’attends.... | | À: Blue439 · 7 novembre 2017 à 6:05 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 16 de 69 · Page 1 de 4 · 4 546 affichages · Partager +1 🙂 Pour une entrée en catimini, c'est loupé...😉 | | À: FDB · 7 novembre 2017 à 7:46 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 17 de 69 · Page 1 de 4 · 4 537 affichages · Partager Ce qui me fait (un peu) sourire, c'est le terme " Moniteur de voile à 14 ans". Je ne savais pas que la France délivrait ce genre de document si tôt dans une scolarité.
L' Italie en l'occurrence
Certes. Sauf que le Club Med appartenait à un consortium français (Blitz/Trigano)nous étions dans la période immédiatement post-soixante-huitarde...Je comprend le coup des diplômes. | | À: Blue439 · 7 novembre 2017 à 21:05 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 18 de 69 · Page 1 de 4 · 4 485 affichages · Partager Merci pour ce texte et les magnifiques photos! J'espère lire la suite très viiiiite ! | | À: Blue439 · 7 novembre 2017 à 22:34 · Modifié le 8 nov. 2017 à 10:34 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 19 de 69 · Page 1 de 4 · 4 466 affichages · Partager Merci infiniment à celles et à ceux qui ont eu la gentillesse de rejoindre les suiveurs de ce carnet, et de manifester leur intérêt...
La suite arrive... Il y a toujours beaucoup de texte et peu de photos, mais la proportion s'inversera par la suite!
Ce qui me surprit le plus tout d’abord, ce fut la végétation. Hormis sous la pinède où je savais qu’il ne poussait pas grand-chose au travers de l’épais tapis d’aiguilles de pin, je m’étais attendu à devoir faire face à une véritable jungle : en sept ans d’abandon, ça pousse drôlement, mon jardin en sait quelque chose chaque printemps ! Or, ici, les herbes restaient parfaitement gérables, presque disciplinées. Je mis cela sur le compte des sécheresses de l’été, qui devaient promptement ruiner les efforts de pousse initiés au printemps. L’autre chose surprenante, ce fut la verdeur généralisée : je réalisai soudain que je n’avais jamais connu Caprera qu’au cœur de l’été, où dominait le jaune uniforme, à l’exception de quelques mètres carrés de pelouse et de fleurs au restaurant ou vers le bar, soigneusement entretenus par le jardinier. Mais au début du printemps, tout était vert, la végétation nouvelle croissant avec espoir sur les restes putréfiés de celle des années passées.
9. Le village abandonné au printemps...
Je cheminais lentement parmi les cases abandonnées, dans un silence de nécropole, à peine troublé par le rare chant d’un oiseau. Quelqu’un m’avait dit de me méfier des sangliers. Je sais que ces bestiaux peuvent être féroces, notamment quand ils ont des petits (ce qui était certainement le cas à cette période de l’année), aussi je surveillais le sol, et à plusieurs reprises je repérai des laissées, sans toutefois jamais voir ne serait-ce que la queue d’un sanglier.
Extérieurement, les cases ressemblaient à celles que j’avais connues et habitées. Je ne sais combien de temps dure le matériau dont elles sont faites, mais la plupart d’entre elles étaient encore en très bon état, et apparemment très saines et sèches à l’intérieur, à l’exception de certains toits quelque peu décoiffés par les vents, toujours violents aux abords des Bouches de Bonifacio. La plupart des plaques nominatives (chaque case a un nom, qui constitue son « adresse ») étaient plus récentes que celles que j’avais connues, mais j’en retrouvai avec émotion certaines dont le graphisme était sans nul doute celui utilisé jadis...
