Et si on laissait, le temps d'une balade, les vestiges archéologiques et les plages qui font à juste titre la renommée de la Sicile ? A l'extrémité ouest de l'île, entre Trapani et Marsala, ce sont surtout les papilles qui sont en éveil.
Suivez-moi sur cet itinéraire gustatif entre marais-salants et vignobles...
Dommage que vous ne puissiez déguster qu'avec les yeux ! J'espère que les photos et le récit vous mettrons tout de même l'eau à la bouche.
Au menu, pour débuter, un premier plaisir... mais celui-là, il est visuel. Une lumière chaude baigne l'horizon marin. Les brumes de l'aurore sont encore présentes et l'on ne devine seulement que la silhouette d'une côte. Est-ce déjà celle de la
Sicile ? Probablement pas mais plutôt celles des
îles Eglades, on les aperçoit au loin noyées dans le brouillard.
Notre bateau de croisière progresse lentement, le cap est fixé sur
Trapani, la principale ville de l'ouest sicilien.
Le temps de contempler ce lever de soleil et nous voilà à présent en vue du port.
Habituellement, c'est plutôt un phare que l'on distingue en premier lorsqu'on aborde une côte. Ici, il y en a bien un mais il est plus discret que la tour fortifiée qui trône à l'entrée du port. Une tour au doux nom de
Castello della Colombaia, en quelque sorte c'est une originale tour-pigeonnier : à la fois vigie, système défensif et pigeonnier, refuge et point de départ de colombes porteuses de messages... que l'on espère de paix ? De l'histoire ancienne, ces pigeons voyageurs, c'était bien avant l'ère des communications sans fil et d'internet !
Un bateau de pêche part en mer et ride à peine les eaux calmes bordant les quais de la ville. Avec notre point de vue privilégié depuis le pont supérieur du navire, le panorama est splendide sur l'ensemble de
Trapani.
Devant nous, le port avec ses bateaux de pêche et de plaisance puis à l'extrémité de la digue à gauche, on aperçoit une autre tour emblématique de la ville, la Tour de Ligny, un bastion édifié en 1671 dans le but de défendre la cité des incursions de pirates et autres assaillants. Au-delà des immeubles du front de mer, ce sont les clochers et l'élégant dôme vert d'une église que l'on remarque le plus.
Je ne me lasse pas de ces arrivées depuis la mer, au petit matin, alors que les rayons du soleil dorent les façades d'une ville qui se réveille. C'est une vision à la fois apaisante et stimulante, une atmosphère idéale pour bien débuter la journée et mettre en appétit de découvertes à terre, durant l'escale.
Justement, avant même de débarquer, on a déjà un aperçu d'une des activités phares de la région, il suffit de diriger le regard vers la zone portuaire et les marais environnants.
Le sel, « l'Or blanc », est une des richesses de la région et cela depuis bien longtemps... L'histoire relate que ce sont les Phéniciens qui ont les premiers produit et commercialisé ce fameux sel de l'ouest sicilien.
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Partons donc à la découverte de cette première saveur... en empruntant la fameuse «
Via dell sale » (« Route du sel » était-il vraiment besoin de traduire ?).
Située à une vingtaine de kilomètres de
Trapani, la
lagune de Stagnone est sans aucun doute le lieu où il faut faire halte afin d'en savoir plus sur l'exploitation du sel. Un endroit où la nature est si généreuse et le panorama si caractéristique qu'il est classé en Réserve naturelle régionale depuis 1982.
Une lagune aux eaux peu profondes protégée de la mer par une digue naturelle constituée par une île qui s'étire tout en longueur, l'île Grande. Et entre lagune et terre, le paysage est quadrillé à perte de vue par les bassins rectangulaires des marais salants.
Pour ceux qui trouveraient ce panorama horizontal quelque peu monotone, il y a pour agrémenter la vue, au moins trois élégants moulins à vent, disposés comme des tours sur un échiquier, mais là, c'est en couleurs !
Le
moulin d'Infersa construit au 16ème siècle (et restauré depuis !) fait parti de la Saline
Ettore e Infersa, une grande exploitation de la région qui est également organisée pour permettre aux visiteurs d'avoir un aperçu du travail du sel. Un intéressant compromis.
