C'était en 2013, j'étais allée à l'hôtel Panchavati que j'avais trouvé sur internet. Il y en avait un autre moins cher mais complet. 1200 la chambre - resto dans l'hôtel et derrière dans un jardin, plutôt agréable. L'hôtel était moyen mais pas le choix. Je pense qu'en 5 ans, il doit y en avoir d'autres, c'est ce que je remarque quand je reviens dans les villes, tout se développe vitesse grand V.
Je te copie des extraits de mon carnet que j'ai en word ci-dessous pour te donner une idée de la ville. J'ai noté : départ à 8 h 30 d'
Ajanta (on avait dormi à l'hôtel gouvernemental, à 2 pas du site), arrivée Burhanpur 11 h. Je vais insérer quelques photos qui ne rendent pas justice à cette ville.
"A 8 h 30, nous sommes dans l’auto en direction de Burhanpur, 1ère ville du Madhya Pradesh. Le paysage est vallonné, pour ne pas dire montagneux... des rochers rouges parsèment les collines dénudés... Malkit s’arrête pour payer la taxe (300 rs / jour) et nous voici de retour dans cet état rural qui nous avait tant plu l’an passé. Les routes sont correctes, mais cela va-t-il durer ?
Lecture à haute voix dans l’auto d’un article d’
India today trouvé sur internet qui donne le ton de ce que nous allons rencontrer à Burhanpur, une ville hors du temps, perdue aux confins de l’état, qui a vu mourir Muntaz Mahal lors de la naissance de son quatorzième enfant. Le roman « ???? » et les descriptions lues sur des blogs ou des articles m’avaient donné envie de visiter, le début de l’article d’
India Today très ironique laisse augurer du pire... Le reste est très positif. Je ne résiste pas à l’envie d’en recopier l’introduction dans ce journal
«Vous allez à Burhanpur pour écrire un article de voyage ? » Le passager assis à côté de moi sur le vol à destination de Indore me regarde incrédule. « Il n'y a rien à y voir, sauf kapas, Kapra aur kela (champs de coton, du tissu et des bananes). « Bilkul », renchérit son compagnon, également un homme d'affaires d’Indore » Je proteste « Mais que dire de tous les monuments célèbres de l'ancien temps ? ».« Oui, oui », répond-il avec un rire moqueur : «Dans le bon vieux temps Burhanpur était célèbre pour quatre choses - Gadha, garda, garmee aur goristan (les ânes, la poussière, la chaleur et les cimetières ». Le reste du vol se passe dans le silence.
Nous sommes prévenus, on va voir des champs de coton, des bananes, des tissus, des cimetières, des ânes... cela tombe bien, on adore tout cela. Bon la poussière et la chaleur, sans doute moins mais si il faut, nous sommes prêts à les affronter ! Dans l’article, la journaliste dresse un portrait sympathique de la ville et de ses monuments et nous sommes prêts pour une exploration approfondie. Sur les quelques kilomètres qui séparent la frontière de Burhanpur nous voyons de nombreux champs de coton et des cultures de bananes à perte de vue, Kapas et Kela sont bien là. C’est très vert et cela nous change du paysage aride du nord du Maharastra. Des hommes à vélo chargés d’improbables chargements d’énormes friandises rose fuschia circulent sur la route. Y-a-t-il près d’ici une usine à barbapapa ?
A 11 h, nous arrivons dans les faubourgs et nous arrêtons vers un bâtiment délabré qui domine les rives de la Tapti, la rivière assez large qui arrose la ville et les environs. La pancarte touristique assez mal en point annonce que nous sommes au Baradari, dont le mot en Hindi signifie 12 portes. Les baradaris, pavillons de plaisance étaient utilisés comme pavillon ombragés et ventés (d’où les multiples portes). Celui-ci est en piteux état mais sa situation, juste au dessus de la rivière devait être idéale pour se rafraichir. Nous déambulons seuls dans les ruines mogholes et profitons de la vue qui s’offre à nous. Dans le lit de la Tapti, aux endroits les moins profonds, des paysans s’affairent dans des cultures géométriques, un peu comme on a pu le voir sur les bords de la Yamuna.
Nous n’avons pas de plan de la ville et le GPS n’indique pas les endroits repérés par mes soins sur divers sites internet. Les guides papiers, comme toujours dans les contrées non touristiques, sont plus que chiches en information... La ville n’est mentionnée dans aucun des guides en français, c’est dire !