Les changements, pourtant, étaient nombreux, et marquants. D’abord, les portes étaient conçues pour fermer au cadenas. Au sol, plus question d’une simple chape de ciment (voire, j’avais connu le cas, de terre battue !), mais un joli carrelage bien réalisé, et dont je peux témoigner de la bonne tenue dans le temps, même après sept années d’abandon. Le mobilier, lui aussi, avait bien évolué : certes, les lits restaient ce qu’ils avaient toujours été, c’est-à-dire sommaires, mais il y avait maintenant deux penderies par case (luxe inouï), et chacune d’elles était officiellement munie d’une cassette forte, elle aussi prête à être cadenassée, et dans lesquelles le Club recommandait très officiellement de ne pas laisser plus de 250 euros en argent, et 2500 en bijoux et objets de valeur divers...! Je tombais des nues. Y avait-il donc eu besoin d’argent au Club? Ne déposait-on pas tout, comme avant, au coffre du village, dès l’arrivée? Ces grands niveleurs de classes sociales qu’étaient le collier-bar et le paréo n’étaient-ils plus là pour contribuer à créer cette merveilleuse ambiance que nous avions connue, et tellement appréciée? Pouvait-on désormais laisser sa montre Cartier dans le «coffre-fort» de sa case pour l’exhiber à la convoitise d’autrui, le soir au bar, espérant ainsi compenser de médiocres performances au tir à l’arc, au water-polo ou à la pétanque, plus tôt dans la journée? Le Club aurait-il changé à ce point?
Il semblait bien que oui d’ailleurs, n’avait-on pas été jusqu’à équiper chaque case d’un plafonnier électrique? Pourquoi pas un jacuzzi et un dock pour iPhone, tant qu’on y était?
10. L’intérieur d’une case:
Je ressortis, perplexe, de la case que je venais de visiter. Ce que j’y avais vu m’en disait long sur la manière dont le Club, son esprit, son ambiance, avaient évolué.
Poursuivant mon chemin, explorant de droite et de gauche, je tombai sur un premier «sanitaire» : ainsi appelions-nous, à l’époque, ces blocs communs réunissant lavabos, douches, toilettes, bacs à linge, bref les seuls points d’eau (toujours potable, même si elle n’avait parfois pas très bon goût) du village en-dehors du restaurant, du bar et des lieux des activités. Alors que, dans les cases, tout le «mobilier» (si l’on peut dire) avait été laissé sur place, aux sanitaires tout ce qui pouvait être raisonnablement démonté avait été emporté: robinetterie, bondes, tuyauteries, siphons, tout était parti, sans vandalisme apparent, sans brutalité, sans dégâts, comme si le démontage avait été volontairement réalisé avec calme et méthode après la fermeture du village. Pourtant, les tubes devaient tous être en PVC, et les robinets en alliage chromé, pas de cuivre dans tout ça, mais peut-être tout cela avait-il quand même une valeur que j’ignorais, et que le Club avait voulu réaliser avant de quitter les lieux...?
11. Un “sanitaire”
EDIT du lendemain: Enfin réussi à uploader les photos... Merci pour votre patience!
Et on s'arrête là pour ce soir, j'aurais volontiers poursuivi, mais... mais... serveur en panne... réseau en rade... on ne sait pas trop... mais le résultat, c'est que les photos ne se chargent plus. Ce n'est pas la première fois, le service technique de VF est prévenu mais rien ne se passe... et j'en ai marre d'essayer pour ce soir. On exige de nous de grosses photos (2000 pixels minimum dans la plus grande dimension), mais on ne parvient pas toujours à gérer les uploads, apparemment... | | À: Blue439 · 8 novembre 2017 à 9:58 Re: Quarante ans après, retour en Sardaigne sur les traces de mon passé Message 20 de 69 · Page 1 de 4 · 4 443 affichages · Partager le Club recommandait très officiellement de ne pas laisser plus de 250 euros en argent, et 2500 en bijoux et objets de valeur divers...! Je tombais des nues. Y avait-il donc eu besoin d’argent au Club ? Ne déposait-on pas tout, comme avant, au coffre du village, dès l’arrivée ? Ces grands niveleurs de classes sociales qu’étaient le collier-bar et le paréo n’étaient-ils plus là pour contribuer à créer cette merveilleuse ambiance que nous avions connue, et tellement appréciée ? Pouvait-on désormais laisser sa montre Cartier dans le « coffre-fort » de sa case pour l’exhiber à la convoitise d’autrui, le soir au bar, espérant ainsi compenser de médiocres performances au tir à l’arc, au water-polo ou à la pétanque, plus tôt dans la journée ? Le Club aurait-il changé à ce point ?
bonjour,
peut-être que le Club n'a fait que s'adapter aux nouvelles habitudes de la clientèle...
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