Pour récolter du sel, il faut la conjonction de plusieurs facteurs : une mer à forte salinité, du vent et du soleil... toutes ces conditions sont idéalement réunies ici sur cette côte de la
Sicile.
Dès l'entrée de la saline, la vue des ouvriers charriant des brouettes lourdement chargées de sel rappelle, s'il en était besoin, que l'exploitation du sel nécessite aussi le savoir-faire et le travail des Hommes. Assurément un dur labeur !
Charger les brouettes à la pelle et les pousser jusqu'à ces monticules sous une chaleur souvent étouffante ne doit pas être de tout repos... et le nombre de brouettes menées, on le compte toujours car il constitue une unité de mesure afin de déterminer le poids approximatif de ces collines de sel.
Comme dans toute production, le sel a aussi ses différentes qualités allant du gros sel basique au sel très fin.
Mais la fine fleur de cet « Or blanc », c'est la «
Fior di sale ». Cette « Fleur de sel » est un produit aux subtiles qualités gustatives, alliant saveur salée, iodée... et encore bien plus, vous dit-on pendant la visite.
On vous propose même d'en déguster quelques cristaux. J'avoue qu'en milieu de matinée, du sel pur si subtil soit-il ne me tente pas vraiment ! Mais bien sûr, j'ai réservé la dégustation à plus tard, comme beaucoup de visiteurs j'ai acheté moi aussi un pot de cette fameuse fleur de sel locale.
On peut bien sûr l'utiliser pour assaisonner toutes les préparations culinaires : pasta, pizza, sauce tomate... (il fallait bien que je cite à un moment ou un autre ces incontournables spécialités italiennes, voilà c'est fait !).
Mais revenons à notre délicate fleur de sel, elle dévoile tous ces arômes utilisée par exemple, dans l'assaisonnement des crudités et des salades mais je la préfère plus encore lorsque elle vient terminer la préparation de toasts faits de pain arrosé de quelques gouttes d'huile d'olive extra vierge (sicilienne, pourquoi pas ?), recouvert de tomates broyées et d'une... pincée de fleur de sel, évidemment. C'est goûteux et sympa à l'apéritif, une vraie saveur qui fleure bon la Méditerranée.
Dernière précision à propos de la fleur de sel, une telle qualité gustative nécessite des conditions météo très particulières pour son élaboration : soleil et forte chaleur pour l'évaporation et une absence totale de vent pour que les cristaux forment une croûte superficielle bien isolée du reste de la saumure.
Je ne pense pas que cette sculpture de bateau en sel, exposée à l'intérieur du moulin, soit constituée de fleur de sel mais elle n'en est pas moins esthétique.
Cette salle d'exposition juxtapose le corps principal du moulin où l'on peut voir ces grosses meules de pierres, elles étaient utilisées autrefois pour broyer et moudre le sel.
En levant les yeux, c'est l'ingénieux mécanisme que l'on découvre, engrenages, poulies... le tout solidement fixé à une imposante charpente.
En visitant ce moulin on réalise encore plus l'importance du vent dans la production de ce sel. Indispensable, le vent participe à l'évaporation de l'eau de mer dans la saline, il fait aussi tourner les ailes du moulin pour actionner d'une part des pompes qui maîtrisent la hauteur d'eau dans les bassins et d'autre part le vent anime les meules de broyage des amas de sel.
Une triple action ! Enfin autrefois, car de nos jours le souffle d'Eole ne reste seulement indispensable que pour la première étape : l'évaporation. Pour le reste, pompage et broyage sont maintenant mécanisés.
L'escalier en colimaçon permet de gagner une terrasse extérieure d'où la vue dominante s'étend des marais salants jusqu'à la lagune un point de vue vraiment très photogénique avec le plus des moulins éloignés.
Pour accentuer cette présence (moulins dans le paysage), je compose ma photo en visant à travers le cadre de bois de l'aile du moulin, celui où je me trouve. En résultat cela donne une photo particulièrement quadrillée entre les montants de l'aile en avant-plan et puis les formes géométriques des bassins de la saline.