Malkit se renseigne vers le gardien des lieux et nous voilà bientôt repartis d’où nos venons, dans la campagne plutôt que vers la ville toute proche... l’Akukhana, dernière demeure de Muntaz Mahal avant son transfert au
Taj serait derrière nous, mais où ? En arrière toute et c’est parti pour une visite insolite de la campagne, direction Zainabad, un village situé de l’autre côté de la rivière. On commence par voir des minarets qui semblent anciens au loin mais sommes attirés par une briqueterie ! Qu’à cela ne tienne, arrêt briqueterie. Il y a des empilements de briques en terre partout, des fours, des restes de briques cuites complètement amalgamées et collées, calcinées et carbonisées. Notre arrivée pertube le travail des hommes, femmes et enfants comme d’habitude, l’occasion pour eux de faire une pause dans cette chaleur et poussière. Sur le chemin, des charrettes tirées par des bœufs aux cornes peintes en rouge, des femmes qui tirent de l’eau à la pompe du quartier. Nous partons à pied à la recherche de la mosquée dont les minarets nous font de l’œil. Nous traversons une des ruelles du village avec bien du mal (le jeu consiste à éviter les flaques de boue, les détritus, les crottes et bouses...) et arrivons sur une espèce de place encore plus sale que le reste, encombrée de détritus, de vaches, de chèvres et d’enfants. Sur un des côtés de la place, l’habituelle pancarte touristique bleue qui a sans doute connu des jours meilleurs. Nous sommes à l’entrée du Saray et de la mosquée de Zainabad, des monuments datant de la dynastie Faruqis, qui a régné ici de 1399 à 1601, date du rattachement de la ville à l’empire moghol. Nous ne saurons rien de ce saray et de cette mosquée, excepté qu’ils sont d’une grand importance historique (dixit le tableau bleu). Le gardien, un homme d’un certain âge nous ouvre la grille et renvoie les nombreux gamins accourus de partout à notre arrivée. Passé le porche d’entrée, c’est calme, propre et serein... Un immense quadrilatère en brique, des cellules cachées derrières des colonnades magnifiques, au centre, les restes d’une immense roue au sol (pour moudre du grain ou des pierres comme nous l’avons vu à
Mandu).
Nous traversons le saray et marchons en direction de la mosquée en ruine qui conserve néanmoins de beaux éléments décoratifs (mirhab et autres niches) sur le mur du fond, avec le ciel comme unique protection. Les minarets seuls semblent avoir résisté au temps et aux intempéries. Nous contournons les ruines pour tenter d’apercevoir le fort, de l’autre côté de la Tapti qui ne devrait pas être bien loin mais peine perdue, nous ne verrons pas la rivière. Les descriptions des romans ne correspondent pas toujours à la réalité, je devrais le savoir ! C’est durant la ballade dans ces ruines que Geneviève, moins bien chaussée que les autres a connu l’épreuve du fakir ! Au début, petite douleur sous le pied, un caillou imagine-t-elle. Puis, chemin faisant, des dizaines de caillous sont apparemment rentrés dans ses chaussures. Quand elle décide de s’arrêter pour les retirer, elle a la surprise de voir des dizaines de longues épines piquées dans ses chaussures. C’est la même chose pour nous mais nous n’avons rien senti, les semelles épaisses ayant absorbées les épines. Pour elle, par contre, chaque épine a traversé et lui blesse la plante des pieds... Opération épilation des chaussures, le gardien l’aide gentiment.
Nous regagnons l’auto par les ruelles « dépotoirs » et essayons de trouver, en suivant les indications des paysans et travailleurs, le fameux Akhukana, dernière demeure de Muntaz. Sur la route, travaux des champs, récolte de la canne à sucre, troupeaux etc... Nous arrivons au bout d’un chemin devant un immense mur de brique, très haut, sans aucune porte à l’horizon. Où est l’entrée ? Malkit ne peut pas avancer plus loin, nous décidons de partir par deux chacun d’un côté en longeant les hauts murs. Le palais ou pavillon de Muntaz semble inatteignable mais nous n’avons pas dit notre dernier mot !... Les deux groupes parviendront quasi en même temps au centre du complexe. Christian et Christiane ont trouvé la bonne porte, nous avons du pour entrer par un passage dérobé déplacer des tas de broussailles certainement mises là par un éleveur pour empêcher les bêtes de rentrer ou de sortir !
Le Akhakana, pavillon de chasse ou de plaisirs d’un prince débauché fut converti par Shah Jahan en jardin moghol, avec pavillon, baradari, jardin en chor bagh (4 côtés)... Situé juste en face du fort de Burhanpur, sur l’autre rive de la Tapti, ce devait être à l’époque un magnifique endroit mais aujourd’hui, le grand bassin vide est entouré de broussailles et de mauvaises herbes et seules quelques vaches maigres semblent habiter les lieux. Les restes sont encore évocateurs (baradari, pavillon à coupole, muqarna sous les coupoles...)
