Bonjour.
Je viens de traverser le Grand Kurdistan, dans le sens sud-nord (
Iran-Irak-
Turquie). Voici mes impressions de voyage. J'avais parcouru plus longuement le Kurdistan d'
Iran à l'automne dernier. Les 3 parties de ce " pays symbolique " sont complètement différentes même si les Kurdes eux-mêmes se reconnaissent dans cette entité culturelle à part. L'Histoire les a divisés et le contexte géopolitique des dernières décennies fait que l'atmosphère varie très fortement d'un " pays hôte " à l'autre.
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IRAN.
- Itinéraire Orumiyeh-Oshnaviyeh-Piranshahr-Baneh-Marivan-Howraman-Paveh-
Kermanshah à l'automne. Itinéraire
Hamedan-
Sanandaj-Marivan ce printemps. Magnifique de bout en bout, très montagneux.
- Impression générale excellente. Accueil fantastique partout. Une hospitalité exceptionnelle dans un pays attachant. Certainement la partie du Kurdistan où les contacts sont les plus riches. Parler persan aide beaucoup. Hôtels dans chaque petite ville. Camping sauvage possible et assez aisé, juste se méfier des bases militaires très nombreuses, surtout à proximité de la zone frontalière (les Kurdes d'
Iran et la frontière poreuse sont surveillés de très près par le pouvoir central). Il en va de même pour prendre des photos. Le ravitaillement ne pose aucun problème, il est juste dur de pouvoir payer dans les épiceries. Certainement la partie du Grand Kurdistan la plus conviviale. Checkpoints assez nombreux, mais seulement 2 ou 3 contrôles de passeport. A ma deuxième visite ce printemps le quadrillage de l'armée était plus serré, la campagne électorale en cours y étant certainement pour beaucoup. Débriefing assez sec par la Sécurité à ma sortie au poste-frontière de Beshmakh.
- IRAK.
- Itinéraire Beshmakh-Suleymaniyah (Slemani)-Dukan-Koya-Erbil-Soran-Barzan-Amedi-Zakho. 2 grosses semaines en tout. Entrée assez aisée, 1 mois de séjour gratuit, visa valide seulement pour la Région Autonome Kurde. J'ai dû acheter une assurance qui couvrait à peu près tout, sauf mon suicide éventuel (5000 IQD. 4 $).
Route là encore très belle, surtout la seconde partie d'Erbil à Zakho par les montagnes du nord le long des frontières iranienne et turque. Pour des raisons évidentes il est fortement conseillé de rester au large de Kirkouk et Mossoul, j'ai donc emprunté des itinéraires alternatifs.
- Impression générale très bonne, malgré le contexte. Tranquillité presque irréelle, si proche de zones de conflits très durs. Checkpoints partout, mais les Peshmergas qui en sont responsables m'ont paru très professionnels. Aucune fouille, juste les questions d'usage. L'armée kurde est pro-occidentale, comme la quasi-totalité de la population, ce qui change complètement la donne aux contrôles par rapport à l'
Iran et surtout la
Turquie. Accueil plus réservé et distant qu'en
Iran, mais toujours très respectueux. Les invitations spontanées à passer la nuit à la maison sont plus rares qu'en
Iran. On parle kurde d'abord, arabe et persan ensuite, surtout chez les plus anciens. Comme en
Iran les gens sont très fiers de leur culture. Anglais avec certains jeunes ou les Kurdes de la diaspora. Ravitaillement aisé, partout, le moindre petit village a son épicier. Bivouacs assez aisés et sûrs, j'ai beaucoup utilisé les aires de pique-nique à l'extérieur des villes. Hôtels bon marché près des bazars des villes, environ 20000 IQD (15 $) la chambre simple.
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TURQUIE.
- Itinéraire Ibrahim Khalil-Silopi-Cizre-
Hasankeyf-Batman-Tatvan-Van-Muradiye-Ercis-Agri-
Kars. Entrée en
Turquie très tendue, on m'a baladé d'un bureau à l'autre avant de m'admettre. La frontière est impressionnante. L'armée m'a obligé à modifier mon itinéraire à 2 reprises : à Cizre (impossible d'aller plein nord vers Siirt et Tatvan) et au nord de Muradiye, le long de la frontière iranienne pour rallier Dogubayazit (tank qui barre la route sous le col, demi-tour intégral).
La route de Silopi à Cizre longe directement le Tigre, la frontière syrienne est à 100 m de l'autre côté du mur protecteur construit récemment. Certains tronçons sont clairement très inconfortables à 15 km/h.
Beaucoup de zigzags donc pour progresser lentement vers le nord, mais là encore paysages de montagne sublimissimes au printemps.
- Impression générale terrible. La
Turquie va mal, le Kurdistan encore plus. Le conflit ouvert et frontal de 2015-2016 est terminé mais la situation reste explosive. Silopi, Cizre et Midyat sont devenues des villes-garnisons. La vie a repris, mais sous contrôle (patrouilles militaires incessantes). Checkpoints secs partout jusqu'à Batman au nord, ensuite la zone est toujours très militarisée mais les contrôles s'espacent. En général vérification du passeport et aval demandé par téléphone à la hiérarchie. 2 fouilles complètes, tout y est passé, photos, ordinateur, cartes, notes de voyage. La paranoïa règne, à mon avis plus la peur du journaliste que du sympathisant pro-PKK. Voir l'histoire de l'arrestation de Mathias Depardon à
Hasankeyf. J'ai évité de faire mes pauses près des bases et fortins militaires, mais pas facile tant ils sont rapprochés. Eviter de prendre des images, une évidence. Ravitaillement aisé, comme partout en
Turquie. J'ai très peu campé, là encore une évidence. Seulement 2 ou 3 fois par obligation. Hôtels bon marché dans chaque ville.
Les Kurdes du coin sont très fermés, les sourires sont rares. On m'a regardé passer avec circonspection, voire suspicion. Les échanges furent très limités (mon turc l'est), le Ramadan en cours n'a pas aidé non plus. Se méfier des jeunes bergers, souvent à la limite de l'hostilité. Idem pour leurs clébards.
Tableau assez sombre donc, mais telle est la
Turquie de 2017.
Levelo.