Thaïlande, crise politique : Prayuth a réussi son Coup !
Prayuth a donc finalement sifflé la fin de l’école sans même corriger les copies ! Et en guise de punition, tous les élèves indisciplinés ont passé la nuit dans une caserne, au riz et à l’eau !
La patience est un don naturel chez les fervents bouddhistes, mais a ses limites. Ce brave Prayuth, ça faisait bien six mois qu’ils le cherchaien...t. Eh bien ils l’ont trouvé ! Fallait pas pousser le maître dans les orties.
Le royaume s’est donc réveillé ce matin avec la gueule de bois, et une nouvelle clique de généraux putschistes au pouvoir, dont les têtes de zombie diffusées sur tous les écrans de télévision hier soir vont rentrer une nouvelle fois dans le mauvais côté de l’histoire chaotique de la démocratie thaïlandaise, du moins ce qu’il en reste, ou ce qu’il en paraît.
Les plus optimistes des observateurs étrangers vont devoir se faire une raison : la « démocratie à la thaïlandaise », c’est un peu comme le Som Tam : c’est appétissant vu de l'extérieur, mais très épicé dedans !
Maître Prayuth a donc réussi un coup parfait. Un fin stratège ce général, de la graine de Saint Cyrien. Si j’étais à sa place, j’irais brûler un cierge sur la tombe de Napoléon ! Vraiment. Avez-vous vu avec quel tact il a piégé tout son monde ? Et sans même dégainer un flingue, ni sortir le moindre char ? Juste un claquement de doigts. Fin de la récré !
Quel beau coup de filet en plus. En utilisant des leurres (Suthep le leader du PDRC, Abhisit celui des Démocrates, le président de la Commission électorale...), Maître Prayuth sur sa chaise perchée, a attiré dans un piège le gouvernement et son parti politique le Pheu Thai.
Après avoir fait les yeux doux lors de la première réunion et balancé de la poudre aux yeux, le deuxième tour de table a été fatal au gouvernement intérimaire, dont le négociateur (le Premier ministre avait dû sentir le coup et s’est volatilisé...) s’est vu annoncer le clap de fin par Prayuth.
Car le maître à jouer, entouré de ses fous, n’avait pas l’intention de « négocier » ! Mais de rappeler en quelques mots à Thaksin qui commandait, qui décidait, qui jugeait dans ce beau royaume.
Face à un élève aussi têtu, s‘accrochant mordicus à ses droits qui lui sont conférés par la Constitution de 2007 (celle des militaires donc...) de gouverner jusqu’à de nouvelles élections, le Monsieur a renvoyé tout le monde à leurs études.
Et c’est comme ça que Les Thaïlandais se sont réveillés ce matin : sous le son des clairons. Le bouddhisme a ceci de bien que le cycle des renaissances permet de vous élever chaque fois un peu plus haut si vous avez, dans vos vies antérieures, accumulé des mérites. Chez les militaires, le plus haut mérite, c’est de renaître putschiste !
Suthep, lui, s’est sûrement levé avec le sourire en coin et la tête haute. Car l’ancien numéro 2 du parti Démocrate (c’est drôle ce nom...) sort grand vainqueur de cette partie d’échecs. Passons sur les événements qui ont influencé la fin du conflit, la vingtaine de morts « sacrifiés » sur l’autel de la démocratie, et les « dés » qui lui ont permis d’arriver à cette victoire du « bien » contre le « mal » (tiens ça ne vous rappelle pas quelque chose ?...).
Tournons-nous plutôt vers le futur immédiat : que va-t-il se passer ?
Suthep, comme Sondhi à l’époque (oui, oui, celui des Chemises jaunes), va probablement disparaître progressivement du paysage médiatique. En bon soldat, il se pliera aux ordres des généraux et laissera une nouvelle page s’écrire sans lui. A condition bien sûr que les dits généraux finissent le boulot : museler définitivement Thaksin et sa clique.
Comment vont-ils s’y prendre ?
Tout d’abord, rappelons ici que l’armée s’est bien moquée des avertissements de la communauté internationale, Européens et Américains en tête, pourtant leurs grands copains. Quand il s’agit d’une guerre de pouvoir, ce n’est pas Obama qui va leur faire la leçon ! D’autant que Chinois et Russes, dit-on, commencent à en avoir plein les bottes de la démocratie occidentale...
Prayuth va faire comme ses prédécesseurs : le dos rond. Et promettre à la communauté internationale qu’une fois l’Ordre rétabli, le pouvoir sera rendu au peuple. Quelques réformes et une Constitution toute neuve pour remettre tout le monde dans le droit chemin, enfin le chemin indiqué, et tout redeviendra comme avant au pays du sourire... Promis ?
Dans les semaines à venir, un gouvernement intérimaire devrait être nommé. Les murs bruissent le nom de Kittipong Kittayarak, l’ancien secrétaire permanent à la Justice qui avait « reçu » Suthep en tête-à-tête lors de sa récente visite. Sa mission : mettre en place des réformes afin de préparer le terrain pour de nouvelles élections « libres ».
Dans le même temps, une Commission de sages va tenter de remodeler la Constitution suspendue par les putschistes, de façon à « combler les lacunes » de celle de 2007.
D’aucuns voient dans cette manœuvre le seul moyen pour barrer définitivement la route à Thaksin et protéger le Pouvoir établi, probablement en changeant les règles du jeu électoral et en donnant encore plus de moyens de contrôle sur l’exécutif au pouvoir judiciaire et aux agences indépendantes.
D’autres pensent que le coup d’Etat était la seule solution pour réformer un système de fonctionnement politique et social à bout de souffle, et forcer un changement salutaire alors que le royaume est de plus en plus divisé.
Puis il y a ceux qui croient que ce coup de force donnera sa chance à la fameuse majorité modérée, celle qui croit en une démocratie « juste », basée sur les principes de bonne gouvernance. Leur cible : la corruption. (Bon courage !)
Et puis il y a les autres, tous les autres, qui n’accepteront pas, quel que soit le prix à payer, quel que soit le sang à verser, qu’on leur enlève une nouvelle fois le droit de décider par eux-mêmes de ce qui est « bon » et de ce qui est « mauvais ».
Philippe Plénacoste (
www.gavroche-thailande.com)
Image attachée:
Photo postée par le membre
Barbot.