Nous regagnons la voiture en traversant un joli champ de coton. Il va être temps de gagner la ville, de trouver l’hôtel et de songer à manger mais c’était sans compter sur les photographes qui trouvent que la campagne est bien jolie, les coupeuses de canne bien colorées, les vaches qui se désaltèrent vers une pompe bien photogéniques...
L’hôtel Panchavati (encore un Panchavati cette année !) trouvé sur internet, est juste à l’entrée de la ville, possède un resto, donc tout va bien. Pour 600 roupies, nous avons un copieux déjeuner. Nous prenons des chambres à 1200 Cela ne correspond pas au tarif vu sur internet et m’énerve un peu mais bon, tant pis. On décharge vite les sacs et partons sans plus tarder rejoindre les Tongas (charrettes tirées par des chevaux) que le tenancier nous a négocié à 130 rs la
tonga pour l’après-midi, soit une misère (on donnera finalement 250 rs par
tonga, les « chauffeurs » ayant été bien patients avec nous, infatigable voyageurs. La voiture restera devant l’hôtel et nous n’aurons pas à chercher les divers lieux. A Burhanpur, la
tonga est le moyen de transport le plus utilisé. Nous en croiserons toute la journée. Plutôt que les bruits de moteurs et klaxons des autres villes, ces charrettes sont bien plus agréables et de nos places, la vue est exceptionnelle sur les rues animées, le bazar et les murailles de la ville.
Tic toc, tic toc, ou clip clop, clip clop et c’est parti pour la découverte de la ville des 3 K (kapas, Kapra aur kela – coton, tissus et bananes) et des 4 G (- Gadha, garda, garmee aur goristan - ânes, poussière, chaleur et cimetières. Nous passons devant les hautes murailles éventrées par endroits et rentrons au cœur du bazar, vivant et animé, comme tous les bazars indiens. Nous avons décidé de commencer par le Shahi Qila, le fort au bord de la Tapti, quasi l’unique Image de Burhanpur vue sur internet. Le palais est partiellement en ruine mais le hamman de Muntaz conserve encore de belles peintures du XVIIe d’inspiration persane sur les mukarnas (jolies décorations fleuries dans des tons bleu et vert).
Nous déambulons dans les jardins, lézardons sur les remparts pour admirer la Tapti en contrebas. Il y a des beaux ghats, des barges et bateaux... nous irions bien y faire un petit tour... Impossible d’y accéder en
tonga, bien trop pentu pour ces engins, donc c’est parti pour une ballade à pied en passant par une ruelle moyenâgeuse bordée sur un côté par des maisons très hautes avec de très petites ouvertures qui donnent sur un égout à ciel ouvert, cochons qui fourragent dans l’égout, coupeurs de bois, femme à la balance (pour peser le bois ?), gamins qui nous suivent joyeusement, jeune fille au coq... Enfin, nous arrivons sur les ghats, mais de là, finalement, la vue sur le palais n’est pas extraordinaire, nous ne sommes pas pile en face
Une barge fait la navette entre les deux rives et part en transportant des passagers pendant que nous réfléchissons si oui ou non nous allons la prendre. Christian pense qu’attendre son retour prendra trop de temps, alors nous « louons » pour 200 rs une barge un peu crade (restes de terre humides) par endroit pour une rapide promenade sur la Tapti. Nous passons à proximité de la « pierre élephant » peinte. Un gamin prend la pause, un mec en pantalon de pyjama plonge dans l’eau et fait la planche devant notre barge, très fier de lui, des femmes font la lessive sur l’autre rive, les saris sont étendus sur la pente herbue ou tenus par des femmes à bout de bras pour sécher, les enfants jouent dans l’eau... des buffles, oiseaux, canards, grues et autres volatiles prennent le frais dans l’eau. Un peu plus loin, des hommes en short, torse nu, prélèvent du sable bien noir de la rivière, font des tas pour le sécher, d’autres remplissent une barge (d’où les restes de terre humide dans la notre, notre batelier se fait un extra... des touristes occidentaux à Burhanpur, ce n’est pas si souvent semble-t-il). C’est si peu souvent qu’à notre sortie de la barge, un photographe nous attend sur les ghats pour immortaliser notre passage pour le journal local. Dommage, il s’avère que c’est un hebdomadaire et que le jour de sa sortie, nous serons loin. J’aurais bien aimé nous voir dans un journal indien !