A côté des pyramides de sel, on voit des alignements de tuiles, de quoi intriguer les visiteurs. L'explication nous est donnée : les tuiles servent à recouvrir pendant la période hivernale les tas de sel, histoire de les protéger de l'humidité ambiante et des averses. Ainsi, dans quelques semaines, ces tuiles viendront chapeauter les monticules de cristaux de sel et donner un autre aspect aux marais salants.
J'aurai bien aimé faire la photo de ces « toitures » saisonnières mais pour cela il ne faudrait pas être un voyageur de passage...
Dans mes souhaits d'amateurs de photos, il y a aussi la vision des moulins avec leurs pales recouvertes de tissu, cela doit valoir le cliché comme les nuances rosées que prennent à certains moments les bassins et puis surtout, l'aspect le plus photogénique des lieux se situe au moment du coucher de soleil avec un ciel embrasé par des teintes chaudes et une surface des salines se transformant en de véritables miroirs d'eau, à bon entendeur...
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Le canal situé en premier plan mène vers la lagune et ses quatre îles, embarquons maintenant pour une balade sur l'eau, d'île en île.
Voilà
Scola, un vrai confetti, la plus petite des quatre. C'est une impression d'abandon que l'on a en regardant ces bâtiments anciens en piteux état, il faudrait des moyens financiers importants pour les restaurer, peut-être qu'un jour...
Barrant l'horizon, l'
Isola Grande sépare la mer des eaux de la lagune. En observant depuis le bateau l'eau sur laquelle nous naviguons lentement, on constate la très faible profondeur de cette étendue lagunaire, seulement une vingtaine de centimètres de hauteur. La clarté (et surtout la faible profondeur) permet de distinguer parfaitement le fond, il est tapissé d'algues ondulant au gré des courants.
Par endroits poussent des salicornes, une plante parfois appelée « cornichon de mer » dont la saveur alliant sel et iode est appréciée pour donner un goût marin à quelques préparations culinaires.
Maintenant nous longeons l'île de
San Pantaleo, une tour et une villa apparaissent derrière le rideau d'arbres. Sur cette île a été aménagé un musée archéologique car ici comme dans de nombreux lieux en
Sicile des témoignages de présence de civilisations anciennes ont été mis au jour à travers des fouilles.
Ces découvertes archéologiques, on les doit à un homme qui a passé une partie de sa vie à diriger des recherches sur cette île arrondie d'environ 1 km de diamètre. Joseph Whitaker, un Anglo-sicilien mort en 1936 s'est en effet passionné pour l'histoire de ce territoire.
Quelques ruines disséminées ça et là témoignent du riche passé des lieux. Ici, à l'époque phénicienne avait été fondée une importance cité,
Mozia (en sicilien) ou Mothia, c'était au VIII ème siècle avant J.-C. Bien protégée par des remparts, la florissante ville s'étendait sur l'ensemble de l'île et vivait d'échanges commerciaux maritimes avec une grande partie du bassin méditerranéen.
Les quelques vestiges aperçus maintenant depuis notre embarcation correspondent aux ruines du port de l'île : le Cothon. Le bassin de 2 hectares et les installations portuaires servaient à l'époque à l'entretien des navires phénico-puniques.
L'île isolée au milieu des eaux de la lagune était tout de même accessible par des convois roulants... cela vous étonne ? Explications : profitant de la faible hauteur du niveau de l'eau, les ingénieux habitants avaient eu la bonne idée de fabriquer des charrettes munies de très hautes roues... fallait y penser ! Une chaussée d'un kilomètre environ bien empierrée permettait ainsi de gagner la terre ferme depuis l'îlot. Judicieux, n'est-ce pas ?
Comme partout ailleurs, le cycle de l'Histoire est invariable... Mozia après des heures de gloire a connu un déclin irrémédiable, la cité fut détruite en 397 av J.-C. Ensuite, il semble que les lieux furent abandonnés sous domination romaine.
Sur San Pantaleo, il y a donc des vestiges archéologiques mais également quelques cultures avec des parcelles de vigne...
Voilà une transition toute indiquée pour introduire la seconde saveur de cet itinéraire gourmand, l'autre spécialité de la région, et celle-là est savoureusement sucrée, je veux parler du fameux vin de
Marsala.........................................................................
Suite du récit (
Marsala, le vin et
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