Nous remontons par la ruelle crade jusqu’au fort pour retrouver les tongas qui vont nous faire traverser toute la ville pour atteindre le temple sikh (qui possède un livre très ancien) et le Dargah e Hakimi, un grand lieu de pèlerinage pour les Bohras, cette communauté musulmane étrangement vêtue, déjà croisée à Sidhpur au Gujarat.
Le bazar est très animé, il y a des tongas partout, des énormes charettes tirées par des chevaux ou des bœufs qui semblent transporter d’immenses bobines de fil, d’énormes ballots de tissus et dans la très longue rue qui mène au dargah, on entend les clic clac des métiers à tisser (électriques). Le
tonga de Christian, Geneviève et Malkit arrive bien avant nous devant le temple sikh et du coup, ils ont pu rentrer dans une des fabriques - filatures pour regarder. Bruit infernal à l’intérieur racontent-ils. Pas étonnant que de la rue, les clic clac s’entendent tant.
Nous rentrons dans le temple sikh où des femmes chantent à tue tête. Dans un coin, des hommes lisent le livre sacré, qui semble-t-il est très ancien. Dehors, séance photos avec des femmes venues du Penjab en pèlerinage. Nous remontons sur les tongas direction du Dargah e Hakimi, un havre de paix et de propreté au milieu de cette ville poussiéreuse, enfin pas plus que toutes les bourgades indiennes.
Dès l’entrée, on pressent que cet endroit est très spécial pour cette communauté bohras. Des haies bien taillées entourent des pelouses impeccables. Il y a même une hôtellerie pour les pèlerins. Les hommes tout de blanc vêtus sont élégants mais on ne peut en dire autant des femmes, avec leur costume ridicule. Le costume féminin des bohras se compose toujours d’une longue jupe qui descend jusqu’au pied et d’une espèce de cape avec un capuchon, les deux éléments toujours dans le même tissu, souvent d’une couleur pastel assez fadasse. Pour se différencier les unes des autres et mettre un peu de couleur et de gaité dans ce costume, elles rivalisent d’imagination et de dextérité pour le décorer (rubans, croquets, perles...) et créent des scènes absolument immondes pour la plupart. Hypocrites, nous nous précipitons vers elles pour admirer leurs tenues, nous extasier sur les motifs et les prendre en photo. Elles ont charmantes et se prêtent volontiers à la pose. En vrac, nous capturons de nombreuses scènes fleuries, un parapluie, une ribambelle de citron, des concombres et tomates et, le plus surprenant, un verre à cocktail avec paille !
Après avoir déposé nos chaussures dans une guérite réservée à cet effet, avec numéro de casier, nous entrons dans la partie la plus sainte du Dargah, rutilante et éclatante de blancheur. Quelques tombeaux ripolinés de frais, (nous rentrerons dans le premier seulement, où les pèlerins embrassent le tombeau religieusement, tournent autour rapidement avant de sortir pour recommencer dans le tombeau suivant), une immense cour dallée de marbre, un très grand tapis de prières, des femmes assises sur le tapis... Malkit, qui d’habitude déteste les lieux de culte musulmans est rentré, s’est couvert la tête avec son mouchoir blanc spécial temple sikh et il déambule avec nous et semble-t-il avec plaisir dans le Dargah !
Nous quittons cet endroit après encore quelques photos d’hommes et retrouvons les rumeurs de la ville, le clic clac des métiers à tisser, les ânes, cochons, buffles qui se mélangent avec la population dans les petites rues (assez propres, à signaler !) qui nous ramènent vers le bazar. Nous essayons de visiter la mosquée Bibri, une vieille mosquée de basalte noir mais elle semble fermée depuis des lustres. C’est l’heure de la prière dans la grande mosquée de la ville et nous ne verrons que la cour.
Le clac – clac des métiers à tisser, les ballots déposés sur les pas de porte en attendant d’être chargés, les gens qui prennent le frais devant leur maison... tout cela nous enchante depuis la
tonga. Il commence à faire un peu sombre pour les photos et c’est dommage car nous arrivons juste dans le quartier des fabricants de ficelles et de cordes, semble-t-il une autre spécialité de la ville. Hommes, femmes et enfants, travaillent le long des rues, à tourner d’antiques roues de vélo (cela y ressemble en tout cas), qui servent à fabriquer ficelles et cordes, blanches ou noires pour la plupart.
Nous retraversons le bazar, des rues avec de vieilles maisons colorées. Aujourd’hui, nous avons bien vu les 3 K (bananiers, coton, tissus), les 4 G (ânes, cimetières ou plutôt tombeaux, poussière et chaleur) mais aussi des ghats, des oiseaux, un palais, des mosquées, de la ficelle et bien plus encore"
Bon c'était un peu long mais cela te donne une idée de l'ambiance...
Christine